La mesure de la force obligatoire
Force obligatoire entre les parties
Les conventions conclues « ne peuvent être révoquées que de leur
consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles
doivent être exécutées de bonne foi » (article 1134, C. civ.).
Créancières ou débitrices, les parties au contrat doivent
obligatoirement respecter leur engagement. L’article 1135 ajoute
que les conventions « obligent non seulement à ce qui est exprimé,
mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi
donnent à l’obligation d’après sa nature ».
Force obligatoire à l’égard des ayants cause
Certaines personnes peuvent prendre la place de l’’une des
parties ; ainsi par exemple des héritiers, qui héritent du
patrimoine du défunt. Ce sont dans ce cas des ayants cause
universels du défunt.
De même, dans le cas des cessions de créance, « le fait qu’un
contrat ait été conclu en considération de la personne du
cocontractant ne fait pas obstacle à ce que les droits et
obligations de ce dernier soient transférés à un tiers dès lors que
l’autre partie y a consenti ».
Importance de la force obligatoire
La force obligatoire qui s’attache au contrat est telle qu’elle
a une valeur quasi aussi importante que la loi et contraint tout
autant les cocontractants. Les règles établies par contrat doivent
néanmoins respecter la loi qui de ce fait encadre le contrat. Le
contrat est donc soumis à la loi, le contrat et la loi ne se
trouvant pas sur un même pied d’égalité. Le juge peut par
conséquent sanctionner l’absence de respect des conditions de
validité du contrat établies par la loi.
La force obligatoire du contrat implique l’obligation des deux
parties, empêchant ainsi toute résiliation unilatérale (sauf cas
dans lesquels la nature du contrat le permet, par exemple le
contrat de mandat). Dans le cas du contrat de mandat, le mandant
qui aurait perdu confiance en celui qu’il a mandaté peut résilier
le contrat de façon unilatérale. De même, le bailleur peut résilier
unilatéralement le bail sous réserve d’un délai de préavis.
S’agissant des contrats à durée déterminée, la jurisprudence
permet désormais, sous réserve de satisfaire aux conditions
d’urgence ou de gravité d’un comportement de l’une des parties, la
résiliation unilatérale.
La force obligatoire n’empêche pas l’éventuelle suspension de
l’exécution, par le biais de l’exception d’inexécution (voir plus
loin).
En somme, seul un accord mutuel peut de façon générale effacer
un contrat (à l’exception des contrats de mariage). Une résiliation
amiable, ou de simples modifications peuvent être apportées au
contrat.
Irrévocabilité du contrat
Le principe de la force obligatoire suppose l’impossibilité de
résiliation du contrat par une seule partie, puisqu’un accord
mutuel avait originellement été conclu. Les deux parties doivent
donc s’accorder afin que le contrat puisse être résilié, grâce à un
« consentement mutuel des parties » (article 1134 al. 2 C.civ.). La
résiliation ne joue que pour l’avenir (pas d’effet rétroactif).
Certains contrats permettent à l’une ou l’autre des parties de
se désengager des parties. Par exemple, s’agissant des contrats à
exécution instantanée, comme la vente, on parle de révocation ;
pour les contrats à exécution successive, on parle de
résiliation.
Une résiliation unilatérale peut exceptionnellement être
effectuée. Ainsi des contrats de mandat ; reposant sur la
confiance, la perte de confiance peut conduire à la résiliation
unilatérale du contrat en vertu de l’article 2004 du Code civil. On
peut également prendre l’exemple du contrat de travail, ou encore
des contrats pour lesquels un délai de rétraction est admis : «
Dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande
ou de l’engagement d’achat, le client a la faculté d’y renoncer par
la lettre recommandée avec accusé de réception ».
De la même manière, les contrats à durée indéterminée peuvent
faire l’objet d’une résiliation unilatérale, le contrat ne pouvant
perdurer à perpétuité ; même si le contrat ne le prévoit pas
expressément, chacune des parties peut le résilier. De la même
manière, le contrat à exécution successive (comme le contrat de
bail) dispose des mêmes possibilités.
Exécution de bonne foi
Aucune partie ne pourra se désengager vis-à vis des obligations
établies par le contrat. Le contractant doit exécuter ses
engagements de bonne foi, et ne peut demander de ne pas les
exécuter. L’exécution de bonne foi signifie qu’aucune tromperie ne
peut entacher l’exécution. De son coté, le créancier doit également
garantir le débiteur de sa bonne foi, et ne rien cacher au
débiteur. Par exemple un chauffeur de taxi ne pourra emprunter des
routes excessivement longues afin de tromper son client.
Simulation
Certains actes peuvent cacher un autre acte, lui-même lié au
contrat apparent. Il existe donc deux conventions : l’une, cachée,
est secrète et repose sur le vrai contrat qui constitue la base, et
l’autre, apparente, ne sert qu’à masquer les intentions réelles des
cocontractants.
Notion de simulation
Le contrat apparent est appelé contrat ostensible, qui est
destiné à la reconnaissance par les tiers du contrat. Le contrat
caché est la contre-lettre, établi avant l’acte apparent, et
conservé clandestinement.
La simulation peut porter sur la nature de l’acte ; par exemple,
un acte à titre onéreux peut se dissimuler sous un acte à titre
gratuit, et ainsi, permettre de créer une donation apparente. La
simulation peut porter sur l’objet du contrat ; par exemple, on
peut évoquer la dissimulation d’une partie du prix de vente. On
décide en effet secrètement par un accord d’une diminution ou d’une
majoration du prix sous forme de contre-lettre. La simulation peut
également porter que l’existence même de l’acte; dans ce cas, les
parties peuvent effectuer une fausse vente, et la propriété restera
à son actuel propriétaire. Aussi, la simulation peut permettre de
modifier le nom des parties au contrat ; au lieu d’être conclu pour
une personne en particulier, le contractant vend en réalité le bien
à une autre personne.
Effets de la simulation
L’acte apparent n’a aucune valeur. En revanche, la
contre-lettre, qui repose sur une réelle volonté de contracter est
valable. Néanmoins, l’acte secret n’est considéré valable que si
les conditions de validité du contrat avaient été respectées ; il
faut également que l’existence de l’acte secret soit prouvée.
Certaines exceptions existent. On peut citer la simulation
frauduleuse, évoquée par l’article 1840 du Code général des Impôts
qui dispose que les contre-lettres annonçant un prix dissimulé
seront nulles lorsqu’elles concernent une vente d’immeuble, un fond
de commerce, ou un droit au bail.
L’acte apparent et l’acte secret peuvent aussi se voir annulés
si par exemple une des parties contractante se trouve en situation
d’incapacité. Ainsi, la donation déguisée, ou établie par personne
interposée sera nulle.
Effets à l’égard des tiers
Si l’article 1321 du Code civil dispose que « les contre-lettres
n’ont point d’effet contre les tiers », certaines exceptions
existent. Les tiers, créanciers chirographaires ou ayants cause à
titre particulier notamment, ne connaissent pas l’existence du
contrat, et ne peuvent en conséquence pas y être opposables.
Il peut donc arriver que des tiers s’opposent quant aux
bénéfices qu’ils peuvent tirer du contrat ostensible ou de l’acte
secret. Dans ce cas, la préférence est accordée à celui qui invoque
l’acte apparent.