De la société du risque à la société
surveillée
La peur du danger
L’absence de menace imminente et la guerre
lontaine ont longtemps laissé croire à une société sans
violence.
Les sociétés occidentales ont
évolué vers un refoulement de la violence, déjà amorcé par la
monopolisation de la violence par l’Etat moderne. Les individus
n’ont plus le droit de recourir à la violence et intériorisent les
règles de civilité, la pudeur, la politesse, etc. En intériorisant
ces règles sociales, ces dernières deviennent des autocontraintes.
Cela entraîne le passage du monopole de la violence à la maîtrise
de soi. Parallèlement, le refoulement de la violence est
contrebalancée par des transpositions de la violence (compétitions
sportives par exemple) “Norbert
Elias, La pacification des moeurs”Les Grands Dossiers des Sciences
Humaine n°30, mars-avril-mai 2013. .
En effet, sous le développement du travail
salarié, des nouvelles technologies ou encore de la précarité, la
société contemporaine a progesivement été placée sous le signe du
risque “Ulrich eck et la théorie du
risque”,
http://www.ffsa.fr/webffsa/risques.nsf/b724c3eb326a8defc12572290050915b/84dd4090d2263ce0c12573ec0042ec82/$FILE/Risques_50_0025.htm
.
Le risque serait partout, et pour y faire face,
les citoyens chercheraient de plus à en plus à assurer leur
sécurité. Ainsi les gens se soumetteraient à de nombreuses “normes
de précaution” les maintenant dans un cocon rassurant : protection
juridiaires, assurances civiles, etc. “Jamais la servitude n’aura
été si volontaire”. C’est le règne du “risque zéro”, qui cotoie
pourtant une multiplication des pratiques aventureuses, des sports
dangereux, les individus ayant besoin de repousser leurs limites
physiques et mentales en se mettant en danger “Les risques de l’hypersécurité”, Marianne, 27
février 2015. .
Eliminer le risque est donc devenu un enjeu
primordial dans une société qui voit certains de ses citoyens
devenir l’auteur de menaces terroristes. Chaque citoyen devient
ainsi une menace que les Etats, en s’alliant à d’autres Etats
contre les citoyens, tentent de limiter ces dangers “venant de
leurs propres tréfonds”. Avec la mondialisation, il existe en effet
des menaces transnationales: “en tout voisin se cache peut-être un
assasin” Pouvoir et contre-pouvoir à
l’ère de la mondialisation, Ulrich Beck, Flammarion, Alto/Aubier
2003,
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_2004_num_55_1_1637
.
Outre le terrorisme, on évoque généralement
différents sortes de « risques » dont la liste s’est
progressivement allongée : racket, mendicité, prostitution, errance
de sans-logis ou de sans-papiers, regroupements intempestifs,
incivilités, etc.
Cela a donné lieu à des aménagements urbains :
bornes anti-”voitures-bêliers”, semi-privatisation des arties
communes extérieures des résidences, bancs anti-clochards...
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=80
Le sentiment d’insécurité croissant, le
développement de la délinquance, l’embrasement des banlieues puis
les actes terroristes ont progressivement amené les pouvoirs
publics à répondre par des politiques sécuritaires. On a ainsi
assisté à des décennies de surenchère sécuritaire.
Dès 2002, Jacques Chirac, estimant que “plus
personne ne se sent à l’abri en France”, proposait la création d’un
grand ministère de la Sécurité”. http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20020219.OBS3309/elysee-2002-chirac-surfe-sur-la-peur.html
La biopolitique de Foucault
La biopolitique, c’est “ la maîtrise des populations et
de l’homme en tant qu’espèce” ; elle “prend l’homme-espèce comme
objet à contrôler et à maîtriser”. Cadre de la biopolitique, le
libéralisme implique une intervention très limitée de l’Etat, qui
laisse sa place à une raison marchande oppressante. Le gouvernement
libéral ne serait donc pas neutre ; au contraire, il manipule,
tente de prduire une “stimulus du danger” généralisé, une politique
pour “vivre dangereusement.
Pour pallier au danger omniprésent, le libéralisme est
« gestionnaire des dangers et des mécanismes de sécurité/liberté,
du jeu sécurité/liberté qui doit assurer que les individus ou la
collectivité seront le moins possible exposés aux dangers ». AInsi,
“L’hygiène, la maladie, la dégénérescence, la sexualité, la
littérature policière, un ensemble de secteurs de la vie est
soudain strié par une double logique danger/sécurité que le
gouvernement libéral s’efforce de maintenir sous tension.”
Jérôme Lamy, « Les sources libérales
de la biopolitique », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique
[En ligne, 123 | 2014, mis en ligne le 19 mai 2014. URL :
http://chrhc.revues.org/3509 ]
Aussi, en se banalisant, le discours sécuritaire a
parfois pu exagérer une réalité pour conduire à stigmatiser
certaines franges de la population http://corinneleveleuxteixeira.fr/2011/01/comprendre-le-discours-securitaire/
.
En effet, certains ont pu évoquer le déterminisme
ethnique, qui risque de conduire à un double déni : celui de voir
dans la délinquance l’expression de la relégation sociale et celui
de ne pas voir la “coresponsabilité policière dans les tensions
sociales et le déclenchement des émeutes” Nicolas Bourgoin, La République contre les
libertés - Le virage autoritaire de la gauche libérale (1995-2014),
Editions L’Harmattan, 2015, p. 64. .
Les 5 critères de la politique
sécuritaire (selon Laurent Mucchielli) :
- déshumanisation (nier les déterminismes sociaux pour
préférer des causes ethniques, génétiques ou encore culturelles
- désocialisation (concentration de l’attention sur les
populations peu socialisées: sans abris, etc.)
- dramatisation (aggraver la réalité dans les
médias)
- criminalisation (augmentation de l’arsenal juridique,
renforcement du pouvoir policier)
- disciplinarisation (menace de sanctions)
La politique sécuritaire qui s’est développée en France
a créé une nouvelle culture du contrôle issue des Etats-Unis et qui
accroit la surveillance des populations Laurent Mucchielli, La frénésie sécuritaire.
Retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Sur le vif, Editions
La découverte, Paris, 2008. .
De la peur à l’action
La frénésie sécuritaire s’est traduite par une
“frénésie législative”, qui loin de rechercher l’efficacité des
mesures mises en place, avait davantage une valeur politique. La
droite recourait à la thématique sécuritaire dans les années 1970
avant d’être doublée par le Front National, puis rattrapée par la
gauche dans les années 1990 http://corinneleveleuxteixeira.fr/2011/01/comprendre-le-discours-securitaire/
.
A partir du milieu des années 1990, un “discours
sécuritaire et alarmiste” médiatise les problèmes des banlieues. On
utilise alors des “signes extérieurs de scientificité (réthorique
savante et outils statistiques comme l’échelle des violences
urbaines)” qui renforçent leur légitimité. Ainsi, le discours
sécuritaire a progressivement eu raison des clivages partisans et
permis la mise en place de politiques sécuritaires à la fin du 20e
siècle. Il a également eu des conséquences sur le secteur privé :
“de 1998 à 2010, le chiffre d’affaires du secteur de la sécurité
privé a progressé de 5,5% par an en volume, contre 3,4% pour
l’ensemble des services marchands” Nicolas Bourgoin, La République contre les
libertés - Le virage autoritaire de la gauche libérale (1995-2014),
Editions L’Harmattan, 2015. .
Les mesures sécuritaires ont alors commencé à
toucher tous les secteurs de la vie.
Mesures sécuritaires
Dès la fin du 20e siècle, différentes mesures ont été
prises dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, mesures
renforcées au fil des ans selon les circonstances : lois Pasqua de
1995, LOPSI en 2002, LOPPSI 2 en 2011, etc. De la création d’un
“droit à la sécurité” à la lutte contre le terrorisme après le 11
septembre 2001, en passant par lutte contre les violences urbaines
et l’insécurité routière, les loi sécuritaires se sont multipliées
http://owni.fr/2011/01/19/lois-securitaires-42-vla-les-flics/
.
Ainsi, en 2001, la politique sécuritaire était
renforcée dans de nombreux domaines avec l’adoption de la Loi sur
la Sécuité Quotidienne. Parmi les mesures, elle prévoyait notamment
l’élargissement des inscriptions dans le fichiers des empreintes
génétiques, la facilitation des témoignages anonymes ou encore
l’obligation d’immatriculer les véhicules à moteur à deux roues de
petite cylindrée.
Puis Internet a fait l’objet d’une étroite surveillance
par les services de renseignement grâce aux nombreuses lois
adoptées dès les années 2000 : les fournisseurs de services sur
Internet ont d’abord été contraints de conserver pendant un an les
traces d’achat, les commentaires laissés par les internautes, etc.
Toutes les données de connexion doivent ainsi être mis à la
disposition de la police, de l’URSSAF, des douanes ou encore de
l’administration fiscale. De plus, les enquêteurs peuvent
s’introduire dans le dominicile d’une personne à son insu et si
besoin, de nuit, pour installer un “mouchard” sur son ordinateur et
ainsi d’enregistrer les frappes au clavier et effectuer des
captures d’écran (Loi du 14 mars 2011).
Ces mesures ont été renforcées après les attentats
terroristes que la France a connu, notamment grâce à la loi de
programmation militaire en 2014 puis à la loi de renseignement de
2015, après les attentats contre Charlie Hebdo.
Aussi, un fichier d’identité biométrique portant sur la
quasi-totalité de la population française a été créé. Cependant,
certains ont mis en avant le fait que les pouvoirs publics ont
brandi la menace de l’usurpations d’identité, allant jusqu’à
gonfler les chiffres, pour faire accepter le fichier d’identité
biométrique. En réalité, il s’agissait avant tout de favoriser les
industriels du secteur regroupés au sein du groupement
professionnel des indusries de composants et de systèmes
électroniques (Gixel). Ce Gixel avait d’ailleurs proposé en 2004 de
“faire accepter la biométrie” en éduquant les enfants “dès l’école
manternelle” Jean-Marc Manach, “We
are the (digital) champions”, Manière de voir, n°133, février-mars
2014. .
L’Etat a également décidé, dans le cadre de la lutte
antiterroriste, de limiter les paiements en espèces à 1000 euros
(une pièce d’identité doit être présentée pour toute opération de
change supérieue à 1000 euros) http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/03/18/terrorisme-le-gouvernement-s-attaque-aux-paiements-en-liquide_4595828_3224.html
.
Un Etat de contrôle ?
Tous délinquants ?
En étendant à l’ensemble des
citoyens les techniques d’identification et de surveillance
autrefois réservées aux délinquants, les différences entre le
public et le privé se sont diluées.
En induisant une confusion entre
le registre légal, la jsutice, et le registre extralégal, la
discipline, les sociétés “disciplinaires” parviennent “à rendre
naturel et légitime le pouvoir de punir, à abaisser du moins le
seuil de tolérance à la pénalité” Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard,
Paris, 1975, p. 354-355. .
Les vigiles sont désormais
partout : parkings, magasins, gares, universités, musées,
bibliothèques municipales… Peu à peu, chacun s’habitue à leur
présence autant qu’à celle des nombreuses caméra de surveillance
qui se sont généralisées les grandes villes. De la même façon,
l’usage des empreintes digitales, autrefois circonscrit au secteur
de la justice, s’est largement répandu.
Une frontière floue distingue
ainsi la surveillance militaire de la surveillance civile : les
entreprises de sécurité dispatchent leur personnel indifféremment
entre la surveillance de locaux, le métier de garde du corps ou
celui d’officier de sécurité des armées officielles.
Désormais, la formule “pour raisons de sécurité”
aurait autorité patout et constituerait “ une technique de
gouvernement normale et permanente”. Chaque citoyen est identifié
par des critères biologiques (ADN), une méthode autrefois réservée
aux criminels, et potentiellement dangereux Giorgio Agamben, “Comment l’obsession
sécuritaire fait muter la démocratie”, Manière de voir, janvier
2014. .
En généralisant ces pratiques,
l’Etat a progressivement créé une relation nouvelle entre le
pouvoir et les gouvernés, relations de plus en plus assymétrique :
tout citoyen est désormais considéré comme un délinquant potentiel,
rendant nécessaire son fichage et son contrôle. Le but est donc de
contrôler, plus que de discipliner le citoyen ; nous ne serions
donc pas dans un Etat de discipline, mais dans un « Etat de
contrôle » pour reprendre la formule de Gilles Deleuze. En effet,
la discipline exigerait une participation de l’individu, qui
devrait s’auto-contraindre ; or désormais, l’individu n’est qu’une
mine d’informations que l’on relève à son insu, sans aucune
participation de sa part.
Tous fichés ?
De nombreux fichiers de police ont été créés
depuis la fin du 20e siècle (Cristina(centralisation du
renseignement intér pour la sécurité du territoire et les intérets
nationaux), Edvirsp, Gevi, Gesterext (gestion du terrorisme et des
extrémismes violents”, Fnad (fichier des non-admis), Eloi,
Visabio... La terrorisation
démocratique, Claude Guillon, Libertalia, 2009.
De plus, de nombreux Etats utilisent différentes
technologies permettant une meilleure connaissance de leur
population.
Biométrie, empreintes génétiques,
prélèvement d’ADN
Les passeports biométriques ont permis aux Etats
d’obtenir les empreintes de huit doigts et d’intégrer “le visage
numérisé formaté pour intégrer les systèmes de reconnaissance
faciale”. Les empreintes génétiques constituent également des
données importantes pour les Etats. Ainsi, le FNAEG, fichier des
empreintes génétiques destiné à la conservation des empreintes des
condamnés, le FNAEG “est devenu un outil recensant toute
manifestation de dissidence, de contestation et de désobéissance
civile. “ De même, l’utilisation de la comparaison d’adn, notamment
considérée comme un moyen de faciliter le regroupement familial des
immigrés a été vantée comme une nécessité. Or pour certains,
l’enjeu est moins de limiter l’immigration que de familiariser la
société avec ce nouveau mode de fichage, en commençant par les gens
“différents”. http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=80
.
Les données du passeport sont ensuite conservées par le
ministère de l’Intérieur pendant quinze ans dans une base de
données centralisée http://www.cnil.fr/documentation/fiches-pratiques/fiche/article/le-passeport-biometrique-en-pratique/
.
De la même façon, certains ont mis en avant ce qu’ils
considèrent comme une forme de formatage au biométrique dès le plus
jeunes âge. Progressivement, les esprits adhèrent à ces nouvelles
technologies, ce qui accompagne l’avancée des mesures de sécurité
qui les utilisent. En anticipant ainsi les craintes, les avantages
de ces technologies sont mis en avant “Vigipirate, un état d’exception permanent”, Du
grain à moudre, France Culture, 23 février 2015. .
Mais la société toute entière s’habitue aux nouvelles
technologies, utiles pour assurer le confort de chacun autant que
sa sécurité et celle de ses proches. Cette tendance est accentuée
par les discours politiques qui insistent depuis
longtemps sur la dimension de confort afin de mieux faire légitimer
et accepter les technologies d’identification par les opinions
publiques Piazza P.,
«Septembre 1921 : la première «carte d’identité des Français» et
ses enjeux», Genèses, n°54, 2004, référence citée dans “Technologie
et sécurité”, Aye Ceyhan, Cultures & Conflits n°64 - hiver
2006 .
Tous surveillés ?
Le sentiment d’insécurité permanente s’est
accentué avec le plan Vigipirate, devenu un état d’exception
permanent “Vigipirate, un état
d’exception permanent”, Du grain à moudre, France Culture, 23
février 2015. .
Puis la présence des militaires
à Paris, exception après les attentats contre Charlie Hebdo, est
devenue quasi normale, bien que le plan Vigipirate ait été conçu
comme une réponse exceptionnelle à des menaces temporaires
http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/04/01/a-paris-les-militaires-sont-ils-devenus-des-voisins-comme-les-autres_4606977_3224.html
.
Dans cet état de tension permanent, la présence
des soldats dans la capitale est devenue la norme, faisant d’eux
des voisins à l’égard desquels il faut être reconnaissant
http://www.voisinssolidaires.fr/actualites-voisins/evenements-de-lassociation-vigipirate-des-gestes-de-voisinages-pour-nos-soldats-0
.
“Une société sécuritaire, c’est
une société dans laquelle la répression pénale est utilisée comme
moyen unique de résoudre les problèmes sociaux, éducatifs,
sanitaires, ou plutôt d’éviter qu’ils ne soient posés.”
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=80
Au-delà de ces dispositifs de surveillance,
plusieurs catégories de population sont relativement “surveillées”
: chômeurs, élèves, patients, etc.
Les élèves sont surveillés en
permanence : dans certains lycées, caméras de surveillance et
enregistrement des absenses sont de rigueur. Les parents peuvent
recevoir des sms chargés de leur signaler le retard de leur enfant
à l’école, ou encore savoir combien de fois il a déjeuné à l’école
grâce à la validation de sa carte repas Cécile Marin, “Au lycée, vigilance ou paranoïa
?”, Manière de voir, février 2014. .
Aussi, les allées et venues des enfants sont contrôlés
par leurs parents inquiets grâce au GPS http://techno.lapresse.ca/nouvelles/200707/04/01-10659-un-pas-vers-une-societe-orwellienne.php
.
Les chômeurs aussi sont surveillés, Pôle emploi ayant
progressivement renforcé son contrôle pour lutter contre la fraude.
Grâce à l’interconnexion des données, l’agence sait avec certitude
si la personne a retrouvé un emploi et ne se fie plus aux
déclarations verbales de l’intéressé. Elle envisageait également
mettre en plaace des processus de détection automatique des profils
de chômeurs les plus susceptibles de frauder. Et cela pourait être
complété par un pistage des internautes via leur adresse IP
“Pôle emploi renforce le contrôle de
chômeurs”, Le Monde, 28 janvier 2014. .
De leur côté, les patients voient leur dossier médical
partagé rassembler leurs données médicales Jean-Marc Manach, “We are the (digital)
champions”, Manière de voir, 2014. .
Tous acteurs de la sécurité ?
Une part croissante de la population a un besoin,
un désir de sécurité. Le contrôle n’est plus imposé, c’est même une
demande sociale qui s’est étendu à toutes les strates de la
société, qui s’est habituée aux pratiques
sécuritaires comme dans les aéroports ou les musées.
Ainsi, chacun accepte que l’Etat puisse le
soupçonner, le ficher et le contrôler. Beaucoup accueillent
favorablement la vidéosurveillance ou encore les contrôles à
l’entrée de certains lieux, considérant que cela leur apporte une
certaine sécurité http://www.franceculture.fr/2014-06-13-la-societe-de-surveillance-de-foucault
.
Cette tendance permet à chaque citoyen de venir
acteur de sa propre sécurité comme de la sécurité globale.
Déjà le gouvernement français, à travers le plan
Vigipirate, s’était donné pour objetif de “développer et maintenir
une culture de vigilance de l’ensemble des acteurs de la Nation”
http://www.risques.gouv.fr/menaces-terroristes/le-plan-vigipirate
.
Accompagnant ce glissement vers
plus de sécurité, la loi LOPPSI 2 de 2011 remplaçait le terme de
“vidéosurveillance” par “vidéoprotection”, laissant davantage
penser que les mesures sécuritaires ne sont pas mises en place pour
surveiller le citoyen mais bien pour assurer sa protection
https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_14_mars_2011_d%27orientation_et_de_programmation_pour_la_performance_de_la_s%C3%A9curit%C3%A9_int%C3%A9rieure#Critiques
.
Devenir acteur de sa sécurité se concrétise
notamment un meilleur contrôle de tous par tous, exercé par
différents projets.
Ainsi, à la Nouvelle Orléans aux Etats-Unis, le
projet Nola permet à chaque citoyen d’être acteur de sa sécurité.
Chacun peut ainsi poser des caméras où ils souhaite dans la ville
et collaborer avec la police en lui fournissant les bandes vidéos.
Les images peuvent être ensuite utilisées devant une cour de
justice “Un oeil sur vous : citoyens
sous suveillance”, Arte, 2014. .
En France, au début des années 2000, le logiciel
SIGNA obligeait les directeurs d’établissements scolaires à
signaler toute dégradation, vols, violences, etc. Enseignants et
directeurs étaient ainsi tenus de collaborer avec les pouvoirs
publics voire à livrer les enfants de sans-papiers http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=80
.
Dans un autre registre et des années plus tard, le
gouvernement français a mis en place une plateforme de signalement
des djihadistes http://www.interieur.gouv.fr/Dispositif-de-lutte-contre-les-filieres-djihadistes/Assistance-aux-familles-et-prevention-de-la-radicalisation-violente/Votre-signalement
.
Les géants du Net (Facebook, Google ou Twitter)
sont également invités à signaler les comportements jugés suspects
sur Internet, au risque de les transformer en auxiliaires de police
http://www.silicon.fr/loi-antiterroriste-france-bricole-patriot-act-pauvre-111237.html
.
Les messages «Attentifs
ensemble» rappelle sans cesse aux usagers du métro parisien qu’ils
doivent signaler tout objet suspect http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/04/01/a-paris-les-militaires-sont-ils-devenus-des-voisins-comme-les-autres_4606977_3224.html
.
“Non seulement l’humain est
surveillé à tous les échelons, mais chacun devient son propre
surveillant. Au panoptique de Bentham, devrait ainsi succéder le
pansensitif : une surveillance qui s’établit à toutes les
échelles.” http://www.franceculture.fr/2014-06-13-la-societe-de-surveillance-de-foucault
Mais pour certains, cela fait
assumer les politiques de sécurité aux citoyens, qui participent à
la défense, notamment par la délation. Cela entraine une logique de
solidarité autant que de défiance “Vigipirate, un état d’exception permanent”, Du
grain à moudre, France Culture, 23 février 2015. .