La guerre

« Mal qui déshonore le genre humain » (Fénelon), la guerre a pourtant longtemps constitué le meilleur moyen de faire entendre son pays. Mais l’évolution des mentalités et des techniques de guerres ont limité le recours à la guerre. L’arme nucléaire a en effet modifié le but de la guerre qui consistait à ériger un vainqueur et un vaincu ; avec la bombe atomique, il n’y a en effet que deux vaincus. Mais c’est également grâce au droit que la guerre s’est vue limitée.

Qu'est ce que la guerre ?

Selon Freud, la guerre est l’expression d’une pulsion destructrice. La guerre perpétuelle de Hobbes. Montre l’animalité de l’homme ; il y a une nature biologique et même sacrée à la guerre, qui est l’expression du destin » selon Schiller. On peut considérer la guerre comme une lutte éternelle entre l’amour et la haine, mise en exergue par l’origine destructrice de l’homme ; en ce sens, le geste de Caïn montre l’origine même de l’histoire des hommes. L’homme semble donc par nature belliqueux. Mais Ruth Benedict dans Pattern of culture montre la distinction entre les sociétés dionysiaques dans lesquelles la guerre est exaltée et les sociétés apolliniennes dont la paix constitue le fondement.

Procédé auquel personne ne peut échapper. C’est le « fruit d’impulsions belliqueuses », « une sorte d’épidémie mentale » selon Gaston Bouthoul. Elle a toujours été. Les dieux égyptiens ou les dieux de la Grèce antique se faisaient déjà la guerre. Et même si la paix reste le but ultime à la guerre, l’Ancien Testament montre que « le seigneur est guerrier », au travers de diverses expéditions.

De manière plus formelle, on peut considérer que la guerre est un acte collectif visant à soumettre un opposant. Les moyens mis en œuvre pour y parvenir sont variables en fonction des époques et des volontés, mais dans tous les cas, il semble que la guerre soit un moyen de maintenir la cohésion sociale.

A quoi sert la guerre ?

Konrad Lorenz dit qu’il s’agit d’une manifestation impulsive d’une agressivité naturelle entre membres d’une même espèce convoitant le même espace vital (L’Agression). Espace vital, toujours la but ultime de certains Empire. La Russie a longtemps cherché à étendre son territoire, tout comme l’Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Mais ils ne sont pas les seuls : l’empire Ottoman ou la France on cherché à conquérir de nouvelles terres, par envie de grandeur, comme par besoin économique. C’est ainsi que l’Algérie deviendra le premier partenaire commercial de la France au milieu du 20e siècle. Selon Machiavel, les hommes étant par nature méchants, il découle logiquement de ce postulat que la guerre résulte de « l’ambition des princes ou des républiques qui cherchent à étendre leur empire ». C’est également par la conquête de nouvelles terres que le paysage d’un pays évolue, se transforme ; la France s’est ainsi agrandie lorsqu’elle a retrouvé l’Alsace et la Lorraine en 1945.

Machiavel montre que la guerre permet d’éliminer les tensions existantes et d’élever le prince qui ressort vainqueur d’une guerre à un rang supérieur.

La guerre permet la paix, elle met en place un nouvel état des lieux. On a réussi à imposer sa façon de voir. A la fin de la guerre, le vainqueur impose ses conditions.

La guerre permet la cohésion sociale. On meurt pour la patrie ; les soldats héroïques disaient « qu’il est doux de mourir pour sa patrie ». On glorifie alors la guerre, on la sacralise. La guerre est ainsi devenue un art avant de devenir une science. Proudhon la considérait comme « un fait divin », et en ce sens, il disait : « vous parlez d’abolir la guerre, prenez garde de dégrader le genre humain ». La notion « ennemis héréditaires », comme les ennemis de longue date que furent l’Allemagne et la France, a également accru ce sentiment d’appartenance à une nation forte. L’Allemagne rêvait ainsi de renouer une unité, en songeant à la guerre de 1870.

Selon certains (Fichte, Hegel), la guerre constitue une condition de la santé des peuples, un chemin tracé vers le progrès, qui permet à l’Etat de se former.

Evolution de la notion de guerre

Les différentes méthodes utilisées par la guerre ont varié en fonction des acteurs et des périodes. On est ainsi passé des guerres sanglantes à la guerre froide. Elle a varié en fonction des technologies susceptibles d’être utilisées, mais également des buts recherchés. Selon Sun Tzu (stratège chinois du III siècle avant JC), la guerre est politique ou économique. Clausewitz considère que la guerre est avant tout politique ; c’est la simple « continuation de la politique par d’autres moyens ». La politique se poursuit donc, avant, pendant, et après la guerre. En revanche, pour Engels, la violence est « déterminée par l’état économique » ; elle vient de la lutte des classes. Dans le même sens, l’économie est à la base de la guerre pout H. MacLandress, qui considère que les Etats peuvent avoir intérêt à faire la guerre pour éliminer les surplus et relancer la « santé économique des Etats ».

La guerre n’était pas interdite, elle était licite et constituait simplement un moyen comme un autre de parvenir à ses fins.

Les guerres pouvaient être justes. C’est ce qu’a théorisé Thomas d’Aquin, le jus ad bellum, dans la Somme théologique. La guerre est voulue par Dieu. La guerre étant licite, elle s’inscrivait néanmoins dans un cadre ; elle obéissait en effet à des règles particulières : on commençait par faire un ultimatum, ou une déclaration de guerre, puis on faisait la guerre en respectant les quelques règles de droit international en la matière, et on la terminait par un traité de paix, qui mettait fin aux hostilités et permettait au vainqueur d’imposer ses conditions aux perdants. Bouthoul va jusqu’à parler d’ « homicide organisé ». De même, l’islam fait de la guerre sainte, le djihad, un des grands principes de la religion ; les martyrs occupent une place prépondérante.

Parce qu’à la guerre, on peut tuer sans être meurtrier (professeur Legendre), donner la mort n’est pas considéré comme un crime ; c’est un acte licite. Certains ont ainsi pu s’étonner qu’on puisse tuer 10 000 hommes sans se faire juger alors qu’on est condamné lorsqu’on en tue un seul.

Mais l’évolution des mentalités a modifié la vision de la guerre. Le droit a permis cette évolution, tout comme les projets de pais établis par un certain nombre de personnalités. L’abbé de Saint Pierre et Kant (Projet de paix perpétuelle) ont ainsi contribué à renforcer l’idée selon laquelle il est nécessaire de l’empêcher, même si elle a « sa racine dans la nature humaine ». Aussi, certaines thèses pacifistes vont éclore, ce qui encouragera le mouvement pacifique (notamment Sorel, Réflexions sur la violence). On parle alors de « paix par le droit » (Léon Bourgeois) ; la volonté pacifiste vient des milieux socialistes comme des religieux (Church Peace Union).

Dans le cadre du droit, on a ainsi tout d’abord commencé par introduire du droit dans la guerre. Grotius en a posé les bases dans Du droit de la guerre et de la paix. On continue ensuite par l’interdiction de certains recours à la guerre. Les conventions de la Haye de 1899 et 1907 vont largement y contribuer. Ainsi, la deuxième convention de la Haye, dite Drago Porter établit que les Etats l’ayant signée s’engagent à « ne pas recourir à la guerre pour recouvrer des dettes contractuelles réclammées par leur gouvernements à un autre gouvernement, comme étant dues à leurs nationaux ». Cela doit permettre d’éviter certains comportements ; on peut en ce sens citer celui de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Angleterre, qui avaient tous trois bombardé le Vénézuela car il n’avait pas remboursé les emprunts contractés auprès d’eux. La convention n’interdit aucunement la guerre, mais elle prévoit que le règlement pacifique des différents prévaudra dans ce cas.

Puis c’est le pacte Briand Kellogg de 1928 qui précipite les choses. La constitution de la SDN par le Pacte de Versailles en 1918 avait déjà pour objet de limiter le recours à la guerre. Des procédés de règlement pacifique des différents avaient alors été mis en place. Mais c’est bien en 1928 que la guerre va être interdite. Mais ce n’est qu’avec l’ONU que de manière plus large le recours à la force va être interdit. Ainsi tous les procédés utilisant la force pour parvenir à leurs fins sont prohibés.

En finir avec la guerre ?

L’évolution des guerres, qui semble avoir connu une certaine accalmie à la fin du siècle dernier a pourtant montré les différents rapports de force s’opérant entre les Etats. Les guerres mondiales, les guerres coloniales et la guerre froide sont le témoin de cette évolution. Les armements se sont amplement améliorés au cours des guerres successives. Mais la guerre ouverte n’est aujourd’hui que rare. Et on utilise désormais d’autres armes : la terreur. Le terrorisme est en effet la guerre du 21e siècle. Les conflits majeurs s’atténueront au cours de ce siècle pour Robert Cooper, de même qu’Yves Michaud partage cette vision pacifique du monde. Pierre Hassner rappelle cependant qu’il convient « de se rappeler que le rêve de l’unité et le cauchemar de l’anarchie, de la domination et de la destruction totales, ne nous abandonneront jamais ».

Les idées évoluant, les cultures également, John Keegan considère que ces transformations auront raison de la guerre. En effet, comme le disait Victor Hugo, « la guerre, c’est la guerre des hommes ; la paix, c’est la guerre des idées ».