Les Trente glorieuses

Le monde en croissance

Le rideau de fer qui s’est érigé après la seconde guerre mondiale a séparé le monde en deux blocs. Le bloc communiste d’une part, le bloc capitaliste d’autre part. Chacun d’eux a tenté d’étendre son influence sur le reste du monde. C’est notamment ainsi que la Chine ouvrira son régime au communisme, même s’il en diffèrera quelque peu par la suite. Les tensions qui agitent le monde à cette époque sont telles qu’on sera parfois à la limite du déclenchement d’une troisième guerre mondiale (crise de Cuba, guerre de Corée).

Le commerce international va s’accroitre largement, à une période où les pays colonisés ou nouvellement indépendants se cherchent encore. Le commerce intra branche se développe, reflétant l’importance des échanges entres les Etats semblables. La croissance des échanges est ainsi fulgurante ; en 20 ans, le volume de commerce international est multiplié par 8, et le taux de croissance annuel est de 7%.

Les puissances économiques accroissent leur puissance de manière plus ou moins durable. La France connait une croissance régulière, alors que l’économie britannique s’effondre quelque peu. Les anciens de l’Axe montent quant à eux en puissance, puisque d’une part la RFA accroit son importance internationale, d’autre part le Japon devient troisième puissance mondiale au début des années 1970.

Le système économique international

Après une longue période de protectionnisme qui avait caractérisé la période de l’entre-deux-guerres, le commerce international devient à nouveau une priorité. La crise économique avait incité les pays à se replier, mais elle a également fait comprendre aux Etat la nécessité d’établir une coopération monétaire internationale. C’est en ce sens que les accords de Bretton Woods de 1944 vont installer le système monétaire international qui régira le monde pendant quelques décennies. Il consacre l’hégémonie américaine en fondant le système sur le dollar : puisque les Etats-Unis détiennent 70% du stock d’or, le système repose sur la parité du dollar vis-à-vis de l’or. La livre sterling perd ainsi de sa puissance.

Les accords de Bretton Woods, qui résultent de la confrontation de deux projets (plan White qui en prônant la fixité des changes et la limitation du protectionnisme va l’emporter, contre le plan Keynes) mettent en place un système de change fixe (faible marge de fluctuation admise). Le Fond Monétaire International nait de ces accords ; gardien de la bonne conduite des Etats, il a pour mission de gérer leurs dépôts. Mais sa mission s’est élargie à l’aide consentie au tiers-monde.

Le Général Agreement on Tariffs and Trade (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) instauré en 1947 doit permettre d’instaurer les tarifs douaniers coordonnés, et ainsi de libéraliser les échanges. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre d’importantes mesures : limiter les mesures de restrictions des échanges, pratiquer une concurrence loyale, ou encore limiter les subventions pour laisser faire le marché.

Le système de Bretton Woods connaitra dès le départ des difficultés liées à la pénurie de dollar. La progression de l’Europe, et l’entrée sur le devant de la scène internationale du Japon auront raison du système instaurée en 1944. Les nombreuses sorties du dollar sont notamment dues aux eurodollars (masse de dollars situé en dehors des Etats-Unis, et sur lesquels ils n’ont pas d’emprise), et aux dépenses spectaculaires engendrées par la guerre du Vietnam. Le stock américain en or diminue donc de plus en plus, et les Etats-Unis vont peu à peu se trouver dans l’impossibilité d’assurer la convertibilité. La confiance dans le dollar diminuant, les Etats demandent en effet la conversion de leur encaisse en or, ce que les Etats-Unis vont avoir de plus en plus de mal à faire. Les américains vont alors tenter d’inverser la tendance, mais le système de Bretton Woods repose sur une théorie quelque peu contradictoire : il faut que les dollars soient en grande quantité pour que les autres Etats puissent s’en procurer, mais cette masse entraine une dépréciation du dollar, dont on perd la confiance ; ainsi, on cherche la conversion en or, qui est plus sûr. Cette contradiction va amener les Etats-Unis à l’incapacité de répondre aux demandes de conversion en raison de l’insuffisance croissante de leur stock d’or. C’est ainsi que le président Nixon décide en 1971 de suspendre la convertibilité du dollar en or. Le système de Bretton Woods vient de prendre fin.

L’extension du communisme

L’URSS

A la fin de la guerre, l’URSS est détruite. Mais le prestige qu’elle en retire est aussi grand : elle devient la grande puissance communiste du monde. Elle va donc tenter d’élargir son influence sur le monde. Elle va commencer par la création du Comité d’aide économique mutuelle en 1949, et continuer par l’adoption du Pacte de Varsovie, en 1955.

D’autres pays vont avoir un régime particulier fondé sur le modèle soviétique. Ce sera par exemple le cas de la Yougoslavie de Tito, qui fonctionne sur l’autogestion, mais qui malgré sa gestion par le Parti communiste, n’est pas liée à Moscou. En revanche, l’Allemagne de l’Est, comme la Pologne, est très liée au Parti communiste. Ces pays fondent leurs économies sur les priorités de l’industrie socialiste (industrie lourde, collectivisme des moyens de production). Mais les révoltes contre le régime communistes vont éclater rapidement, et les répressions seront sanglantes après la mort de Staline.

Les méthodes de production déterminées par Staline dès le début du XX siècle sont conservées. L’économie soviétique repose sur le centralisme, et l’absence d’autonomie des entreprises, qui doivent suivre les recommandations de l’autorité centrale. Les actions économiques doivent être coordonnées, afin de conduire à une meilleure efficacité de celles-ci. Il existe donc une planification tendant à soumettre les activités économiques au Parti communiste, qui décide de l’ensemble des actions menées. Les lois prises doivent être respectées par les acteurs économiques ; leur conformisme les récompense, leur opposition les sanctionne. Mais c’est également les secteurs de l’économie qui doivent être pris en compte pour comprendre le système. L’industrie lourde (secteur I) est en effet privilégiée, alors qu’à l’Ouest, le capitalisme privilégie plutôt les industries des biens de consommation. La planification se complait mieux à ce type d’industrie car les objectifs sont fixés plus facilement. Ce choix réside dans la volonté de créer des impacts sur l’ensemble de l’économie ; accroitre l’industrie lourde et la renforcer doit permettre une bonne santé économique générale car elle est en lien avec les autres. Et il a été un relatif succès. S’il a en effet permis à l’URSS de se reconstruire, il a construit un système rigide, qui empêche aux autres secteurs de se développer. Le secteur agricole va ainsi se dégrader progressivement, et la productivité des salariés diminuer ; ces derniers ne sont pas motivés, et on assiste à un absentéisme important. De plus, la planification entraine une lourdeur de fonctionnement, un gaspillage de ressources (les plans sous estiment les capacités de production mais augmentent les besoins en matières premières). Si des tentatives de réformes ont tenté de se mettre en place (suppression des contrôles trop importants pour les entreprises par la réforme de 1965, accroissement de l’autonomie des entreprises qui doivent mieux gérer leurs fonds productifs…), l’économie soviétique se meurt peu à peu.

La Chine communiste

La guerre civile chinoise mène les communistes à la victoire en 1949. Mao Zedong proclame la République populaire de Chine le 1er octobre de la même année. Au départ, les chinois se fondent sur le modèle soviétique, en adoptant également la planification ou encore la priorité donnée à l’industrie lourde. Les résultats sont spectaculaires. Mais les tensions qui suivront l’épisode de la guerre de Corée vont entrainer une scission avec le modèle soviétique. La Chine va s’imposer avec une idéologie selon elle plus conforme au communisme révolutionnaire. L’agriculture est alors prise en main, parallèlement au développement de l’industrie lourde ; le Grand Bond en avant se met ainsi en place en 1958. Mais les résultats sont catastrophiques et la Chine connait une grande famine. Malgré cela, Mao Zedong conserve son influence et instaure la Révolution culturelle. A sa mort, Deng Xiaoping parvient à obtenir une meilleure crédibilité auprès du peuple chinois, avec sa ligne pragmatique.

Le mouvement des non alignés

En référence au Tiers Etat, Alfred Sauvy donne un nom aux pays sous développés d’Afrique : le Tiers monde. Ces peuples colonisés se retrouvent, à un moment où commence tout juste leur émancipation, au milieu de grandes puissances économiques. Ces grandes puissances ont été majoritairement coloniales, essentiellement durant l’entre-deux-guerres. Cette période est en effet marquée par l’expansion colonialiste, qui a notamment permis aux pays colonisateurs de survivre à la crise économique. La France a par exemple largement accru ses échanges commerciaux avec l’Algérie, qui est devenu son premier partenaire commercial en 1932. Les guerres d’indépendance vont stopper le phénomène. Les pays dits du Tiers monde vont revendiquer leurs droits, en demandant notamment plus d’équité. La colonisation avait, selon les marxistes, entrainé l’apparition de nations prolétaires exploitées par les pays développés, en référence à la lutte des classes.

Afin de trouver une place dans le monde qui s’ouvre aux nouveaux pays indépendants, certains Etats vont adopter une alliance dirigée contre l’Occident qu’il considère responsable de cette situation. Par la conférence de Bandung, en 1955, le tiers-monde se fraye un chemin entre le monde socialiste et le monde occidental. Les Etats se déclarent « non-alignés » aux deux grands. Pourtant, des disparités sont visibles au sein du tiers-monde : certains tendent vers le socialisme, tandis que d’autres souhaitent que le capitalisme s’intègre à leur économie.

La construction européenne

Les projets d’unions de l’Europe sont très anciens : on en parle au XIXe siècle, on le tente avec un mouvement pan-européen dans l’entre-deux-guerres et on crée la Communauté Economique Européenne après la seconde guerre mondiale. Après de longues années de guerre, l’Europe affaiblie se voit attribuer l’aide du Plan Marshall, elle sera donc dépendante des Etats-Unis pendant sa reconstruction. Il faudra donc qu’elle obtienne son appui. Opposés au départ à l’idée d’Europe, les américains vont changer d’avis à l’entrée de leur pays dans la guerre froide. Truman instaure sa doctrine du containment, qui vise à éliminer toute trace soviétique, en même temps qu’il comprend que l’Europe pourrait constituer un contrepoids à la puissance de l’URSS. Les Etats-Unis vont ainsi aller dans le sens de la construction européenne. Diverses coopérations vont ainsi se mettre en place au fur et à mesure : création de l’OTAN qui permet une coopération militaire (pour contrer les soviétiques qui dénoncent un signe de l’impérialisme américain), création de l’OECE qui doit permettre l’application du Plan Marshall, et création du Conseil de l’Europe en 1948 qui permet la coopération entre ses Etats membres. L’ensemble de ces coopérations va constituer un terrain favorable à l’arrivée progressive d’une Communauté européenne.

La CECA, la tentative de CED et la concrétisation de l’idée d’Europe par la signature du traité de Rome en 1957 vont permettre à l’Europe de coopérer au sein de la nouvelle Communauté Economique Européenne. C’est dans ce cadre que diverses mesures seront prises en matière économique. Dès le début des années 1950 avait été crée l’Union européenne de paiement, qui constituait déjà une première forme de coopération en la matière ; elle permettait de trouver une solution à la pénurie de devises dans le commerce européen, en limitant les échanges hors d’Europe afin d’économiser les devises en conservant des échanges à l’intérieur.

Puis le plan Werner en 1970 va donner l’idée d’une union économique et monétaire, fondé sur un système de banque centrale. Mais alors que la Communauté avait adhéré au système de Bretton Woods, celui-ci s’effondre. Elle va donc devoir prendre des mesures transitoires pour stabiliser l’économie. C’est ainsi qu’est crée le Serpent monétaire européenne en 1972, qui permet de limiter les marges de fluctuation entre les monnaies. Mais c’est réellement après les trente glorieuses que le Marché commun va obtenir une réelle importance sur la scène mondiale. La part de l’Europe dans le commerce mondial sera largement accrue dans les années 1960. La Communauté Economique Européenne va ainsi faire partie de la triade représentant plus de 60% du commerce mondial à la fin des années 1960, avec les Etats-Unis et le Japon.