Mise à jour : January 2014

Inaliénabilité et imprescriptibilité

Le domaine public est caractérisé par ces deux règles, ce qui les différencie du domaine privé qui, lui, peut être cédé. L'imprescriptibilité permet de protéger le domaine public de l'acquisition de droits par les personnes qui l'utiliseraient de façon prolongée, et l’inaliénabilité évite les démembrements dans le domaine public.

Inaliénabilité

Mise en place de la règle

Cette règle a été établie par l’édit du Moulin en 1566. Jugée comme la loi fondamentale du Royaume, elle était prononcée lors du serment du sacre. Elle avait pour but de protéger les biens de la couronne contre les ventes excessives du pouvoir royal. Mais cette règle était violée lorsque les biens étaient aliénés pour nécessités de guerre. La Révolution a donc conduit à son abrogation ; les biens de la Nation ont ainsi pu être aliénés (le Royaume est devenu la Nation). Mais le principe d’inaliénabilité a connu une résurgence au 19e siècle, notamment sous la plume de Proudhon, qui estime que la personne publique n’est pas propriétaire du domaine public, mais simplement gardienne ; elle ne peut donc pas vendre ces biens.

Aujourd'hui, le principe existe essentiellement pour protéger l'affectation des biens publics.

Portée de la règle

Le principe d’inaliénabilité dispose d’une valeur législative. Selon les décisions du Conseil constitutionnel (refus de se prononcer sur la valeur juridique du principe), on peut considérer qu’il n'a pas valeur constitutionnelle car il ne serait pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République..

L'inaliénabilité n'empêche par les personnes publiques de vendre leur bien : il suffit qu'elle les déclasse pour les faire entrer dans le domaine privé, cet acte étant plus ou moins facile à mettre en oeuvre en fonction des autorités concernées.

Conséquences

L’inaliénabilité entraîne l’impossibilité de cession des biens du domaine public. Ainsi, la vente d'un bien non déclassé est considérée nulle. Si cette règle semble intangible, elle connait cependant certaines atténuations issues du CG3P :

  • Tout d’abord, les aliénations effectuées avant l’édit du Moulin sont considérées valable puisque la règle n’existait pas encore, de même que celles effectuées lors de la Révolution.
  • Aussi, la cession de biens du domaine public est possible entre personnes publiques, sans besoin de déclassement. Cela était auparavant impossible (CE, 11 octobre 1995, Tète) : même si l’affectation n’était pas modifiée, la cession n’était pas possible entre personne publiques. On peut donc constater que l’affectation et l’inaliénabilité sont des principes fortement liés ; en effet, l’inaliénabilité doit protéger l’affectation du bien, car en empêchant la cession, elle sauvegarde l’affectation. Pour ce qui est de la cession entre personnes publiques, elle est rendue possible par l’article 3112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.
  • Deux personnes publiques peuvent également échanger des biens de leur domaine public dans le but d'améliorer les "conditions d'exercice d'une mission de service public".

L'inaliénabilité suppose également que l'autorité publique propriétaire ne puisse accorder aucun droit réel (usufruit par exemple) à un particulier (CE, Eurolat, 1985). Néanmoins, le loi du 25 juillet 1994 qui créé un "droit réel administratif" confère un droit, un titre d'occupation. De même, le CG3P donne la possibilité aux personnes publiques d'autoriser des servitudes sur le domaine publique lorsqu'elles sont compatibles avec l'affectation.

Cependant, la cession entre personnes publiques est seule rendue possible. Aussi, en raison du principe d’inaliénabilité, le domaine public est inexpropriable : CE, 1884, Conseil de Fabrique de l’église Saint Nicolas des Champs.

Imprescriptibilité du domaine public

Principe établi par un édit de 1667 puis retirée à la Révolution, il est finalement consacré au 20e siècle. Ce principe est étroitement lié au principe d'inaliénabilité ; l'imprescriptibilité est fonction de l'affectation. Ainsi, une personne privée ne peut s'approprier un bien du domaine public par sa seule utilisation prolongée. Elle ne peut en acquérir aucun droit droit.