Inaliénabilité
Mise en place de la règle
Cette règle a été établie par l’édit du Moulin en 1566. Jugée
comme la loi fondamentale du Royaume, elle était prononcée lors du
serment du sacre. Elle avait pour but de protéger les biens de la
couronne contre les ventes excessives du pouvoir royal. Mais cette
règle était violée lorsque les biens étaient aliénés pour
nécessités de guerre. La Révolution a donc conduit à son abrogation
; les biens de la Nation ont ainsi pu être aliénés (le Royaume est
devenu la Nation). Mais le principe d’inaliénabilité a connu une
résurgence au 19e siècle, notamment sous la plume de
Proudhon, qui estime que la personne publique n’est pas
propriétaire du domaine public, mais simplement gardienne ; elle ne
peut donc pas vendre ces biens.
Aujourd'hui, le principe existe essentiellement pour protéger
l'affectation des biens publics.
Portée de la règle
Le principe d’inaliénabilité dispose d’une valeur législative.
Selon les décisions du Conseil constitutionnel (refus de se
prononcer sur la valeur juridique du principe), on peut considérer
qu’il n'a pas valeur constitutionnelle car il ne serait pas un
principe fondamental reconnu par les lois de la République..
L'inaliénabilité n'empêche par les personnes publiques de vendre
leur bien : il suffit qu'elle les déclasse pour les faire entrer
dans le domaine privé, cet acte étant plus ou moins facile à mettre
en oeuvre en fonction des autorités concernées.
Conséquences
L’inaliénabilité entraîne l’impossibilité de cession des biens
du domaine public. Ainsi, la vente d'un bien non déclassé est
considérée nulle. Si cette règle semble intangible, elle connait
cependant certaines atténuations issues du CG3P :
- Tout d’abord, les aliénations effectuées avant l’édit du Moulin
sont considérées valable puisque la règle n’existait pas encore, de
même que celles effectuées lors de la Révolution.
- Aussi, la cession de biens du domaine public est possible entre
personnes publiques, sans besoin de déclassement. Cela était
auparavant impossible (CE, 11 octobre 1995, Tète) : même si
l’affectation n’était pas modifiée, la cession n’était pas possible
entre personne publiques. On peut donc constater que l’affectation
et l’inaliénabilité sont des principes fortement liés ; en effet,
l’inaliénabilité doit protéger l’affectation du bien, car en
empêchant la cession, elle sauvegarde l’affectation. Pour ce qui
est de la cession entre personnes publiques, elle est rendue
possible par l’article 3112-1 du Code général de la propriété des
personnes publiques.
- Deux personnes publiques peuvent également échanger des biens
de leur domaine public dans le but d'améliorer les "conditions
d'exercice d'une mission de service public".
L'inaliénabilité suppose également que l'autorité publique
propriétaire ne puisse accorder aucun droit réel (usufruit par
exemple) à un particulier (CE, Eurolat, 1985). Néanmoins, le
loi du 25 juillet 1994 qui créé un "droit réel administratif"
confère un droit, un titre d'occupation. De même, le CG3P donne la
possibilité aux personnes publiques d'autoriser des servitudes sur
le domaine publique lorsqu'elles sont compatibles avec
l'affectation.
Cependant, la cession entre personnes publiques est seule rendue
possible. Aussi, en raison du principe d’inaliénabilité, le domaine
public est inexpropriable : CE, 1884, Conseil de Fabrique de
l’église Saint Nicolas des Champs.
Imprescriptibilité du domaine public
Principe établi par un édit de 1667 puis retirée à la
Révolution, il est finalement consacré au 20e siècle. Ce
principe est étroitement lié au principe d'inaliénabilité ;
l'imprescriptibilité est fonction de l'affectation. Ainsi, une
personne privée ne peut s'approprier un bien du domaine public par
sa seule utilisation prolongée. Elle ne peut en acquérir aucun
droit droit.