Mise à jour : May 2015

Caractères du droit de propriété

La propriété est un droit absolu et donc inviolable. C'est un droit opposable à tous : le propriétaire peut faire respecter sa propriété par tout le monde. Ainsi, le droit de propriété repose sur des caractéristiques particulières qu'il convient d'étudier.

  • Exclusivité du droit de propriété :

    Le propriétaire dispose d’un droit entier sur ses biens ; il est le seul à pouvoir en user et en disposer. Il peut s'opposer à l’intervention d’un tiers sur ses biens en exerçant d’une action en justice. Mais le propriétaire peut également revendiquer son droit même en l'absence de préjudice, ce qui s'oppose aux exigences courantes de la responsabilité civile, qui impose l'existence d'un préjudice. Aussi, le propriétaire peut se voir restituer son bien lorsqu’il le revendique face à un éventuel possesseur.

    En cas d'empiètement d'une propriété sur une autre, le code civil a prévu que le propriétaire d'un terrain sur lequel avancent les branches du voisin peut contraindre celui-ci à les couper ; il ne peut le faire lui-même (sauf lorsqu'il s'agit de racines ou de ronces). De même, les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent. S'il s'agit de l'empiètement d'une construction, la jurisprudence a décidé que la solution était là aussi la démolition, sauf si la situation a perduré pendant 30 ans (délai de prescription acquisitive).

    Cependant, des cas de propriété collective existent (indivision) : dans ce cas, plusieurs personnes détiennent la propriété d’un même bien et peuvent ainsi toutes en disposer. De même, l’usufruit permet à un tiers d’avoir un droit sur le bien. A ces formes particulières de propriété s'ajoute la servitude, qui peut grever certains terrains ; il existe des servitudes d'utilité publique (ex: ligne électrique) ou privée (ex :servitude de passage)

  • Caractère perpétuel du droit de propriété :

    Le droit de propriété n’est pas limité dans le temps. Tant que le bien existe, le droit de propriété peut continuer à s’exercer sur lui. Ainsi, le fait de ne pas utiliser le bien pendant un temps ne retire pas pour autant le droit de propriété de son titulaire sur ce bien ; l’absence d’usage de la chose ne fait pas perdre au propriétaire son droit : le droit de propriété est imprescriptible.

    On peut rappeler que même lorsque le titulaire change, la propriété subsiste ; ainsi de la possibilité pour les héritiers d’acquérir le bien possédé par leurs ascendants. Il existe donc bien une continuité de la propriété, bien que le titulaire ait changé Le droit de propriété ne s'éteint pas, elle simplement transférée à un autre titulaire. Contrairement à l'usufruit, le droit de propriété ne peut pas être temporaire.

    Ainsi, si un propriétaire a été privé de ses droits sur son immeuble car il en a été privé par les forces de la nature, il se trouve réintégré dans ses droits dès lors que l'obstacle disparait. C'est ce qu'avait jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 23 juin 1972 relative à l'affaire de l'étang Napoléon, devenu partie intégrante de la mer et donc dans le domaine public maritime. Lorsque la mer s'est retirée et que l'étang s'est à nouveau formé, il est redevenu propriété de son ancien titulaire.

    Aussi, le droit de propriété ne se perd pas par le non-usage. La prescription extinctive ne s'applique donc pas à l'action en revendication, qui permet de faire valoir le droit de propriété. Le droit de propriété est en effet imprescriptible : il n'est pas besoin d'avoir fait usage d'une chose pour en revendiquer la propriété.

    Il existe des cas où des meubles sont abandonnés par leur propriétaire qui ne veut plus de son droit ; ces choses deviennent des choses sans maître et un tiers pourra en devenir propriétaire.
  • Caractère absolu du droit de propriété :

    Le propriétaire dispose en principe d’un droit absolu sur ses biens : usus, fructus et abusus.

    Cependant, il existe des restrictions légales et réglementaires à ce droit afin de préserver les droits des autres et donc l'intérêt général. L'absence de respect de ces limites conduit à abuser du droit de propriété. C'est le cas du propriétaire qui gène ses voisins en provoquant des troubles anormaux qui nuisent aux voisins ; il pourra être de ce fait condamné à réparation en raison de ces troubles (leur caractère anormal sera déterminé par les juges du fond). Les troubles peuvent venir d'une activité licite, et aucun faute n'est requise pour apprécier le trouble. Pour déterminer l'anormalité du trouble, les juges se fondent sur le caractère persistant de la gêne, qui ne doit pas être seulement passagère, mais peut être ponctuelle (ex : pendant trois mois tous les ans). Ainsi, la nature des troubles peut être variée : odeurs, bruits ou encore pollutions. Mais si les troubles résultent d'une préoccupation (l'auteur des nuisances était déjà installé avant l'arrivé du propriétaire mécontent), le voisin gêné n'aura pas droit à réparation. En revanche, si le trouble anormal du voisinage est caractérisé, le responsable peut être condamné à des dommages et intérêts ou à un déplacement des objets gênants. Cependant, lorsque la cessation du trouble aurait pour conséquence l'arrêt complet d'une activité ou des effets hors de proportion avec les nuisances, ou si l'activité bénéficie d'une autorisation administrative, les tribunaux ne peuvent qu'attribuer des dommages et intérêts ou l'injonction de réaliser des travaux destinés à réduire les nuisances.

    Aussi, le propriétaire peut abuser de son droit en cherchant à nuire à autrui, par le biais de son droit de propriété. On peut citer ici la célèbre affaire Clément Bayard de 1915.

    Le caractère absolu du droit de propriété est également limité par les droits de préemption (droit de préemption du locataire, du conservatoire du littoral, etc.), qui obligent le propriétaire à vendre à un titulaire en particulier. De même, l'expropriation pour cause d'utilité contraint le propriétaire à accepter son expropriation en échange d'une indemnisation.

    Aussi, le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci (photographies) selon la Cour de cassation qui s'était prononcée en assemblée plénière le 7 mai 2004.