La police administrative dispose de nombreuses prérogatives, ce
qui pose la question des éventuelles atteintes portées aux
individus. Les fonctions de la police administratives sont donc
strictement encadrées.
Mission : maintien de l’ordre public
Qu’est-ce que l’ordre public ?
L’ordre public peut se définir par la réunion de trois éléments
essentiels : la tranquillité (ex : tapage nocturne), la salubrité
(ex : hygiène des lieux publics, pollution, etc.) et la sécurité
publique (ex : accidents). Pour le définir, Maurice Hauriou
utilisait la formule suivante : « L’ordre public, au sens de la
police, est l’expression d’un ordre matériel et extérieur.»
Des mesures nécessaire au maintien de l’ordre public sont mises
en oeuvre par la police administrative par différents moyens. Elle
peut ainsi recourir la mise en place de mesures destinées à
empêcher ou limiter les atteintes qui peuvent y être portées. C'est
par exemple le cas des procès verbaux dressés pour tapage
nocturne.
Une notion évolutive
La notion d’ordre public est variable dans le temps ; elle est
fonction des évolutions de la société. Ce qui était admis dans les
sociétés traditionnelles peut ne plus l’être aujourd'hui, et
inversement. Ainsi, de nouvelles préoccupations telles que la
protection de l’environnement ont un réel impact sur l’exercice de
la police administrative. Dans un autre domaine, les critères
esthétiques ont vu leur importance croître.
La notion d’ordre public est donc variable dans le temps non
seulement en raison de l'évolution de la société elle-même, mais
également de l'évolution de la morale, qui est fonction des
époques. En effet, les « bonnes mœurs » reposent sur des valeurs
morales, déterminant les aspirations de la société à un moment
donné. La notion de « bonnes mœurs » se rapproche ainsi de la
notion de morale publique.
Le Conseil d’Etat a par exemple pu juger qu’un film pouvait être
interdit en raison des préjudices susceptibles d’être causés à
l’ordre public (les films Lutétia, 1959) ; le juge a
également pu considérer légal un arrêté interdisant la projection
d’un film « immoral » alors même que le ministère de la culture lui
avait délivré un visa d’exploitation (Association
Promouvoir, CE, 2000). Aussi, le Conseil d’Etat a intégré à la
notion d’ordre public le respect de la dignité de la personne
humaine par son arrêt Commune de Morsang sur Orge de 1995
; depuis, la protection contre soi-même s'est ajoutée à la notion.
Les références à la moralité publique restent quant à elles
relativement rares en jurisprudence.
Les exemples développés ci-dessus montrent les difficultés
d’appréciation de la notion d’ordre public, qui peut être
appréhendée de manière plus ou moins extensive en fonction des
circonstances.
En 2014, dans l'affaire Dieudonné, le Conseil d'Etat a ainsi
admis que de simples propos puissent porter, atteinte à la dignité,
et non des traitements physiques dégradants à l'image du "lancer de
nains". Cette décision a été critiquée certains y voyant un risque
de subjectivisation de l'ordre public.
Mission : prévention
Distinguer la police administrative de la police
judiciaire
La police judiciaire a pour finalité la répression, car elle
constate les infractions, et en recherche les auteurs et les
preuves ; les litiges qui concernent ces infractions relèvent du
juge judiciaire. Au contraire, la police administrative a pour
finalité la prévention ; elle a pour mission de prévenir les
atteintes à l’ordre public, et relève du juge administratif. La
distinction entre les deux polices est en pratique difficile à
établir puisqu’il s’agit du même personnel : des policiers qui
effectuent des rondes pour prévenir une atteinte éventuelle à
l’ordre public répondent à une mission de police administrative ;
mais si ces mêmes policiers constatent une infraction lors de leur
tournée parce qu’ils se retrouvent face à un voleur pris en
flagrant délit, ils répondront alors à une mission de police
judiciaire. Une opération de police administrative peut donc se
transformer en opération de police judiciaire. Cela a été le cas
dans l’affaire Dlle Motsch de 1977 : alors qu’un contrôle
d’identité était sur le point d'avoir lieu, un conducteur avait
forcé le barrage et s’était enfui en commettant diverses
infractions (feux rouges grillés, sens interdits…).
Définir l’opération de police suppose donc de prendre en compte
la finalité de l’action. Ci celle-ci se destinait à mettre fin à
une infraction pénale, on considérera généralement qu’il s’agit
d’une opération de police judiciaire. En revanche, si le but était
d'ordre public, on considère qu'il s'agissait d'une opération de
police administrative.
Qualifier les opérations de police
La distinction entre police administrative et judiciaire n’étant
pas aisée, la qualification est toute aussi difficile. C’est encore
la finalité de l’opération qui est prise en compte.
Dans l’affaire Dlle Motsch de 1977, le juge a considéré
que l’opération de police judiciaire avait débuté dès lors que le
barrage avait été franchi. Le juge judiciaire était donc
compétent.
Les opérations de police étant difficiles à qualifier, le juge
peut modifier une qualification lorsqu’il l’estime inopportune.
Cela a été le cas dans l’arrêt Frampar, de 1960, par
lequel le Conseil d’Etat avait requalifié une mesure de police en
police administrative ; le litige relevait donc de sa compétence.
Il s’agissant en l’espèce d’une saisie de journaux effectuée durant
la guerre d’Algérie par le préfet d’Alger.