Du droit naturel au droit positif
Aristote considérait que le droit naturel était inscrit dans la
nature même de l’homme, vivant dans l’ordre naturel, qu’il lui
suffisait de le découvrir. Il existe donc une loi naturelle qui
permet à l’homme de vivre dans la cité ; les hommes sont des «
animaux politiques », qui naturellement sont faits pour vivre dans
la Cité. Si cette conception sera reprise par Saint Thomas d’Aquin
bien plus tard, il n’en est pas moins qu’à ce droit naturel
s’opposera le droit positif.
Dès l’Antiquité, on montre la dualité qu’il existe entre le
droit naturel et le droit positif. Dans Antigone, Sophocle montre
la « mort misérable » qui attend Polynice si Antigone passe outre
la sentence prononcée par le roi de Thèbes. Antigone en appelle, en
souhaitant enfreindre l’interdiction du roi, « aux lois non
écrites, inébranlables, des dieux ! ».
Le droit positif des Modernes va néanmoins progressivement
s’affirmer et se substituer au droit naturel des Anciens. Le droit
positif se fonde sur les lois établies par un Etat, que le peuple
doit respecter. Les Modernes considèrent que le droit naturel a
besoin du droit positif pour exister ; il y a bien un droit de
nature et une loi de nature, qui donne des obligations aux hommes,
mais ce droit et ces lois s’exercent dans un état de guerre
perpétuel. L’état naturel des hommes selon Hobbes oblige donc les
hommes à passer par un contrat social au profit d’un souverain pour
éviter l’état de guerre universel. Le droit positif est alors
nécessaire pour sauver les hommes et incarne la loi naturelle.
L’homme doit disposer, selon Grotius, Hobbes et Pufendorf, d’un
droit qui lui est attaché car il est libre de sa conscience et
autonome. L’homme se détermine seul, et ne doit plus découvrir un
ordre naturel qui le dépasse.
C’est donc peu à peu que divers droits vont être revendiqués. On
va progressivement parler de liberté de conscience, de droit de
propriété (Locke)… Avoir ces droits permet à l’homme d’avoir du
pouvoir face à l’autorité ; il peut même contester l’ordre établi.
Autrefois, on ne pouvait bousculer l’ordre établi dans la mesure où
il était naturel.
Affirmer des droits
Si certain ont pu réclamer l’égalité des hommes (les Pères de
l’église notamment) pendant des siècles, c’est avec la Réforme
qu’on affirme l’égalité de tous les hommes devant Dieu. On va
également reconnaitre l’autonomie de l’individu, pour enfin
reconnaitre que l’homme a des droits imprescriptibles, tout comme
il a des devoirs (Grotius).
L’Angleterre va aller dans ce sens en votant l’Habeas corpus en
1679. Quelques philosophes vont ainsi reconnaitre des droits à
l’homme. Locke, libéral, considère que l’homme bénéficie de droits
naturels inaliénables, qu’il peut opposer au pouvoir en place. Il
est donc lié au pouvoir par un contrat, qui peut à tout moment être
révoqué. Le pouvoir étatique se voit donc limité par des droits
inhérents à l’homme.
Progressivement, ces conceptions vont s’étendre en France, qui
va les adopter et les diffuser, notamment par le biais de la
franc-maçonnerie. C’est ainsi que les droits de l’homme vont
s’affirmer.
Mais si des droits peuvent être affirmés, il faut qu’ils
puissent être écrits pour qu’ils aient une réelle force. Des
déclarations de droit sont nécessaires ; solennelles, ces
déclarations doivent rendre les droits effectifs et universels.
C’est ainsi qu’est établie la Déclaration d’indépendance américaine
(4 juillet 1776), la Déclaration des droit de l’homme et du citoyen
de 1789, et plus tard, la Déclaration universelle de 1948.
Quels droits ?
Les diverses déclarations contiennent différents droits inhérent
à l’homme. Les premiers textes évoquaient les grandes libertés
civiles et politiques (droits dits de première génération, les «
droits de ») : liberté de propriété, liberté de conscience, liberté
d’expression… Ces droits sont individualistes, fondés sur la
personne même qui en bénéficie, sans prise en compte de son
environnement social ; ce sont des libertés individuelles, qui
permettent néanmoins au citoyen de participer à la vie publique. Ce
n’est donc que par la suite qu’on est aux « droit à » un travail, à
la culture…. Ces droits économiques et sociaux vont ainsi prendre
l’aspect collectif de la vie ; ils ont été établis plus
tardivement, au 19e siècle, alors que l’Etat providence commençait
à apparaitre. On est ainsi passé des droits-libertés aux
droits-créances (la société nous doit quelques chose car on a par
exemple le droit de faire la grève, ou encore le droit d’avoir une
éducation). Enfin, des droits plus récents sont apparus ; ce sont
les droits dits de 3e génération, qui prennent l’homme dans son
environnement actuel (protection de la vie privée, protection
contre la pollution…).
Critiquer les droits
De nombreuses critiques des droits de l’homme sont rapidement
venues apporter des limites à l’enthousiasme de leur édiction. Nous
allons étudier les principales :
- Les droits de l’homme sont une manifestation de la puissance
occidentale.
Les droits de l’homme tels qu’on les connait sont des émanations
des grandes démocraties, qui en étendent les principes un peu
partout dans le monde. on a donc pu reprocher à ces droits de ne
pas être universels. Ces droits sont en effet ancrés dans une
conception politique particulière ; certaines civilisations ne
considèrent en effet pas l’homme seul, mais en communauté.
L’individu n’est alors pas le centre de tout.
Certains pays arabes, ou même la Chine dénoncent ainsi
l’impérialisme occidental en la matière. En revanche, il convient
de rappeler que les évènements de la place Tiananmen en 1989
prônaient justement les droits de l’homme.
Enfin, certaines minorités revendiquent des droits qui leurs
seraient propres. C’est par exemple le cas des femmes, ou des
enfants.
On comprend alors que les droits de l’homme ont du mal à être
universels.
- Les droits de l’homme sont abstraits
Ces droits ne sont pas inscrits dans le temps, et dans la
réalité selon plusieurs philosophes. Edmond Burke va rapidement
considérer que les droits de l’homme déclarés en 1789 sont
totalement abstraits et situé en dehors de toute temporalité ; ces
droits n’ont pour seul but que de mettre en place une masse
populaire incontrôlable. De même, Hegel montre que cette vision va
à l’encontre de la progression de la société dans le temps, qu’elle
en est en dehors.
Joseph de Maistre pense également que les droits de l’homme sont
abstraits, et oublient la finalité humaine.
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