Distinguer le domaine public
Histoire de la distinction
Sous l’Ancien Régime existait déjà une distinction entre les
biens privés du prince et les biens publics de la couronne. La
Couronne disposait en effet de biens différents de ceux du prince,
les biens publics étant soumis au principe d’inaliénabilité. Le
respect de ce principe a permis d’éviter les dépenses anarchiques
des princes. Il a été rappelé en 1566 par l’édit de Moulins puis
renforcé en 1667, au moment où la règle de l’imprescriptibilité du
domaine public a été édictée.
Ce n'est que sous la Révolution que le principe s'atténue : le
Domaine de la couronne pouvait alors être intégré au domaine royal,
sous simple décret du Corps législatif sanctionné par le Roi.
Fondements de la distinction
Les critères de distinction entre les domaines privés et publics
reposent sur des critères établis progressivement. Il revient
d'abord au Code civil d'avoir considéré les biens du domaine public
comme des « biens appartenant à la Nation » ; cette expression
s’attache à celle de « domaine public ». Le critère généralement
retenu pour identifier le domaine public était celui de
l’impossibilité d’appropriation privée (les route, rivières par
exemple que personne ne peut obtenir personnellement). Il existe
donc un domaine public, qui se détache de l’ensemble des autres
biens. En revanche, Proudhon considère qu’il existe une distinction
entre le domaine public inaliénable et le domaine de l’Etat soumis
au droit privé ; l’Etat dispose donc de deux domaines.
Selon d’autres auteurs, le droit de propriété repose sur le
droit d’usage, et ainsi le droit de percevoir des revenus et le
droit de disposer du bien de manière définitive.
La propriété des biens
Les personnes publiques ne sont pas propriétaires des biens ;
les biens ne peuvent être vendus en raison du respect du principe
d’inaliénabilité. Pourtant, la jurisprudence ne va pas toujours en
ce sens. En effet, l’arrêt Piccioli du Conseil d’Etat de
1923 établit que l’Etat est propriétaire des fonds marins ;
l’administration est donc dans ce cas propriétaire de son
domaine.
Aujourd’hui, la jurisprudence et la doctrine s’accordent à dire
que les personnes publiques peuvent exercer un droit de propriété
sur leur domaine public.
L’apparition de critères de distinction
Les critères d’identification du domaine public se sont
progressivement mis en place avant de parvenir à la définition du
Code général de la propriété des personnes publiques : « le domaine
public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est
constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à
l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu
qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à
l'exécution des missions de ce service public. » (art. 2111).
La domanialité publique trouve son fondement dans l’affectation
des biens au service public. C’est donc l’affectation à l’intérêt
général qui importe ici. Le bien doit donc servir l’intérêt général
pour être considéré comme intégré au domaine public. Le but du bien
est donc essentiellement pris en compte ; c’est l’idée que défend
Proudhon, en considérant nécessaire la connaissance des buts dans
lesquels le bien est affecté pour déterminer son appartenance au
domaine public. L’idée d’affectation a notamment été défendue par
Léon Duguit et Maurice Hauriou ; pour l’école du service public, «
toute domanialité publique repose sur l’idée de l’affectation des
choses à l’utilité publique » (M. Hauriou).