Alors que les musulmans de la Séléka s’étaient imposés en
Centrafrique, pays composé pour 80 % de chrétiens, le mouvement
s’est inversé. En proie à un massacre ethnique orchestré par les
chrétiens, les musulmans sont contraints à l’exode. Certains
observateurs ont dénoncé une « purification ethnique ».
Aux origines d’une instabilité chronique
Par effet de contamination, les crises qui ont secoué le Tchad
et le Soudan se sont en partie diffusées en Centrafrique, qui s’est
enlisé dans l’instabilité à la fois sociale et politique.
La République centrafricaine
Pays un peu plus grand que la France, situé au milieu du
continent africain, la Centrafrique a longtemps été une colonie
française. De fait donc, les deux langues officielles sont le sango
et le français.
Les habitants y sont majoritairement chrétiens, mais il existe
une minorité de musulmans, essentiellement au nord.
Malgré une situation économique et sociale difficile, le pays
bénéficie d’importantes réserves de pétrole, d’or et de diamants.
Depuis des décennies, les mines de diamant attirent en effet mafias
et groupes rebelles.
Un groupe rebelle constitué en 2012, la Séléka, s’oppose alors
au président François Bozizé, à qui ils reprochent de ne pas avoir
tenu les engagements découlant d’accords de paix signés en
2007.
Le groupe armé de rebelles, réunis au sein de la Séléka, ont
noué des liens avec des personnes entrées en rébellions au Darfour
ou au Tchad. Ce rapprochement avec des pays où la population est
majoritairement musulmane a contribué à modifier les enjeux du
conflit. La coalition des Séléka a néanmoins été officiellement
dissoute en septembre 2013.
Et alors que la Séléka œuvre pour la chute de Bozizé, ce dernier
finit par fuir le pays en mars 2013, avant que Bangui ne s’embrase
réellement. La République centrafricaine, très fragilisée, est
alors rongée par la corruption, et incapable d’empêcher la conquête
de la moitié du pays en quelques semaines par la Séléka.
Cet éclatement de l’autorité politique aura d’importantes
conséquences : le pays devient rapidement un sanctuaire de violence
pour les trafiquants voisins (Soudan, Tchad…) et les rebelles. De
plus, la situation politique ne s’améliore pas: après le départ de
Bozizé, Michel Djotodia devient le président de transition ; mais
rapidement contesté, il finit par quitter le pouvoir en janvier
2014. Alexandre-Ferdinand Nguendet prenait alors les commandes du
pouvoir avant que Catherine Samba Panza ne soit élue à la tête de
l’Etat le 20 janvier 2014.
Dans ce contexte marqué par l’instabilité et la violence, le
conflit s’est complexifié et nombreux sont ceux qui évoquent alors
les risques d’enlisement vers un conflit interreligieux bien que
les différentes communautés centrafricaines aient jusqu’à présent
vécu en paix avant que la Séléka ne s’infiltre.
Ces craintes se révéleront finalement exactes : opposés à la
Séléka, des milices populaires d’autodéfense chrétienne mêlées à
d’anciens militaires des Forces armées centrafricaines (opposition
dite anti-Balaka) favorables à l’ancien président Bozizé attisent
la haine en menant des exactions contre les populations musulmanes.
Ainsi, progressivement, des groupes chrétiens s’en prennent aux
musulmans, contraints à l’exil. Ces milices, essentiellement
chrétiennes, se fixent alors pour objectif d’éradiquer les
musulmans du pays pour se venger des sévices infligés par
l’ancienne rébellion Séléka lorsqu’elle était au pouvoir (entre
mars 2013 et janvier 2014).
Toutefois, tous les anti-Balakas ne sont pas chrétiens, de même
que tous les ex-Séléka ne sont pas musulmans.
Pourquoi la France est-elle intervenue ?
En 2013, alors que la Séléka gagnait du terrain, la France
débutait son intervention en Centrafrique, action alors estimée
courte et peu couteuse. Le pays, qui disposait déjà sur place d’un
contingent d’environ 400 hommes depuis 2002, est soutenu par les
contingents africains de la Misca, l’armée africaine. Le but est
alors de rétablir la sécurité et la stabilité de la région tout en
apportant une aide humanitaire à la population. Pour cela, la
France envoyait plus d’un millier de soldats, aidés par environ
4000 soldats africains.
Un tiers de la population centrafricaine aurait besoin d’aide en
urgence : la situation sanitaire laisse craindre une survenance
d’épidémies qui risquerait d’aggraver encore la situation du pays.
L’intervention française « Sangaris » a donc des visées
humanitaires et sécuritaires. Mais aussi stratégique : la région ne
doit pas s’enliser dans la violence et le chaos car elle pourrait
déstabiliser les territoires voisins, et notamment le Soudan ou le
Tchad.
Mais alors que le conflit prenait un nouveau tournant, le
contingent français s’est heurté à l’émergence de ce qui allait
devenir une probable épuration ethnique dont sont victimes les
communautés musulmanes. Ainsi, en cherchant à stopper les violences
des ex-rebelles de la Séléka qui s’étaient emparés du pouvoir en
mars 2013, « Sangaris » a renversé la situation en inversant le
rapport de force.
Quelle aide pour le pays ?
En janvier 2014, l’Union européenne décidait d’envoyer des
soldats en Centrafrique dans le cadre de la mission « Eufor-RCA ».
La décision prise à l’unanimité par les Vingt-Huit dans le cadre de
la politique de sécurité et de défense commune devait permettre
d’apporter un soutien logistique et humain aux militaires français.
L’engagement doit rester relativement court (4 à 6 mois), le temps
que la Misca déploie 6000 soldats.
Début 2014, l’Union africaine s’est ainsi dite prête à soutenir
l’envoi de casques bleus en République centrafricaine. Cela
impliquait la transformation de la Misca en opération de maintien
de la paix.
L’Union africaine est également l’une des organisations
susceptible d’apaiser le conflit. En vertu de sa Constitution, elle
peut en effet directement intervenir dans un Etat membre « dans
certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le
génocide et les crimes contre l’humanité ». Bien que nombreux sont
ceux qui auraient préféré une solution africaine au conflit,
l’Union africaine n’a en effet pas les moyens d’agir seule.
Alors que la Centrafrique réclamait l’aide de l’ONU, le Conseil
de sécurité a voté mi-avril 2014 une opération de maintien de la
paix et décidé du déploiement de 12 000 casques bleus. Cette
mission donne donc naissance à la Minusca (Mission
multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en
RCA). Les objectifs étaient d’assurer la protection des civils et
de désarmer les combattants. A terme, la mission devrait aider à la
reconstruction de l’Etat.
Pourtant considéré comme un acteur essentiel dans la gestion de
la crise centrafricaine, le Tchad avait de son côté annoncé son
retrait de la force africaine en RCA (Misca) début avril. Ce
retrait a été mal vécu par les forces africaines et françaises de «
Sangaris », qui demandaient des renforts.
Quel avenir en Centrafrique ?
Hausse de la criminalité, intensification de la haine entre
communautés… Les ONG s’inquiètent du sort de la Centrafrique. Alors
que les massacres perdurent, une grande partie des musulmans a fui
au Tchad, au Cameroun ou en République démocratique du Congo. Cette
fuite s’accompagne de pertes économiques, nombre d’entre eux
étaient commerçants ou éleveurs.
De plus, les musulmans du PK5, quartier musulman de Bangui,
critiquent les forces françaises de l’opération « Sangaris »,
qu’ils accusent de jouer le jeu des anti-balaka. Dans ce contexte
anti-Français, ils dénoncent également le comportement des
autorités centrafricaines, accusées d’avoir des liens avec les
milices anti-balaka, mais aussi de ne pas s’impliquer suffisamment
dans la restauration de la paix.
Fin 2014, la France a donc décidé de réduire la force française
"Sangaris" présente en Centrafrique tout en tentant de mettre en
oeuvre le processus politique du pays.
Au-delà d’une radicalisation religieuse, la République
centrafricaine craint désormais également une infiltration de la
secte nigériane Boko Haram.