Régulation des médias

La loi de 1881 sur la liberté de la presse a ouvert la voie à la liberté d’information, et corroboré les libertés d’opinion et d’expression proclamées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La liberté d’expression est également inscrite dans certains textes internationaux (pacte internal pour les droits civils et politique de 1966).

Cependant, la liberté d’expression a été atténuée par des besoins de sécurité selon les époques1.

Ainsi, en 2014, la France reculait au classement Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, occupant la 39e place. De leur côté, les Etats-Unis occupaient la 46e place, notamment en raison de “la chasse aux sources et aux lanceurs d’alerte”. Ainsi, la liberté de la presse recule dans certaines démocraties qui “utilisent abusivement l’argument sécuritaire”2, dans une société où se développe la cybercriminalité.

Les journalistes ont parfois été la cible d’une surveillance par les services de renseignement. Ainsi, Reporters sans frontières avait établi une liste des “ennemis d’internet”, dénonçant ainsi la censure et la surveillance de certaines organisations comme la NSA américaine ou la GCHG britannique, qui ont espionné les communications de plusieurs millions de citoyens, dont de nombreux journaliste sous couvert de sécurité nationale3.

La liberté d’expression est également limitée par le respect d’autres libertés fondamentales. Pour assure le respect de ces libertés, la limitation de la liberté d’expression s’exerce aujourd’hui principalement par voie de décision de justice et par les autorités administratives indépendantes. La censure préventive s’effectue quant à elle dans le domaine du cinéma essentiellement (par la commission de classification des oeuvres cinématographiques). De son côté, depuis 1989, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est chargé de veiller au respect des lois, et aux bonnes moeurs. Films, séries télévisées ou encore journaux font ainsi l’objet d’interdictions quant à certains de leurs contenus.

La censure au cinéma est ancienne en France. Dès les années 1910, le cinéma doit obtenir un visa d’exploitation pour être projeté en salle4.

Voir la “Petite chronologie de la censure cinématographique en France” : http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/hg/file/Dossiers_et_documents/histoire_des_arts/religieuse-rivette/Annexe_3_-_histoire_censure_France.pdf

Aujourd’hui, la censure s’est atténuée, bien que le cinéma reste soumis à un contrôle administratif avant sa diffusion. En France, les films doivent disposer d’une immatriculation et demander un visa d’exploitation pour se retrouver sur les écrans5.

Le visa est délivré par le ministre de la culture, après avis de la commission de la classification des œuvres cinématographiques, qui dépend du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Il en existe plusieurs, délivrés selon les interdictions au moins de 12 ou encore de 18 ans6.

Mais le visa d’exploitation pouvant être refusé, certains producteurs et réalisateurs s’autocensurent. Ainsi, la censure est aujourd’hui moins visible : certains films ne peuvent être diffusés à des heures de grande écoute, d’autres s’auto-censurent.

C’est une pratique ancienne. En effet, des années 1930 aux années 1960, les Etats-Unis ne possédaient pas d’organisme de censure officiel. Ainsi, le Code Hays a organisé l’autoréglementation de l’industrie américaine du cinéma pour éviter toute tentative de censure officielle. En se censurant elle-même, l’industrie du cinéma limitait toute réaction négative de l’opinion publique et ne risquait ainsi plus de voir ses films boycottés7.

Voir : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1987_num_15_1_1879

Aujourd’hui, pour des raisons d’ordre public, un film peut se voir interdit localement : atteinte aux bones moeurs, etc. Mais cette censure peut être large tant la notion d’ordre public évolue. “l’article L212-1 du Code du cinéma et de l’image animée prévoit que le visa peut être refusé pour “des motifs tirés de la protection de l’enfance ou de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine”. C’est une police spéciale : il est donc impossible de ne pas délivrer un visa pour des raisons d’ordre public, de salubrité publique, etc, soit des motifs qui seraient tirés de la police générale.”8

Il revient donc au maire et au juge de réguler “moralement” les oeuvres cinématographiques9 et les interdictions émises par les visas peuvent être contestées10.

Ainsi, bien que la censure générale ait disparu depuis 1881, les individus peuvent dire ce qu’ils pensent (« usage privé de la raison »), mais ils doivent le faire dans le respect de l’ordre public (Kant, Qu’est-ce que les Lumières ?).

Cependant, l’interdiction de certains contenus sur Internet qui a provoqué de vifs débats publics. En France, certains sites nazis et pédopornographiques ont en effet été bloqués, suscitant l’incompréhension de certains (Noam Chomsky avait défendu le droit de parole des négationnistes en raison de la liberté d’expression). Aussi, dans le cadre de la lutte antiterroriste, les sites Internet faisant l’apologie du terrorisme peuvent être bloqués par décision administrative.

Ailleurs dans le monde, certains gouvernements contrôlent l’utilisation d’Internet, et bloquent l’accès à certains sites (Chine, Russie, Cuba), de même que certains hackers dépendant du pouvoir central ont pour mission d’attaquer les sites de l’opposition.

De nombreuses lois ont été instaurées depuis les années 2000 pour encadrer Internet11. Ce phénomène a touché différents pays, ce qui avait conduit le groupe mondial Anonymous à attaquer plusieurs sites officiels pour protester contre l’atteinte à la liberté sur Internet.

Cependant, les limitations de liberté d’expression sur Internet sont rendues difficiles par les importants conflits juridiques qui empêchent souvent la maitrise des réseaux (réseaux transnationaux, etc.). Mais malgré certains lacunes juridiques, plusieurs sites de téléchargements ont été fermés (ex : Mégaupload).

En effet, Internet permet à chacun de s’exprimer, de véhiculer certaines idées, de prendre connaissance d’informations dissidentes, qu’il était plus difficile de se procurer auparavant. De plus, Internet est difficilement l’objet de contrôle, d’avertissement. Ainsi, les mesures interdisant l’incitation à la haine sont souvent considérées comme des restrictions raisonnables et nécessaires au droit à la liberté d’expression12.


1 « Des journalismes sous contraintes » (vidéo), http://www.acrimed.org/article4738.html

2 http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2014/02/12/la-liberte-de-la-presse-recule-au-mali-en-centrafrique-et-aux-etats-unis_4364680_3236.html

3 http://www.francetvinfo.fr/internet/securite-sur-internet/reporters-sans-frontieres-epinglent-les-ennemis-d-internet_550491.html

4 http://www.lemonde.fr/cinema/article/2011/10/14/le-cineaste-rene-vautier-se-souvient_1587858_3476.html

5 http://www.cnc.fr/web/fr/procedures-d-obtention-d-un-visa

6 http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F23277.xhtml#N100B1

7 “La censure a-t-elle du bon ? (Autour du code Hays)”, jeudi 9 août 2012: http://www.franceinter.fr/emission-pendant-les-travaux-le-cinema-reste-ouvert-la-censure-a-t-elle-du-bon-autour-du-code-hays

8 https://fr.wikipedia.org/wiki/Visa_d%27exploitation

9 http://fr.jurispedia.org/index.php/Pouvoir_de_police_en_mati%C3%A8re_cin%C3%A9matographique_%28fr%29

10 http://www.rajf.org/spip.php?article1550 et http://www.droitducinema.fr/visa.htm

11 http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/15/sept-lois-en-dix-ans-pour-encadrer-le-web-francais_4615841_4355770.html

12 L’internet de la haine, Marc Knobel, Berg international éditeurs, 2012.