Le processus d'élaboration
La Constitution de 1958 a été élaborée par le général de Gaulle
et nombre de collaborateurs (dont Michel Debré, alors garde des
Sceaux). Un comité technique et d’experts a alors été chargé de
préparer un projet dont le contenu devait faire l’objet d'un débat
à Matignon ; ce comité se composait de juristes et de spécialistes
du droit. D’un autre côté, les quatre ministres d’Etat étaient
réunis autour du général de Gaulle, et René Cassin et Raymond Janot
devaient y participer en tant que juristes. Ces deux équipes ont
élaboré l’avant-projet, le « cahier rouge ».
Cet avant-projet a été consulté par le Comité consultatif
constitutionnel (créé par la loi du 3 juin 1958), qui a pu vérifier
le respect de cinq principes destinés à éviter de sombrer à nouveau
dans l’octroi de pleins pouvoirs comme cela avait été le cas pour
le maréchal Pétain en 1940.
- L’origine démocratique du pouvoir : Parlement élu par le
suffrage universel doit être la source du pouvoir
- Le régime doit être parlementaire : le gouvernenemnt
responsable devant parlement
- les pouvoirs législatifs et exécutifs doivent être séparés
- la Justice sera indépendante et garante des libertés
- de nouveaux rapports entre la France et les territoires
d’Outre-mer devront être définis
Cette consultation a donné lieu à de longs débats, et le 19
juin, l’avant-projet était adopté par le comité. Il devait alors se
soumettre à l’avis du Conseil d’Etat, les 27 et 28 août. C'est face
à lui que Michel Debré a défendu le projet, notamment en soulignant
l'importance de la limitation du domaine de la loi ou encore le
mode de désignation du Chef de l’Etat.
Le conseil des ministres a ensuite adopté le projet, qui a
ensuite été soumis à référendum en septembre. La constitution sera
finalement approuvée à une majorité écrasante de 85 % des
votants.
Le général de Gaulle restera au pouvoir jusqu’en 1969, date à
laquelle il essuie un échec lors d’un référendum relatif à la
suppression du Sénat. Il sera alors remplacé par Georges
Pompidou.
Le contenu de la Constitution
La Constitution sera finalement un texte de compromis, entre les
exigences des différents acteurs politiques et le général de
Gaulle.
Il sera en effet décidé que le régime parlementaire bicaméral
(Assemblée et Sénat, qui ont tous deux le pouvoir législatif) sera
conservé avec une président de la République et un gouvernement. De
son côté, le général de Gaulle obtiendra des pouvoirs qui
assureront l’autorité de l’Etat : il peut dissoudre l’Assemblée
sans contreseing, peut exercer des pouvoirs exceptionnels en
période de crise (art. 16 de la Constitution) et bénéficie de
pouvoirs d’arbitrage pour assurer la continuité de l’Etat. Le
Président pourra également désormais demander au peuple d’approuver
des lois par voie de référendum.
Le projet s’appuie en grande partie sur la volonté du général de
Gaulle, mais aussi sur celle de Michel Debré, personnage qui a
largement contribué à son élaboration. Le discours de Bayeux du
général prononcé le 16 juin 1946 constitue en quelque sorte une
base à la nouvelle Constitution. Il évoque ainsi le « mal français
» caractérisé par « notre vieille propension gauloise aux divisions
et aux querelles ». De Gaulle est également marqué par la division
qui s’est opérée au sein de la population française et qui a
provoqué une division des opinions et donc des suffrages, mais
aussi une multiplication des partis. Le général de Gaulle souhaite
donc rassembler les Français et leurs aspirations afin de créer un
système gouvernemental stable et un Etat fort.
Le général de Gaulle a néanmoins dû faire des compromis sur le
mode de désignation du Président de la République. Voulant être
chef de la nation, et donc de la France métropolitaine, il fallait
attendre la décolonisation pour que l’élection du Président de la
République relève du suffrage universel direct.
L’élection du Président de la République au suffrage universel
direct n’a été mise en place qu’en 1962, au lendemain de
l’indépendance de l’Algérie. Ainsi, en 1958, le général de Gaulle a
été élu par le même corps électoral que l’élection des sénateurs :
notables locaux (maires, conseillers municipaux…).
De plus, Michel Debré souhaitait un régime parlementaire fort.
Il fallait donc que le gouvernement maitrise le Parlement, et pour
cela, le Premier ministre devait être le pilote de la procédure
législative. Le régime est donc piloté par deux personnages
principaux :
- le Président de la République depuis 1962 élu au suffrage
universel direct qui lui donne une vraie légitimité
- le Premier ministre gère la vie du pays et pilote la procédure
législative
Les objectifs de la Constitution
L’objectif du général de Gaulle était de restaurer le pouvoir du
chef de l’Etat. Celui de Michel Debré était d’augmenter les
pouvoirs du Premier ministre. Les partisans de la 4e République
avaient quant à eux pour objectif que ne soient pas trop remis en
cause le système.
L’objectif principal résidait dans le rétablissement du pouvoir
présidentiel ; le régime de la IVe République est donc l'exemple à
ne pas suivre, le Parlement régissant alors une grande partie de la
vie politique. Par conséquent, l’exécutif devait être réaffirmé et
le président de la République devenir la « clef de voûte » des
institutions, pour reprendre les termes de Michel Debré. Ainsi, le
président de la République devra posséder un réel pouvoir de
décision, mais aussi d’action en cas de crise grave (article 16 de
la Constitution). De plus, celui-ci devra être protégé du vote
dominant des parlementaires lors de l’élection présidentielle ;
ainsi, de Gaulle souhaitait mettre en place un grand collège
d’électeurs.
Dans cette même optique, la séparation des pouvoirs devait être
clairement affirmée afin de ne pas sombrer dans un « système
dangereux et impraticable » que constitue pour de Gaulle cet «
impossible régime d’assemblée » de la IVe République. La
Constitution de 1958 institue donc un parlementarisme rationalisé :
le gouvernement est responsable devant le Parlement et ce dernier
voit ses pouvoirs limités. Le président de la République peut
dissoudre l’Assemblée nationale et le gouvernement peut décider de
l’ordre du jour en Conseil des ministres. Néanmoins, le régime
parlementaire devait être maintenu, afin que la responsabilité du
gouvernement devant le Parlement soit toujours engagée et qu'il
puisse être renversé. En effet, un régime présidentiel apporterait
une trop grande importance à la fonction présidentielle, empêchant
ainsi toute réelle collaboration des pouvoirs.
La séparation des pouvoirs doit permettre leur coopération.
Chaque pouvoir dispose d’attributions propres et susceptibles
d'avoir une influence sur les autres. Les mesures
d’incompatibilités des mandats parlementaires et ministériels
évitent néanmoins toute confusion des pouvoirs : collaboration ne
signifie pas confusion.