Mise à jour : May 2014

Elaboration de la constitution

L'élaboration de la constitution de 1958 a été largement influencée par les leçons tirées des anciennes Constitutions (1875 et 1946), qui n’étaient pas parvenues à établir un régime stable. Le défi consistait donc dans l'aménagement d'une constitution adaptée à la vie politique réelle.

Le processus d'élaboration

La Constitution de 1958 a été élaborée par le général de Gaulle et nombre de collaborateurs (dont Michel Debré, alors garde des Sceaux). Un comité technique et d’experts a alors été chargé de préparer un projet dont le contenu devait faire l’objet d'un débat à Matignon ; ce comité se composait de juristes et de spécialistes du droit. D’un autre côté, les quatre ministres d’Etat étaient réunis autour du général de Gaulle, et René Cassin et Raymond Janot devaient y participer en tant que juristes. Ces deux équipes ont élaboré l’avant-projet, le « cahier rouge ».

Cet avant-projet a été consulté par le Comité consultatif constitutionnel (créé par la loi du 3 juin 1958), qui a pu vérifier le respect de cinq principes destinés à éviter de sombrer à nouveau dans l’octroi de pleins pouvoirs comme cela avait été le cas pour le maréchal Pétain en 1940.

  • L’origine démocratique du pouvoir : Parlement élu par le suffrage universel doit être la source du pouvoir
  • Le régime doit être parlementaire : le gouvernenemnt responsable devant parlement
  • les pouvoirs législatifs et exécutifs doivent être séparés
  • la Justice sera indépendante et garante des libertés
  • de nouveaux rapports entre la France et les territoires d’Outre-mer devront être définis

Cette consultation a donné lieu à de longs débats, et le 19 juin, l’avant-projet était adopté par le comité. Il devait alors se soumettre à l’avis du Conseil d’Etat, les 27 et 28 août. C'est face à lui que Michel Debré a défendu le projet, notamment en soulignant l'importance de la limitation du domaine de la loi ou encore le mode de désignation du Chef de l’Etat.

Le conseil des ministres a ensuite adopté le projet, qui a ensuite été soumis à référendum en septembre. La constitution sera finalement approuvée à une majorité écrasante de 85 % des votants.

Le général de Gaulle restera au pouvoir jusqu’en 1969, date à laquelle il essuie un échec lors d’un référendum relatif à la suppression du Sénat. Il sera alors remplacé par Georges Pompidou.

Le contenu de la Constitution

La Constitution sera finalement un texte de compromis, entre les exigences des différents acteurs politiques et le général de Gaulle.

Il sera en effet décidé que le régime parlementaire bicaméral (Assemblée et Sénat, qui ont tous deux le pouvoir législatif) sera conservé avec une président de la République et un gouvernement. De son côté, le général de Gaulle obtiendra des pouvoirs qui assureront l’autorité de l’Etat : il peut dissoudre l’Assemblée sans contreseing, peut exercer des pouvoirs exceptionnels en période de crise (art. 16 de la Constitution) et bénéficie de pouvoirs d’arbitrage pour assurer la continuité de l’Etat. Le Président pourra également désormais demander au peuple d’approuver des lois par voie de référendum.

Le projet s’appuie en grande partie sur la volonté du général de Gaulle, mais aussi sur celle de Michel Debré, personnage qui a largement contribué à son élaboration. Le discours de Bayeux du général prononcé le 16 juin 1946 constitue en quelque sorte une base à la nouvelle Constitution. Il évoque ainsi le « mal français » caractérisé par « notre vieille propension gauloise aux divisions et aux querelles ». De Gaulle est également marqué par la division qui s’est opérée au sein de la population française et qui a provoqué une division des opinions et donc des suffrages, mais aussi une multiplication des partis. Le général de Gaulle souhaite donc rassembler les Français et leurs aspirations afin de créer un système gouvernemental stable et un Etat fort.

Le général de Gaulle a néanmoins dû faire des compromis sur le mode de désignation du Président de la République. Voulant être chef de la nation, et donc de la France métropolitaine, il fallait attendre la décolonisation pour que l’élection du Président de la République relève du suffrage universel direct.

L’élection du Président de la République au suffrage universel direct n’a été mise en place qu’en 1962, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Ainsi, en 1958, le général de Gaulle a été élu par le même corps électoral que l’élection des sénateurs : notables locaux (maires, conseillers municipaux…).

De plus, Michel Debré souhaitait un régime parlementaire fort. Il fallait donc que le gouvernement maitrise le Parlement, et pour cela, le Premier ministre devait être le pilote de la procédure législative. Le régime est donc piloté par deux personnages principaux :

  • le Président de la République depuis 1962 élu au suffrage universel direct qui lui donne une vraie légitimité
  • le Premier ministre gère la vie du pays et pilote la procédure législative

Les objectifs de la Constitution

L’objectif du général de Gaulle était de restaurer le pouvoir du chef de l’Etat. Celui de Michel Debré était d’augmenter les pouvoirs du Premier ministre. Les partisans de la 4e République avaient quant à eux pour objectif que ne soient pas trop remis en cause le système.

L’objectif principal résidait dans le rétablissement du pouvoir présidentiel ; le régime de la IVe République est donc l'exemple à ne pas suivre, le Parlement régissant alors une grande partie de la vie politique. Par conséquent, l’exécutif devait être réaffirmé et le président de la République devenir la « clef de voûte » des institutions, pour reprendre les termes de Michel Debré. Ainsi, le président de la République devra posséder un réel pouvoir de décision, mais aussi d’action en cas de crise grave (article 16 de la Constitution). De plus, celui-ci devra être protégé du vote dominant des parlementaires lors de l’élection présidentielle ; ainsi, de Gaulle souhaitait mettre en place un grand collège d’électeurs.

Dans cette même optique, la séparation des pouvoirs devait être clairement affirmée afin de ne pas sombrer dans un « système dangereux et impraticable » que constitue pour de Gaulle cet « impossible régime d’assemblée » de la IVe République. La Constitution de 1958 institue donc un parlementarisme rationalisé : le gouvernement est responsable devant le Parlement et ce dernier voit ses pouvoirs limités. Le président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale et le gouvernement peut décider de l’ordre du jour en Conseil des ministres. Néanmoins, le régime parlementaire devait être maintenu, afin que la responsabilité du gouvernement devant le Parlement soit toujours engagée et qu'il puisse être renversé. En effet, un régime présidentiel apporterait une trop grande importance à la fonction présidentielle, empêchant ainsi toute réelle collaboration des pouvoirs.

La séparation des pouvoirs doit permettre leur coopération. Chaque pouvoir dispose d’attributions propres et susceptibles d'avoir une influence sur les autres. Les mesures d’incompatibilités des mandats parlementaires et ministériels évitent néanmoins toute confusion des pouvoirs : collaboration ne signifie pas confusion.