Aujourd'hui, le principe d'intangibilité de l'ouvrage public
tend à disparaître.
Historique
Par l’application de l'adage précité, on privilégiait l’intérêt
public sur l'intérêt privé. En effet, l’administration pouvait
ainsi notamment éviter les procédures d’expropriation et occuper
des propriétés privées sans avoir à passer par les différentes
procédures d’expropriation ; il s’agissait en réalité d’une
expropriation indirecte. Ces pratiques ont finalement été remises
en question par l’arrêt Baudon de Mony (1994, Cass. Ass.
Plén.) dans lequel le juge rappelle les procédures d’expropriation
à respecter, en sous-entendant l’irrégularité des expropriations
indirectes.
L'abandon progressif du principe
L’intangibilité de l’ouvrage public a été remise en cause car le
principe était considéré trop favorable à l'égard de
l’administration, au détriment de l’intérêt particulier. Ainsi, la
jurisprudence a progressivement mis fin à ce principe au travers
plusieurs arrêts :
-
Epoux Denard, 19 avril 1991, CE
En l’espèce, un maire avait refusé la destruction d’une buse, et
donc la destruction d’un ouvrage public. Le juge ayant considéré
qu’il n’existait pas d’erreur manifeste d’appréciation, l’ouvrage
n’a pas été démoli. Cependant, l’arrêt a permis de franchir un pas
vers la remise en cause de l’intangibilité des ouvrages publics
puisque dans ce cas, le juge aurait pu décider d’une démolition en
cas d’erreur manifeste d’appréciation.
-
M. et Mme Binet, 6 mai 2002, TC
Cet arrêt a permis au juge judiciaire de décider d’une
démolition lorsque l’ouvrage est établi par une voie de fait.
Ainsi, le juge administratif est compétent en dehors d’une voie de
fait.
-
Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des
Alpes-Maritimes, 29 janvier 2003, CE
Par cet arrêt, il est mis un terme au principe d’intangibilité
de l’ouvrage. En l’espèce, un pylône avait été installé de manière
irrégulière. Le juge a considéré que la démolition pouvait être
engagée sous conditions : il faut tout d’abord vérifier si la
destruction de l’ouvrage répond bien à un intérêt général, puis
établir un bilan coûts avantages.