Décision implicite / décision explicite
Pour des raisons pratiques, les décisions de l'administration ne
peuvent toujours avoir une réponse explicite. Ainsi, le silence de
l'administration a une signification : le silence gardé pendant
plus de deux mois vaut décision implicite de rejet. L'acceptation
est donc l'exception.
Actes susceptibles de recours / actes insusceptibles de
recours
L'acte administratif, pour "faire grief" et donc pouvoir faire
l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, doit être un acte
juridique, ajouter au droit (modification de l'ordonnancement
juridique) et présenter le caractère d'une décision exécutoire (qui
suffit à porter des effets).
Les actes insusceptibles de recours peuvent avoir les caractères
d'un acte administratif, mais bénéficient d'une immunité
juridictionnelle ; c'est le cas des actes de gouvernement. Dans
d'autres cas, le juge estime que l'acte ne satisfait pas à toutes
les conditions permettant la qualification d'acte administratif ;
c'est le cas des mesures préparatoires et des mesures d'ordre
intérieur.
Les actes de gouvernement regroupent les actes mettant en
relation le Gouvernement et le Parlement ou une entité étrangère
(organisation internationale, Etat étranger). Certains de ces
actes, inscusceptibles de recours, peuvent toutefois être
considérés "détachables" du service, ce qui permet au juge
d'apprécier leur légalité.
La mesure préparatoire est l'acte préalable à l'acte
administratif, qui lui, modifie l'ordonnancement juridique.
Les mesures d'ordre intérieur s'appliquent aux services internes
de l'administration et n'ont donc en principe pas d'effet juridique
externe à l'administration ; il s'agit des circulaires et des
directives. Cependant, la jurisprudence "Notre Dame du Kreisker"
(CE Ass., 1954) avait distingué circulaires interprétatives
(inscusceptibles de recours) et circulaires réglementaires
(susceptibles de recours).
Actes individuels / actes réglementaires
Les actes unilatéraux révèlent la puissance de l’autorité
administrative, qui impose ses décisions à une ou plusieurs
personnes, ou à des catégories de personnes. Cependant, il convient
de distinguer les actes individuels des actes réglementaires, et de
rappeler les autorités bénéficiant d’un pouvoir réglementaire.
L’acte individuel
L'acte individuel est facile à identifier : il est édicté à
l’égard d’une ou plusieurs personnes déterminées, nominativement
désignées. Il peut s’agir d’un destinataire personne morale ou
physique.
Il s’agit généralement de l’application d’actes réglementaires
édictés en amont.
L’acte réglementaire
L'acte réglementaire est une norme générale et impersonnelle
adressée à des individus non déterminés. Il peut néanmoins
s’adresser à un groupe de population (à une fonction par exemple,
ou aux seuls automobilistes). Il ne se distingue pas de l’acte
individuel par le nombre de personnes auxquelles il s’adresse, mais
par d’autres éléments caractéristiques ; les autorités bénéficiant
du pouvoir réglementaire ont en effet des obligations particulières
dans cette mission. Elle est par exemple obligée d’utiliser son
pouvoir réglementaire dans un délai raisonnable (sous peine
d'illégalité) et publier également ses décisions dans un délai
raisonnable afin d’informer le public. Aussi, les règlements
illégaux doivent être abrogés.
Certaines autorités administratives disposent d’un pouvoir
réglementaire général, c’est dire que les actes s’appliquent sur
l’ensemble du territoire et dans toutes les matières
réglementaires.
Le pouvoir du premier ministre
Avant 1958, il revenait à l’ancien Président du Conseil
d'exécuter les lois. Cette tâche a été transférée au Premier
ministre à l’aube de la Ve République. Il est chargé de
la bonne exécution des lois, sans interprétation de sa part. Les
mesures d’exécution des lois doivent intervenir dans un délai
raisonnable, sous peine d’astreintes par jour de retard
(Association France Nature Environnement, 2000, CE).
Les règlements peuvent être pris dans toutes les matières, à
l’exception de celles qui relèvent de la loi, conformément à
l’article 34 de la Constitution. La Constitution de 1958 a créé un
pouvoir réglementaire autonome, qui s’exerce donc sans texte
législatif l'y autorisant. Cependant, ce pouvoir ne doit pas
empiéter sur le domaine de la loi (il ne peut par exemple pas
modifier des dispositions réglementaires prévues par une loi).
Mais le Premier ministre dispose d’un autre pouvoir, lui aussi
doté d’une réelle importance : le pouvoir de police générale.
L’arrêt Labonne de 1919 avait donné attribué cette
compétence au chef de l’Etat, qui se l’était vu retirer par la
constitution de 1958. Le Conseil d’Etat a réaffirmé qu’il
appartenait au « chef du gouvernement, en vertu de ses pouvoirs
propres et en dehors de toute disposition législative l’y
habilitant spécialement, d’édicter les mesures nécessaires à la
protection de la salubrité publique sur l’ensemble du territoire
national » (CE Ass., 1960, SARL Restaurant Nicolas).
Le pouvoir du chef d’Etat
Le Président de la République dispose également d’un pouvoir
réglementaire lorsqu’il signe les décrets délibérés en Conseil des
ministres et les ordonnances. Les ordonnances sont prises après
demande du gouvernement au Parlement, qui donne l'autorisation de
les édicter. La signature du chef de l’Etat renforce son pouvoir en
matière réglementaire puisqu’il peut priver le gouvernement de tous
moyens pour mettre en œuvre une réforme. François Mitterrand avait
ainsi utilisé ce pouvoir contre les volontés de privatisation du
gouvernement pendant les années de cohabitation.
L’absence de pouvoir réglementaire des ministres
Les ministres ne disposent pas du pouvoir réglementaire.
Cependant, le Premier ministre peut déléguer à un ministre une
partie de son pouvoir réglementaire, tout comme le ministre peut
user d’un pouvoir règlementaire en tant que chef de service ;
l’arrêt Jamart de 1936, du Conseil d’Etat donnait en effet
la possibilité pour les ministres de prendre les mesures
nécessaires au bon fonctionnement du ministère.
Les pouvoirs particuliers
D’autres institutions disposent d’un pouvoir réglementaire.
Les AAI
Ces autorités disposant d’une autonomie particulière, il était
nécessaire de leur accorder un pouvoir qui leur permettrait de la
préserver. C’est ainsi que certaines AAI sont dotées d’un pouvoir
règlementaire, ce qui est notamment le cas du CSA (qui établit par
exemple les règles relatives aux temps de parole des partis
politiques).
L’Union européenne
L’Union européenne, par ses organes, peut prendre des mesures de
caractère réglementaire. Outre les avis ou les recommandations
édictées en dehors de tout cadre réglementaire, des règlements et
des directives peuvent être pris dans ce cadre.
Les règlements, en droit communautaire, s’appliquent directement
dans les Etats membres ; les décisions qui sont prises en droit
interne doivent donc s’y conformer, en raison de l’ « effet direct
» des règlements communautaires.
Les directives ne sont quant à elles obligatoires que dans leur
but : elles n'obligent pas les Etats à utiliser des moyens
spécifiques pour y parvenir. Les Etats se trouvent donc dans
l’obligation d’arriver à l’objectif demandé, mais peuvent choisir
les moyens qu'ils veulent pour l’atteindre. En revanche, la Cour de
justice des communautés européennes a eu l'occasion de rappeler que
les dispositions prises dans le cadre de la réalisation d'un tel
objectif ne doivent pas être de nature à le compromettre.
Les organismes de droit public ou privé, les préfets et les
collectivités
Les organismes chargés d’un service public disposent dans
certains cas du pouvoir réglementaire. Certaines fédérations
sportives ont ainsi la possibilité d'édicter les règles relatives
au sport en question. Les ordres professionnels (médecins, avocats)
ont également des pouvoirs similaires.
Les représentants de l’Etat disposent d’un pouvoir réglementaire
pour organiser les services dont il ont la charge dans le cadre du
département ou de la région. Ce pouvoir leur permet de garantir
l’ordre public.
Les maires et les présidents des Conseil régionaux et généraux
disposent également du pouvoir réglementaire. Le maire dispose en
effet d’un pouvoir de police, ce qui le conduit à prendre toutes
les mesures nécessaires au maintien ou au rétablissement de l’ordre
public, dans le cadre de sa commune.