La jurisprudence reconnaissait ainsi déjà le principe de in
rem verso (action en restitution de la chose, ou venant d'une
volonté d'équité, contester l'enrichissement au détriment
d'autrui). En effet, l’enrichissement sans cause est apparu pour la
première fois en 1892, dans l’arrêt Boudier contre Patureau. En
l'espèce, il s’agissait d’un fermier ayant fructifié un terrain ne
lui appartenant pas (il disposait seulement d’un contrat de bail).
Le propriétaire avait alors obtenu la résiliation du contrat de
bail, et avait ainsi pu récupérer ses terres, fructifiées par les
engrais achetés par le fermier à un marchand. Le propriétaire
s’était donc enrichi au préjudice du marchand. Une indemnisation
pouvait donc être demandée par le marchand.
Conditions
L'enrichissement injustifié a lieu au détriment d'autrui.
Enrichissement et appauvrissement corrélatifs
Dès lors que le patrimoine d’un individu augmente sans
contrepartie (sans aucune perte de son coté, perte financière ou
non), on considère qu’il y a enrichissement. L’enrichissent peut
consister en une acquisition matérielle ou morale ; il peut
provenir de diverses situations, et notamment d’un profit engendré
par le non paiement d’un service.
Afin que l’enrichissement sans cause soit avéré, l’individu
appauvri ne doit pas avoir tiré d’intérêt à son
appauvrissement.
L’appauvrissement consiste en la diminution du patrimoine de
l’intéressé. Il peut aussi bien s'agir d’une dépense qui n'engendre
aucun profit que de la perte d'un objet.
Une fois l’appauvrissement et l’enrichissement séparément
constaté, il faut vérifier qu’il existe un lien entre les deux.
L'enrichissement doit en effet être la cause de l'appauvrissement,
sa conséquence déterminante (mais pas nécessairement directe en
vertu de l’arrêt Boudier), et l’individu enrichi doit avoir tiré un
avantage de cette situation.
Lorsque l'affaire met en jeu un tiers, le lien
entre l’appauvrissement et l’enrichissement est plus difficile à
déterminer. Dans l’affaire Boudier, le marchand d’engrais est un
tiers, le fermier étant l'intermédiaire entre le marchand et le
propriétaire ; il devait donc être indemnisé par le propriétaire,
puisqu’il s’agit de la personne qui s’est enrichie.
Un enrichissement injustifié
L'enrichissement est considéré injustifié lorsqu'il ne résulte
pas de l'exécution d'une obligation par l'appauvri, ni de sa
volonté.
Ainsi, si , l'appauvri a commis une faute conduisant à son
appauvrissement ou lorsque l'appauvri a volontairement effectué un
acte conduisant à son appauvrissement, il ne peut légitimement
demander une indemnisation. Si en revanche l'imprudence ou la
négligence sont à l’origine de l’enrichissement, l'action peut être
engagée.
En revanche, le juge peut modérer
l'indemnisation lorsque l'appauvrissement résulte d'une faute de
l'appauvri.
Principe de subsidiarité
Lorsque l'appauvri peut tenter une autre action que sur le
fondement de l'enrichissement injustifié, cette dernière lui sera
refusée.
En effet, elle « ne doit être admise que dans
les cas où le patrimoine d’un personne se trouvant, sans cause
légitime, enrichi au détriment de celui d'une autre personne,
celle-ci ne jouira, pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action
naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un
quasi-délit » (Civ., 2 mars 1915, Grands arrêts, vol. 2,
n°228).
De la même façon, l'action sur ce fondement ne peut être menée
si elle "se heurte à un obstacle de droit" (ex: prescription).
Effets
L'action menée sur le fondement de l'enrichissement injustifié
permettra d’indemniser l’appauvri.
Le montant de l’indemnisation n’est pas totalement librement
fixé par le juge. Ce dernier doit en effet prendre en compte le
montant de l’appauvrissement et celui de l’enrichissement, et ne
retenir que le plus faible des deux montants, qui deviendra le
montant de l’indemnisation. Ainsi, l'enrichi ne pourra jamais
verser une indemnité supérieure au montant de l'appauvrissement,
mais seulement une somme égale à celui-ci au maximum. En revanche,
lorsque l'enrichi est de mauvaise foi, l'indemnité est égale au
montant le plus important des deux valeurs.
Le montant de l’appauvrissement comme celui de l’enrichissement
sont appréciés au jour du jugement.