La politique budgétaire reste un levier nécessaire à l’action
économique de l’Etat. Néanmoins, les Etats européens doivent
respecter des règles particulières (par exemple, le pacte de
stabilité et de croissance), qui peuvent nuire à l’autonomie des
Etat dans la conduite d’une telle politique.
Fonctions de la politique budgétaire
R. Musgrave établit les trois grandes fonctions
de la politique budgétaire :
- L’allocation des ressources : les dépenses de l’Etat
influencent la répartition des facteurs de production entre les
différents secteurs économiques
- La redistribution des revenus des agents économiques
- La stabilisation de la conjoncture
La politique budgétaire a donc tout d’abord pour rôle la
stabilisation de la conjoncture.
Stabilisation de la conjoncture
Alors qu’on considérait que l’intervention des pouvoirs publics
au sein de l’activité économique était nuisible, le chômage de
masse des années 1930 a modifié cette perception du rôle de l'Etat.
C’est dans ce cadre que Keynes a démontré que l’augmentation des
dépenses publiques pouvait avoir pour effet de relancer l’économie
; les dépenses publiques ont en effet pour objet de
compenser l’insuffisance de demande, ce qui permet
d'accroître les revenus des producteurs, et, in fine, de
relancer l'économie.
Le multiplicateur budgétaire
La théorie keynésienne montre qu'il existe un effet
multiplicateur des dépenses publiques pour justifier le recours à
l’accroissement de la dépense publique. Cela aurait pour effet
d'augmenter les revenus, les salaires versés aux travailleurs, les
profits perçus par les entreprises ou encore les intérêts. Selon
cette théorie, une part de ces revenus est consommée, le reste,
épargné. Les entreprises vont ainsi pouvoir augmenter leurs
investissements et augmenter le niveau d'embauche car la demande
augmente. Ce processus cyclique va se produire tant que la
propension à consommer sera élevée.
Si les dépenses augmentent, les revenus augmenteront en
parallèle et le supplément de revenu permettra d'accroître la
consommation. Ainsi, en période de sous emploi, augmenter les
dépenses publiques va permettre de faire redémarrer ce cycle. Le
supplément de revenu crée par l’Etat est supérieur aux dépenses
qu’il a fait au départ : le coefficient d’accroissement constitue
le multiplicateur budgétaire.
L’augmentation de la demande peut être concrétisée par
l’augmentation des taux d'imposition, ou par le recours à
l’emprunt. Mais dans le premier cas, l’effet multiplicateur ne sera
qu’une impulsion initiale. Dans le second cas en revanche,
l’emprunt sera à priori rapidement remboursé car la reprise de
l’activité génèrera d’importantes rentrées d’argent ; mais pour y
parvenir l’Etat doit donc s’endetter.
Ce type de mesures a été pris durant les Trente glorieuses,
période pendant laquelle les tendances inflationnistes étaient
fortes (la croissance provoquait l'emballement de l’économie) ;
c’est ce qu’on a appelé la politique de « stop and go ».
Le multiplicateur fiscal
L’Etat peut décider de diminuer ses recettes fiscales pour
relancer l’activité économique. Le multiplicateur fiscal exprime
donc l’augmentation de revenu résultant de la diminution des
prélèvements. Cette politique, menée par Reagan, a permis la
relance de l’activité, en atteignant à un taux de croissance
passant de 2,7 % en 1986 à 4,4 % en 1988.
Le multiplicateur fiscal et le multiplicateur budgétaire peuvent
être combinés : l’Etat peut augmenter ses recettes et ses dépenses.
Ainsi, l’accroissement du revenu national est égal à la hausse des
dépenses publiques
Effets
La politique budgétaire est financée par l’emprunt, effectué par
l’émission de bons et obligations du Trésor. La demande de bons
étant importante, le prix de la monnaie augmente par le biais de
l’accroissement des taux d’intérêts. Les entreprises vont alors
limiter leurs investissements car les taux d’intérêts sont trop
élevés ; cela conduira à diminuer l’impact de la relance.
Les évolutions automatiques de l’activité économique forment des
cycles. Les recettes fiscales augmentent en période de croissance
(grâce à la TVA), et diminuent en période de récession. L’Etat
tente donc d’atténuer ces fluctuations en prélevant plus d’impôt en
période de prospérité et en accordant des aides lors des périodes
de ralentissement ; le budget a donc un rôle
contra-cyclique sur l’activité économique.
L’augmentation des dépenses publiques peut également entrainer
un effet d’éviction. En effet, l’accroissement de
la demande par l’augmentation des dépenses publiques peut conduire
à écarter les investisseurs privés, substitués à l’Etat. Aussi,
l’émission de titre de dette publique concurrence les entreprises
sur le marché des capitaux, ce qui conduit à augmenter les taux
d’intérêt et à écarter les investisseurs. Ces effets d’éviction
peuvent résulter de l'évolution des taux d’intérêt ou de
l’inflation. Dans le premier cas, la hausse des taux d’intérêts va
avoir pour effet de limiter les achats des consommateurs, qui
recourent plutôt à l’emprunt (notamment pour les biens d’équipement
durables) ; de même, les entreprises vont limiter leurs
investissements, ce qui contribue à les évincer. Dans le second
cas, et c’est ce que nous verrons plus bas, la relance budgétaire
entraine l’inflation ; elle est donc vouée à l’échec.
Les investissements publics sont également à long terme
bénéfiques pour la croissance nationale. Au-delà du modèle de
croissance exogène de Solow, les théories de la croissance endogène
montrent que des facteurs autres que le capital et le travail
influent sur la croissance. La qualité de la main d’œuvre reposant
sur l’éducation, ainsi sur les
infrastructures, un grand nombre de facteurs
contribuent à la croissance. Les dépenses publiques peuvent donc
constituer, à long terme, un investissement intéressant pour
l’Etat.
Application
La France a pendant longtemps usé de la politique budgétaire
pour relancer l’économie. Mais le manque d’efficacité de ces
politique a conduit les pouvoirs publics à se tourner vers la
politique monétaire, qui est désormais transférée à la Banque
centrale européenne. Les monétaristes ont en effet démontré les
effets essentiellement inflationnistes de la politique de
relance.
L’après choc pétrolier a obbligé les Etats à mettre en œuvre de
mesure de relance conjoncturelle (contra-cyclique) ; mais la
conjugaison de l’inflation et du chômage conduit à établir une
politique de maitrise de l’inflation. Puis, la récession de 1993
entraine des mesures de relance de la consommation. Désormais,
l’heure est à la limitation des dépenses publiques, afin de
respecter les crtières de convergence
établis par le traité de Maastricht que la France ne respècte plus.
Mais les effets
généralement pro-cyclique de ces mesures
discréditent la politique budgétaire, d’autant plus que les
dépenses publiques se sont très largement accrues. La coordination
économiques des pays de l’Union européenne doit permettre d’assurer
une croissance à long terme, notamment grâce à au « policy mix
» (conjugaison de la politique monétaire et de la politique
budgétaire).
Critiques
Les monétaristes ont critiqué la
politique keynésienne alors que celle-ci perdait de son efficacité.
Ils s’appuient sur l’idée que les agents économiques établissent
leur consommation en fonction de leur revenu permanent et non courant.
Keynes considérait au contraire que les agents, victimes de
l’illusion monétaire
pendant un temps, ajustait leur consommation face à cet afflux
d’argent qui leur revenait ; ils consommaient donc d’avantage. Mais
les entreprises n’augmentant pas leur offre, cette dernière va
rapidement s’avérer insuffisante, ce qui engendrera une hausse des
prix. Les travailleurs demanderont alors une meilleure
rémunération. Le processus inflationniste va retirer l’illusion
monétaire du départ, et les consommateurs vont revoir leurs
dépenses à la baisse. Ainsi, la relance n’aura pour seul effet que
l’inflation. De même, les agents pensent qu’il y aurait une hausse
prochaine des prélèvements obligatoires ; cela les incite à réduire
leur consommation et à épargner d’avantage. L’application de la
théorie entraine donc seulement une augmentation de l’inflation. En
effet, la progression de la demande n’entraine pas soudainement
celle de l’offre, qui n’est pas suffisamment élastique. Aussi,
l’inflation risque d’entrainer la hausse des salaires et celle des
couts, ce qui limite largement les effets de la relance.
Aussi, et d’un
point de vue plus politique, les politiciens utiliseraient selon
certains ces mesures dans l’idée de remporter les élections
prochaines car il s’agit d’effets utiles à court terme
seulement.
Mais ce sont
également des considérations relatives à l’économie internationale qui
entrainent des critiques. La demande supplémentaire générée par la
politique de relance au sein d’un Etat a des effets sur les autres
Etats, qui eux-mêmes en profitent. La demande se répercute en effet
sur les importations, ce qui conduit à l’arrivée plus importante de
capitaux étrangers, attirés par la hausse des taux d’intérêt. Cela
va finalement s’avérer plus bénéfique pour les Etats étrangers que
pour l’économie nationale.
L’utilisation du
budget peut parfois conduire aux résultats inverses : les
procédures lourdes de vote du budget entrainent un ralentissement
de la réactivité face à la conjoncture économique. Les effets
établis par les politiques de relance pourront se voir concrétisés
bien plus tard, et même lorsque l’activité économique ne les
nécessite plus. On arrive ainsi à un résultat pro-cyclique alors
même que la politique budgétaire a pour objectif d’être
contra-cyclique.
On peut également
relever le problème de la permanence des mesures adoptées pour
relancer l’activité économique. Les agents ont en effet pu
accueillir favorablement ces mesures, qui pourtant doivent être
retiré car il ne s’agit que d’une politique de « stop and go ».
En résumé, le
théorème d’équivalence de
Ricardo montre, d’un point de vue plus théorique,
l’inefficacité du multiplicateur. En se fondant sur une vision à
long terme des finances publiques, il montre que le multiplicateur
peut être nul si les agents épargnent leur revenu supplémentaire
(entrainé par l’accroissement des dépenses publiques). Aussi, si
l’Etat s’est endetté, il devra nécessairement rembourser les
emprunts qu’il a contractés ; il peut le faire grâce à l’impôt. Les
impôts augmenteront donc nécessairement suite à la relance
économique. Les agents anticipent selon Ricardo ce phénomène et
épargnent par mesure de précaution ; ils ne vont donc pas consommer
suffisamment. Cela entraine l’inefficacité de la relance car le
multiplicateur est nul.