On considère en effet que l'existence de l’Etat repose sur trois
éléments : un territoire, un gouvernement et une population.
Territoire
Pour Maurice Hauriou, l'Etat est "un phénomène essentiellement
spatial" ; il n'y a pas d'Etat sans territoire.
Tout Etat bénéficie donc d’un territoire délimité par des
frontières, qui constituent les limites géographiques d’application
des normes juridiques. L’Etat dispose donc d’un territoire limité
sur lequel ses compétences sont exercées et qui permet de fixer
l’espace de compétence des gouvernés comme des gouvernants. L’Etat
bénéficie ainsi d'un monopole pour l’édiction des règles
applicables sur son territoire, jusqu'à ses frontières. Cet espace
à trois dimensions se compose d'un espace terrestre, d'un espace
maritime (sous-sol) et d'un espace aérien, le tout étant délimité
par des frontières.
La notion de territoire n’a pas toujours été un attribut
nécessaire (cas des empires romains ou africains). Désormais
pourtant, les frontières sont synonymes de délimitation culturelle,
historique, qui rappelle une identité particulière, un lieu de
souvenir, d’affection pour ce territoire. Néanmoins, la séparation
de deux domaines d’application juridique, naturelle (par les mers),
ou artificielle (établies par traité) issue des frontières régresse
progressivement amenant ainsi à un rapprochement toujours plus
étroit entre les pays. L’interdépendance économique et politique
croissante des Etats entraîne l’ouverture des frontières en
augmentant les flux de personnes et de marchandises (ex : espace
Schengen mis en place en Europe en 1985 pour renforcer la
libre-circulation). Mais ces flux doivent se réguler, par des
contrôles, pour les marchandises, et également pour les
personnes.
Population
Un Etat est nécessairement composé d’une population, plus ou
moins unie. Mais il existe différentes conceptions de la nation :
une conception objective et une conception subjective.
Selon la conception objective, faire parti d’un Etat n’est pas
une question de sentiment, mais de droit (Hans Kelsen). Les
étrangers et les nationaux sont tous deux assujettis à ce droit, de
façon permanente ou non, par filiation ou non ; pour se représenter
cette idée, l’image du noyau stable entouré d’une périphérie mobile
est caractéristique.
Selon la conception subjective de la nation, le rassemblement
d’une population résulte d'un sentiment d’appartenance, d'une
histoire, de lieux communs ; ces sentiments subjectifs sont au
fondement de toute nation, formée par le désir de vouloir-vivre
ensemble. La nation serait donc un concept politique mettant en jeu
des critères objectifs comme la race, la langue ou la religion, où
les associations sont volontaires, « c’est un vouloir vivre
collectif » selon Renan.
La constitution d’une nation peut reposer sur des éléments
purement subjectifs comme la religion ou la langue ; pourtant, ces
éléments, qu’ils soient subjectifs ou objectifs, permettent
l’émergence d’une population unie, possédant de nombreux points
communs qui favorisent cette unité. Cette conscience morale amène à
la construction des Etats-Nation. Pourtant certaines nations ne
constituent pas des Etats : c’est le cas des palestiniens, ou des
kurdes ; mais il existe aussi des Etats sans nation, constitués de
rassemblements de population formés artificiellement. Mais pour
s'assurer du loyalisme des gouvernés envers l'Etat, il semble
nécessaire d'intégrer la nation à l’Etat.
Le peuple constituerait donc un concept sociologique et l’Etat
un concept juridique.
Pouvoir coercitif
Si l’Etat dispose du statut juridique de personne morale, il
n’est pas le seul ; pourtant les associations ou les syndicats,
eux, n’ont pas le pouvoir souverain. L’Etat est donc indépendant de
toute norme juridique qui lui serait supérieure. Bodin avait dès
1576 énoncé le lien existant entre souveraineté et indépendance,
admettant ainsi la suprématie du roi. Le seul titulaire de la
souveraineté, l’Etat, n’a en théorie pas de concurrents, car non
soumis à une autorité. Au contraire, la pratique montre que les
institutions formées en parallèle lui font concurrence. Le pouvoir
d’Etat reste malgré tout important, car l’élaboration des lois
constitue le commencement de toute vie sociale. Ce pouvoir permet
aussi de distribuer ses compétences à des autorités qui mettront en
œuvre la législation. S’il s’impose de manière unilatérale aux
gouvernés en tant que prescripteur de droit, l’Etat est soumis au
droit, par des limites dans l’édiction des lois, notamment par les
textes suprêmes comme la Constitution. Aussi, même si l’Etat est
souverain, les organisations supra-étatiques peuvent lui faire face
en cas d’évènement grave.
Le pouvoir de contrainte est le pouvoir normatif, émettant des
obligations sous forme de normes et de règles à appliquer. Cette
application du droit se fait sur les particuliers, provenant de
l’Etat, mais aussi de particulier (cadre d’un contrat, ou d’un
syndicat). L’Etat possède le monopole de la violence légitime en ce
sens que seul l’Etat pour utiliser la force à l’inverse des
particuliers. L’Etat peut au contraire exercer une violence
illégitime dans le cadre d’un régime dictatorial ou autoritaire,
tout en restant un Etat.