Mais la question des libertés est d’autant plus prégnante
lorsque les circonstances exigent un renforcement des mesures de
sécurité. Les dispositifs ainsi mis en place afin de lutter contre
la menace terroriste constituent en effet pour certains une menace
sur les libertés fondamentales.
Les limites traditionnelles à la liberté
Si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacrait
des droits individuels, ceux-ci ont été, selon les périodes,
malmenés. Progressivement, d’autres textes sont donc venus
renforcer les libertés fondamentales.
Cependant, des limites ont été posées, la liberté s’arrêtant là
ou commence celle des autres. Ainsi, de nombreuses dérogations à la
liberté ont été instaurées, à l’instar des lois mémorielles, des
différentes mesures prises dans le cadre de la lutte
antiterroriste, ou encore des décisions de fermeture de sites
Internet. Mais c’est surtout la liberté d’expression qui a fait
l’objet de nombreuses limitations.
La liberté d’expression, souvent atténuée
Depuis la Révolution française, la liberté d’expression est le
corolaire de la République et de la démocratie.
Si la liberté d’expression est un droit fondamental en France,
elle est toutefois limitée. Ainsi, la loi peut prévoir des cas dans
lesquels sera sanctionné l’abus de cette liberté.
C’est le cas avec la diffamation, l’apologie de crime contre
l’humanité ou encore la tenue de propos racistes. Ces limites
s’appliquent tant sur Internet que dans un document papier. Aussi
la liberté d’expression est-elle intimement liée à la liberté de la
presse, à la liberté de communication.
C’est dans ce cadre que, selon les époques, des mesures plus ou
moins strictes ont été instituées pour limiter la liberté
d’expression.
Si de nombreuses mesures sont venues encadrer la liberté
d’expression, notamment dans le secteur audiovisuel ou en faveur de
la protection de la jeunesse, Loi n°
49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la
jeunesse
ce sont plus récemment la loi Gayssot de 1990 et la loi de 2014
relative à la lutte contre le terrorisme qui ont fait parler
d’elles.
Quelles limitations à la liberté d’expression ?
Les limites apportées à la liberté d’expression sont tantôt
perçues comme une censure, tantôt comme une nécessité susceptible
de protéger ceux qui en sont les victimes.
Et pour cause, il y a une grande variété de censure, qui touche
autant le cinéma qu’Internet ou encore la presse. Dans l’histoire,
nombreuses de censures ont ainsi concerné des films ou des
programmes télévisuels.
Ont ainsi été interdit les films “Nuit et
Brouillard” dans les années 1960, ou “La Dernière tentation du
Christ”, film qui provoque alors “une guérilla des fondamentalistes
américains et les protestations de l’archevêque de Paris, JeanMarie
Lustiger, qui obtient que la subvention de 3 millions de francs
allouée au film par le ministre de la culture, Jack Lang, soit
retirée.” “Censures, interdits et
pressions”, Le Monde, 24 février 2015.
Ainsi, en 2015, l’annonce de la suppression des “Guignols” sur
Canal + avait provoqué de vives réactions, certains dénonçant une
“attaque contre la liberté de penser”.
De la même façon, en 2015, le chroniqueur d’une radio dénonçait
un « boycott punitif » de la part du ministère, allant jusqu’à
évoquer des « pressions proches d’une censure » après avoir été
remercié après une chronique mettant en cause l’efficacité des
forces de sécurité durant les attentats de novembre.
http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2015/11/23/rmc-guenole-remercie-pour-une-chronique-contestee-sur-la-gestion-des-attentats_4815715_3236.html
De façon plus générale, certains journalistes dénoncent les
pressions, les menaces de suppression de fonds publicitaires, le
harcèlement judiciaire qui sont des moyens de censurer la presse.
Informer n’est pas un délit, sous la
direction de Fabrice Arfi et Paul Moreira, Calmann-Lévy,
2015.
Des limites à la liberté d’expression ont également pu porter
sur des injures à l’encontre de personnalités politiques ou à
l’encontre des forces de l’ordre.
http://www.bastamag.net/Un-dessin-d-enfant-sur-les-violences-policieres-interdit-par-une-municipalite
En 2015, un arrêté municipal avait interdit la
tenue d’un concert au motif que : « L’organisateur tient sur ses
affiches des propos et des images outrageants à l’égard des forces
de l’ordre ». Les affiches reprenaient cependant un dessin d’enfant
faisant état dénonçant des faits de violence policière présumés.
http://www.bastamag.net/Un-dessin-d-enfant-sur-les-violences-policieres-interdit-par-une-municipalite
De la même façon, les propos racistes, homophobes ou encore
antisémites sont régulièrement condamnés. Cela a par exemple été le
cas des propos de Jean-Marie Le Pen à propos des Roms
http://www.huffingtonpost.fr/2014/11/20/jean-marie-le-pen-condamne-propos-racistes_n_6191410.html,
d’Anne-Sophie Leclère comparant Christiane Taubira à un singe
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/16/propos-racistes-contre-taubira-sept-questions-sur-une-condamnation_4458104_4355770.html,
ou encore Eric Zemmour sur les propos tenus sur les Noirs et les
Arabes
http://www.marieclaire.fr/,zemmour-condamne-pour-ses-propos-sur-les-noirs-et-les-arabes,20122,379360.asp.
Accusé d’anti-sémitisme, Dieudonné avait également vu ses
spectacles régulièrement interdits.
http://www.lefigaro.fr/culture/2015/05/28/03004-20150528ARTFIG00075-dieudonne-interdit-de-spectacle-a-limoges.php
Dans une autre mesure, les propos révisionnistes niant le
génocide juif sont sanctionnés depuis des années dans le cadre de
la loi Gayssot.
Sur Internet, la liberté d’expression a longtemps été très
large. Progressivement, certains propos ont été dénoncés, jugés
injurieux, discriminatoires ou encore diffamatoires. Ainsi, malgré
le sentiment d’anonymat qui a longtemps prévalu, des condamnations
ont été prononcés à l’encontre d’internautes.
De façon plus générale, des modérateurs filtrent certains
messages sur les forums de discussions.
De plus, le contrôle des discussions a été renforcé par le
monopole de quelques réseaux sociaux, ce qui fait jouer aux géants
du Net un rôle considérable sur la liberté d’expression.
“Avec plus d’un milliard d’utilisateurs pour
Facebook et plusieurs centaines de millions pour Twitter, les
grandes plateformes du Web se retrouvent arbitres de la liberté
d’expression, de ce que leurs utilisateurs peuvent écrire ou pas,
une position que la plupart des démocraties confient à la justice.”
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/15/harcelement-djihadisme-les-reseaux-sociaux-contraints-a-la-regulation_4593913_4408996.html#vDEGCPfYdMocyQMG.99
Une part importante des messages individuels passant par un
petit nombre de réseaux sociaux, il est plus facile d’y exercer un
contrôle.
Cet situation a notamment permis à l’Etat français de procéder à
des demandes d’effacement de tweets, devenant le numéro un mondial
des demandes de suppression de tweets.
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/02/06/la-france-numero-un-mondial-des-demandes-de-suppression-de-tweets_4361715_651865.html
Des limitations limitées
Au-delà des limites apportées de façon coercitive à la liberté
d’expression, l’autocensure s’est parfois imposée au gré des
évènements.
Ainsi, après les attentats de janvier 2015 à Paris, des œuvres
d’art et des évènements culturels étaient censurées durant les
semaines qui ont suivi : affiches modifiées, films déprogrammés,
expositions annulées, etc. Ces autocensures résultaient d’une
volonté d’éviter les tensions, de ne pas heurter le public ou
simplement par mesure de sécurité.
http://next.liberation.fr/culture/2015/01/29/apres-charlie-hebdo-la-culture-s-autocensure_1191212
Mais l’autocensure se pratique également de façon plus
régulière, notamment chez les journalistes. “Crédit Mutuel, Censure, Bolloré, Canal+ et
TAFTA | Guerre contre le journalisme”,
https://www.youtube.com/watch?v=mp3VZ-k2mhA
Certains ont ainsi remis en cause l’absence de véritable enquête
journalistique concernant certaines questions, jugeant par exemple
important de connaître le dossier médical des candidats à
l’élection présidentielle ou la destination de certaines sommes
utilisées par les politiques. Cette absence d’enquête sur des
éléments de leur vie privée est ainsi parfois considérée comme une
carence qui pourrait entraver le rôle historique de contre-pouvoir
accordé à la presse.
http://www.liberation.fr/societe/2012/03/30/pudeur-et-autocensure-des-journalistes-francais_806847
Libertés vs sécurité
Pour assurer la sécurité des uns, il est parfois nécessaire de
limiter la liberté des autres, incitant certains politiques à
affirmer que “la sécurité est la première des libertés”, tandis que
pour d’autres, “la première sécurité est la liberté.”
La lutte contre le terrorisme a ainsi privilégié la sécurité,
allant parfois jusqu’à limiter certaines libertés.
“les discours publics sur la liberté se
transforment en discours sur la peur face à une menace présentée
comme omniprésente et hautement imprévisible, contre laquelle il
convient d’adopter toute mesure, même restrictive des libertés
publiques, pourvu qu’elle soit considérée comme efficace.”
“La légitimation des mesures
d’exception”, Cultures & Conflits n°61, Antiterrorisme et société,
Didier Bigo, Antonia Garcia Castro, Emmanuel-P. Gu, Editions
L’Harmattan, 2006, p49.
Le risque d’une menace sur les libertés ?
Aux USA, le Patriot Act a ouvert la voie à des restrictions aux
libertés publiques. Malgré des résultats souvent jugés mitigés, la
mise en place de mesures similaires était réclamée par certaines
voix en France.
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/12/le-patriot-act-une-legislation-d-exception-au-bilan-tres-mitige_4554570_4355770.html
Fin 2015, la mise en place de l’état d’urgence au lendemain des
attentats de Paris du 13 novembre portait atteinte aux libertés
individuelles et collectives à travers les mesures instaurées :
assignation à résidence, interdiction d’associations ou de
groupements de fait, limitation à la liberté de manifester,
atteinte à la vie privée par la surveillance à l’insu des
individus, etc.
Pour certains, “ces législations entraînent une
atrophie des libertés et une dilatation de la puissance politique
et administrative”.
http://www.laviedesidees.fr/Contre-le-terrorisme-la-legislation-d-exception.html
Dérogeant à la Convention européenne des droits de l’homme,
l’état d’urgence ouvrait la voie à la limitation de la liberté
d’aller et de venir, à la liberté d’expression, à la liberté de
réunion ou encore au respect de la vie privée.
http://www.numerama.com/magazine/31916-deroger-aux-droits-de-l-homme-voici-comment-ca-peut-etre-legal.html
Les mesures étant généralement effectuées sans le contrôle d’un
juge, à l’instar des perquisitions, elles ont parfois été
critiquées, tant pour leur insuffisance de résultat que pour les
méthodes employées : “portes défoncées, meubles renversés, matelas
tailladés ou même ampoules cassées”. La plupart des perquisitions
menées dans le mois qui a suivi la mise en oeuvre de l’état
d’urgence n’ont en effet ouvert la voie à aucune poursuite
judiciaire
https://www.mediapart.fr/journal/france/111215/terrorisme-2500-perquisitions-deux-enquetes-ouvertes
; surtout, nombre des personnes visées par les perquisitions
évoquent la violence des policiers et l’absence d’éléments
susceptibles de jutifier de telles mesures.
http://www.liberation.fr/france/2015/12/14/l-etat-d-urgence-un-mois-apres_1419816
Ce constat a été partagé par des personnes assignées à
résidence, qu’ils s’agisse d’individus soupçonnés de
“radicalisation” ou de militants écologistes.
Les mesures instaurées par l’état d’urgence n’ont en effet pas
seulement concerné la lutte contre le terrorisme, ce qui a conduit
certains à penser que les autorités profitaient de l’état d’urgence
face à la menace terroriste pour réprimer les mouvements sociaux et
écologistes.
http://www.bastamag.net/Premieres-convocations-policieres-pour-avoir-enfreint-l-interdiction-de
Ainsi, certains ont pu craindre que l’Etat utilise les peurs et
l’émotion ressentie au lendemain des catastrophes comme instrument
de répression analogue à l’arsenal antiterroriste mis en place
après le 11 septembre. Certains avaient pu mettre en évidence
“l’exercice d’une politique de la peur” par les Etats-Unis.
http://www.liberation.fr/debats/2015/12/01/ne-laissons-pas-a-l-etat-la-politique-de-nos-emotions_1417538
Des atteintes à la vie privée pour assurer la sécurité
Différentes mesures portant atteinte à la vie privée ont
progressivement été mises en place pour assurer la sécurité des
personnes, à l’instar des programmes illégaux de géolocalisation et
de surveillance téléphonique.
La direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), service
de renseignements français, avait ainsi livré 70.3 millions de
conversations téléphoniques collectées entre décembre 2012 et
janvier 2013 à la NSA, services de renseignements américains.
http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20150122trib7421adbf8/patriot-act-victoire-du-terrorisme-sur-la-liberte.html
Pour renforcer l’arsenal législatif en matière de renseignement,
la loi renseignement avait été adoptée en 2015. Parmi les mesures
approuvées, certaines encadraient des pratiques policières déjà
mises en œuvre sans contrôle. Et nombre d’entre elles concernent
des informations privées : installation de “boites noires”,
collecte massive de données, etc.
L’exigence de garantir la sécurité implique ainsi une plus
grande transparence. Les personnes suspectées d’avoir commis un
crime ou un délit doivent se soumettre aux opérations de
prélèvement des empreintes digitales ou génétiques. http://www.justice.gouv.fr/bulletin-officiel/dacg91a.htm
De même, il est interdit de “porter une tenue destinée à
dissimuler son visage” dans l’espace public, sous peine d’une
amende de 150 euros, ou de 1 500 euros dans le cadre d’une
manifestation.
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/04/22/un-artiste-americain-vous-donne-son-visage-pour-echapper-a-la-surveillance-generalisee/
Aussi, des logiciels devraient permettre de détecter des
comportements individuels suspects dans les gares via la
vidéosurveillance, afin de lutter contre les risques d’attentats,
mais également pour identifier les fraudes. Mais ces techniques
inquiètent les défenseurs des droits de l’homme et de la vie
privée, car ces dispositifs risquant de faire dériver le système
vers une “justice préventive”.
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/17/a-la-sncf-des-logiciels-pour-detecter-les-comportements-suspects-par-videosurveillance_4833882_4408996.html
Des essais étaient ainsi effectués dans les
gares : le logiciel se fonde sur le haussement de la voix, la
température corporelle ou encore des gestes saccadés révélant
l’anxiété du sujet.
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/17/a-la-sncf-des-logiciels-pour-detecter-les-comportements-suspects-par-videosurveillance_4833882_4408996.html
Des libertés collectives atténuées
En 2015, la mise en place de l’état d’urgence entravait la
liberté de réunion, de manifestation ou encore d’association. Ainsi
était notamment prévue la dissolution d’association dont les
actions peuvent porter une atteinte grave à l’ordre public.
http://libertes.blog.lemonde.fr/2015/11/22/la-loi-sur-letat-durgence-nouvelle-loi-des-suspects/
De même, l’interdiction des manifestations durant l’état
d’urgence avait été prolongée afin d’éviter tout rassemblement en
marge de la COP21.
http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/12/01/interdiction-de-manifester-prolongee-au-bourget-et-sur-les-champs-elysees_4821538_4527432.html
Certains avaient alors dénoncé des contrôles policiers portant
sur des banderoles de militants se rendant dans les zones
autorisées de la conférence sur le climat.
http://www.politis.fr/Climat-coulisses-de-la-conference,33302.html
“Lors des précédentes Conférence climat, dans
les enceintes réservées aux associations, on laissait les
contradicteurs s’exprimer… Ce n’est plus le cas, la censure de
surveillance et de contrôle s’exerce aussi aux dépends des
représentants de la société civile.”
http://www.politis.fr/Climat-coulisses-de-la-conference,33302.html
Des atteintes à la liberté d’expression
Après les attentats du mois de janvier 2015 à Paris, la France a
instauré le délit d’apologie du terrorisme, destiné à lutter contre
certains propos.
Cela a entraîné de nombreuses condamnations, mobilisant une
justice pénale encouragée par la ministre de la Justice, qui
demandait aux procureurs d’agir avec une grande “fermeté”.
“Apologie du terrorisme : justice
exemplaire ou d’exception ?”,
http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/16/apologie-terrorisme-justice-exemplaire-dexception-257145
Certains avaient alors dénoncé des procédures rapides et des
“condamnations aveugles et démesurées”.
http://www.syndicat-magistrature.org/Apologie-du-terrorisme-Resister-a.html
D’autres ont mis en avant les risques de dérives, les
condamnations étant souvent lourdes et les peines risquant de
radicaliser davantage les condamnés. “Apologie du terrorisme : justice exemplaire ou
d’exception ?”,
http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/16/apologie-terrorisme-justice-exemplaire-dexception-257145
De son côté, Amnesty international avait réagit face à la
multiplication des arrestations et des poursuites pour apologie du
terrorisme, “dont la définition reste vague. Le risque est grand
que ces arrestations violent la liberté d’expression.”
http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Liberte-expression/Actualites/France-la-liberte-expression-epreuve-13947?prehome=0
Internet et la sécurité
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, plusieurs sites
faisant l’apologie du terrorisme ont fait l’objet de mesures de
blocage
http://www.numerama.com/magazine/33314-36-sites-internet-bloques-en-france-lesquels-et-pourquoi-mystere.html
, une tendance qui s’est accélérée.
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/11/19/les-deputes-adoptent-une-mesure-de-blocage-express-de-sites-web_4813604_4408996.html
Cela a fait reculer la liberté d’expression sur Internet en
France. http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/internet-la-liberte-d-expression-recule-en-france-28-10-2015-1977346_47.php
Mais d’autres mesures ont également cherché à renforcer la
sécurité sur Internet, notamment à travers la mise en place, par le
gouvernement en 2015, d’un site internet permettant de “signaler”
des “contenus ou de comportements illicites auxquels vous vous
seriez retrouvés confrontés au cours de votre utilisation
d’Internet”.
https://www.internet-signalement.gouv.fr/PortailWeb/planets/Accueil!input.action
De l’exception au risque d’exception permanente
Les menaces sur la sécurité ont imposé la mise en place de
mesures fortes, souvent temporaires. Cependant, nombre de personnes
s’inquiètent d’une éventuelle prolongation de ces mesures.
Le projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence aurait
pour effet de pérenniser dans le droit une nouvelle forme de
législation d’exception. “Etat
d’urgence, lois d’exceptions et atteintes aux libertés”,
https://www.youtube.com/watch?v=7vpQ1z2bgsw
Déjà en 2005, l’instauration de l’état d’urgence avait donné
lieu à des mises en garde, certains s’inquiétant du climat
sécuritaire qui risquait de s’imposer.
http://www.revue-projet.com/articles/2006-2-l-etat-d-urgence-un-etat-vide-de-droit-s/
“Ainsi banalisé – « finalement, l’état d’urgence
n’est pas si terrible que cela : on peut faire ses courses de Noël,
réveillonner, aller au cinéma,… comme si de rien n’était » –,
l’état d’urgence favorise une atmosphère sécuritaire et prépare les
esprits à recevoir sans s’en apercevoir, sans impression de rupture
toute proposition de République autoritaire et policière.”
http://www.revue-projet.com/articles/2006-2-l-etat-d-urgence-un-etat-vide-de-droit-s/
La mise en oeuvre d’une politique de l’exception, fondée sur une
“rhétorique du danger permanent”, pourrait expliquer la
“suppression de l’Etat de droit”, l’exception devenant
routinière.
“L’utilisation de la notion d’état d’exception
pour expliquer la suppression de l’Etat de droit [...] s’est
accompagnée de l’idée que certaines périodes d’exceptions peuvent
se prolonger, devenir routinières, voire normales.” “Liberté et sécurité en Europe : enjeux
contemporains”, Cultures & Conflits n°61, Antiterrorisme et
société, Didier Bigo, Antonia Garcia Castro, Emmanuel-P. Gu,
Editions L’Harmattan, 2006, p129.
L’exception risquerait ainsi de devenir le droit commun, qui
pourrait créer un régime dérogatoire au contrôle administratif et
ainsi abandonner des libertés fondamentales sans qu’un juge puisse
le contrôler. “Etat d’urgence, lois
d’exceptions et atteintes aux libertés”,
https://www.youtube.com/watch?v=7vpQ1z2bgsw
Aussi le projet de réforme constitutionnelle visant à
constitutionnaliser l’état d’urgence ne faisait-il pas l’unanimité
http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/etat-d-urgence-reforme-constitutionnelle-loin-faire-l-unanimite-1152084
, certains décidant par exemple de faire une pétition contre “une
réforme constitutionnelle imposée sans débat”.
http://www.humanite.fr/petition-pour-nous-cest-definitivement-non-594173
Les mesures de sécurité, entre efficacité et restriction des
libertés, quels effets ?
Les mesures d’exception, bien que nécessaires, ne permettraient
pas de combattre le terrorisme à long terme. http://www.laviedesidees.fr/Le-paradigme-de-l-exception.html
Pour certains, cela aurait au contraire pour conséquence
d’attenter seulement davantage aux libertés. En effet, la logique
de prévention des attentats terroristes a pour effet d’agir en
amont en réprimant l’intention terroriste, ce qui risque de porter
atteinte aux droits fondamentaux. “Etat d’urgence, lois d’exceptions et atteintes
aux libertés”,
https://www.youtube.com/watch?v=7vpQ1z2bgsw
“La loi de 1955 s’appliquait à toute personne «
dont l’activité s’avère dangereuse », elle s’applique désormais à
toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons
sérieuses de penser que son comportement constitue une menace ». La
formulation est beaucoup plus large et floue car les « raisons
sérieuses » ne sont pas spécifiées. En passant de « l’activité » au
« comportement » et à la « présomption », la nouvelle loi abandonne
la matérialité des faits pour se rapprocher d’un délit
d’intention.”
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/21/etat-d-urgence-ou-changement-de-regime_4836088_3232.html#m5uq0BOY5k7Kb4zD.99
Les mesures portant atteinte aux libertés mises en place pour
renforcer la sécurité des populations ont ainsi tantôt été saluées,
tantôt critiquées. Si certaines estiment en effet qu’elles ont des
effets positifs, à l’instar des caméras de surveillance
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/03/23/01016-20090323ARTFIG00238-la-videosurveillance-fait-chuter-la-delinquance-de-rue-.php
, d’autres s’insurgent contre des mesures qui n’amélioreraient pas
la sécurité.
Ainsi, pour certains, la restriction des libertés et la
surveillance de masse n’ont pas réellement d’effets sur les
terroristes, qui utilisent par exemple d’autres moyens que le
téléphone portable, dont il connaissent la tracabilité.
Jérémie Zimmermann
http://www.dailymotion.com/video/x2fwbl7_j-zimmermann-1-audition-internet-et-terrorisme-djihadiste-senat-28-01-15_news?start=684
De même le stockage des données personnelles des passagers
aériens en Europe (PNR) aurait une efficacité limitée.
http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/12/11/le-pnr-un-dispositif-a-l-efficacite-limitee-selon-les-experts_4829617_3214.html
Ainsi, si les mesures mises en place ont permis de déjouer
plusieurs attentats en France
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20151222.OBS1817/attentat-dejoue-a-orleans-ce-que-l-on-sait.html
, donner davantage de pouvoir à la police ne permettrait pas
nécessairement d’éviter les actes terroristes, car “L’hystérie
sécuritaire ne protège pas”. “il est impossible de garantir la
sécurité totale, et surtout pas en prenant des mesures d’exception
attentatoires à la démocratie et aux libertés publiques.”
http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/08/jean-pierre-dubois-lhysterie-securitaire-protege-256974
Quels garde-fous ?
Au moment de l’état d’urgence, la protection contre les
atteintes au libre exercice des libertés semble difficile. Le
contrôle s’effectue en effet au regard de circonstances
exceptionnelles, qui justifient parfois les atteintes aux libertés.
Ainsi, “Maintenu en théorie, le contrôle devient inopérant en
pratique.”
http://www.revue-projet.com/articles/2006-2-l-etat-d-urgence-un-etat-vide-de-droit-s/
Pourtant, il existe des moyens de contester les mesures
susceptibles de porter atteinte aux libertés fondamentales.
C’est le cas du référé-liberté : en cas de
mesure portant atteinte à la liberté d’une personne, le juge
administratif peut protéger les libertés fondamentales.
http://www.lemondepolitique.fr/cours/droit-des-libertes-fondamentales/protection-des-libertes/protection-juridictionnelle-interne/juge-administratif
Et au-delà des garanties apportées par le juge judiciaire,
protecteur des libertés fondamentales, le juge constitutionnel peut
se prononcer quant à la conformité d’une loi par rapport à la
Constitution.
Ainsi, le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative,
a examiné leurs recours contre l’assignation à résidence et validé
ces mesures de privation de liberté tout en demandant au Conseil
constitutionnel d’examiner le régime des assignations.
http://www.liberation.fr/france/2015/12/11/le-conseil-d-etat-valide-les-assignations-a-residence-de-sept-ecologistes_1420198
Fin 2015, le Conseil constitutionnel validait
finalement les assignations à résidence.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/12/17/le-conseil-constitutionnel-examine-les-assignations-a-residence_4834254_3224.html