Quelles sont les origines du conflit ?
Le conflit qui sévit en Irak et en Syrie est né de l’avancée
d’un groupe islamiste radical, l’Etat islamique. Ce mouvement, né
de l’intervention antiaméricain en Irak en 2003, a rassemblé autour
de lui un nombre croissant de combattants qui lui ont permis
d’étendre son terrain d’influence.
En 2003, l’intervention américaine en Irak écartait les
sunnites, qui détenaient le pouvoir sous Saddam Hussein.
Marginalisés et victimes de violence, les sunnites se sont alors
élevés contre le nouveau régime chiite.
Son fondateur, Abou Bakr Al-Baghadi, est considéré comme le
nouveau Ben Laden ; arrivé en Irak en 2003, il avait dès lors fondé
Al-Qaida en Mésopotamie, luttant contre l’occupant américain. De
nombreux combattants étrangers rejoignaient alors ses troupes. Le
mouvement devient l’Etat islamique en Irak avant d’être marginalisé
et de se replier finalement en Syrie en 2011. Il devient alors
l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Le groupement entendait créer un Etat islamique à cheval sur le
Liban, la Syrie et l’Irak : le Da’ich. Pour cela, il s’est étendu à
différents territoires. Le mouvement a cependant été rejeté en
Syrie par les djihadistes syriens du Front Al-Nosra. L’EIIL a alors
décidé de revenir en Irak, notamment grâce aux alliances qu’il noue
avec des tribus sunnites locales. Et en 2014, le mouvement prenait
le contrôle de grandes villes irakiennes (Fallouja, Mossoul).
Fort de cette avancée fulgurante, le mouvement se rebaptise Etat
islamique en juin 2014 et instaure un Califat sur les territoires
qu’il contrôle, demandant à tous les musulmans de lui obéir.
L’instauration d’un régime politique islamique disparu il a près
d’un siècle semblait alors annoncer l’émergence d’une nouvelle
forme de djihadiste transnational, et porter un coup au leadership
d’Al-Qaida.
Fin 2014, l’Etat islamique a conquis la ville de Derna, en
Libye, constituant la première enclave du califat.
Quelles conséquences ?
-
Les Kurdes (15 à 20 % de la population irakienne) possèdent déjà
un territoire autonome, le Kurdistan irakien, et l’affaiblissement
du pouvoir central pourraient leur permettre d’accélérer leur
sécession, tout comme les Kurdes de Syrie. Ces mouvements
pourraient avoir pour effet de supprimer les frontières coloniales
tracées par les accords Sykes-Picot en 1916, lors du démantèlement
de l’Empire ottoman.
Durant l’été 2014, le président de la région
autonome du Kurdistan irakien avait en effet évoqué l’idée d’un
référendum sur la partition du pays, qui conduirait à
l’indépendance des Kurdes.
- La Syrie et l’Irak pourraient se voir amputés d’une partie de
leurs provinces pétrolières. Le mouvement djihadiste a en effet
mené des attaques stratégiques en ciblant le secteur pétrolier
(principale raffinerie d’Irak, à Baïji). En réponse à l’avancée de
l’EIIL, les Kurdes avaient pris le contrôle de Kirkouk, ville
pétrolière. En 2011, cette base stratégique qui repose sur
d’immenses gisements était encore occupée par des soldats
américains, avant d’être rendue à l’armée irakienne.
L’Irak est en effet devenu le 2e producteur
mondial au sein de l’OPEP, derrière l’Arabie saoudite, et ses
ventes de brut représentent plus de 75 % de son PIB. Cependant, les
attaques djihadistes n’affectent pas la production et l’exportation
de pétrole brut irakien, l’offensive de l’EIIL n’affectant pas
certaines zones d’activités stratégiques ; néanmoins, le prix du
baril pourrait continuer à augmenter.
-
La constitution d’une opposition chiite a laissé craindre un
renouveau des conflits confessionnels entre chiites et
sunnites.
Le mouvement a en effet alimenté la haine entre sunnites et
chiites : les sunnites soutiennent l’EIIL tandis que les chiites
s’appuient sur des milices pour contrer l’avancée djihadiste.
L’Irak est ainsi entré dans sa 4e guerre en
trente ans : guerre contre l’Iran -1980-1988), guerre contre la
coalition internationale (1991), guerre contre les Etats-Unis et le
Royaume-Uni (2003). Ce nouveau conflit interroge quant à la
responsabilité des Occidentaux dans les interventions militaires,
l’Irak en étant l’un des symboles.
Quels moyens ?
Le mouvement islamique s’est progressivement agrandi, bien qu’il
compte moins de combattants que l’armée irakienne. Pour conserver
son influence, l’EI s’est donc appuyé sur la population, devenue
bouclier humain.
L’EIIL rassemble différentes catégories de
combattants : anciens officiers baasistes de l’armée de Saddam
Hussein, groupes proches de Frères musulmans (Front islamique pour
la résistance irakienne…), groupuscules armés sunnites d’influence
locale (de tendance baasiste ou islamiste) et chefs de tribus
(issus de Conseils militaires révolutionnaires).
L’EIIL bénéficie cependant de meilleurs moyens techniques et
financiers qu’Al-Qaida, ce qui explique qu’aucun mouvement
islamiste de ce type n’était auparavant parvenu à contrôler un
territoire aussi étendu.
L’EI fonctionne selon un modèle en réseau :
les combattants sont endoctrinés et formés militairement, chacun
était responsabilisé, contrairement à Al-Qaida, qui repose sur un
modèle pyramidal.
Parmi les moyens techniques utilisés, les réseaux sociaux. En
diffusant des photos prouvant leurs exactions, les djihadistes se
livrent à une guerre de l’image qui leur permet de mieux enrôler
une population déjà entre leurs mains. L’EI avaient en effet
instauré une bureaucratie et assuré la mise en œuvre de politiques
sociales (en collectant l’aumône pour la redistribuer aux
populations défavorisées) pour s’attirer la faveur des
populations.
Le groupe djihadiste avait également fait
connaître les règles qui s’appliquaient à Mossoul depuis sa
conquête, et notamment les règles relatives au tabac, à l’alcool ou
aux cinq prières quotidiennes.
Mais l’EI s’exprime aussi violemment, en appelant régulièrement
au meurtre, notamment de citoyens français et américains. Les
enlèvements et les prises d’otage se sont multipliées pour exiger
l’arrêt des frappes militaires.
Quelles actions ?
Face à la force du mouvement, le gouvernement irakien est
incapable de se défendre seul. Il est donc soutenu par de nombreux
Etats.
Le gouvernement iranien avait annoncé son intention de lutter
contre la violence des djihadistes sunnites et leur radicalisme
religieux.
Cette prise de position donne l’occasion à
l’Iran de revenir sur la scène diplomatique, mais réveille aussi le
traumatisme de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Les Iraniens
craignent le retour d’une domination sunnite sur Bagdad, et
l’invasion de djihadistes sunnites en Iran. Les mesures de sécurité
ont donc été renforcées à la frontière avec l’Irak.
La Russie et les Etats-Unis ont également apporté leur soutien
aux autorités de Bagdad en lutte contre les djihadistes de
l’EI.
Ce conflit a permis à l’Iran et à la Russie de
renforcer leur influence et leur présence en Irak, mettant à mal
l’influence américaine dans la région. Les Etats-Unis refusent en
effet toute intervention en la soumettant à la formation d’un
gouvernement d’union nationale en Irak.
Deux ans et demi après leur départ du pays, les Etats-Unis ont
décidé d’envoyer des forces militaires en Irak fin juin 2014. Des
drones armés de missiles ont alors été envoyés au-dessus de Bagdad
et de ses environs et les frappes ont commencé durant l’été.Leur
but est d’affaiblir l’organisation sans avoir l’air de servir les
intérêts de l’Iran et du régime syrien.
En septembre 2014, un projet de coalition internationale se
mettait en place, et obtenait le soutient de l’ONU. Les Etats-Unis
s’alliaient ainsi à plusieurs pays arabes, et notamment à l’Arabie
saoudite, au Qatar et à l’Egypte. Les Occidentaux ont cependant
refusé toute alliance avec le régime syrien. De son côté, malgré
ses réticences, la Turquie a décidé de soutenir la coalition,
l’avancée djihadisme constituant une menace pour la sécurité du
pays.
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