Sécurité et liberté

En multipliant les techniques de surveillance, les Etats démocratiques contemporains se sont progressivement rapprochés d’une société de contrôle, dans laquelle chacun est fiché dès sa naissance. Face aux risques de dérives, certains se questionnent quant à la menace d’une surveillance systématique de l’Etat mais aussi des citoyens eux-mêmes. Jusqu’où peut-on donc aller pour assurer sa sécurité ? Et ces technologies de surveillance assurent-elles vraiment la sécurité des populations ?

De la société du risque à la société surveillée

La peur du danger

L’absence de menace imminente et la guerre lontaine ont longtemps laissé croire à une société sans violence.

Les sociétés occidentales ont évolué vers un refoulement de la violence, déjà amorcé par la monopolisation de la violence par l’Etat moderne. Les individus n’ont plus le droit de recourir à la violence et intériorisent les règles de civilité, la pudeur, la politesse, etc. En intériorisant ces règles sociales, ces dernières deviennent des autocontraintes. Cela entraîne le passage du monopole de la violence à la maîtrise de soi. Parallèlement, le refoulement de la violence est contrebalancée par des transpositions de la violence (compétitions sportives par exemple) “Norbert Elias, La pacification des moeurs”Les Grands Dossiers des Sciences Humaine n°30, mars-avril-mai 2013. .

En effet, sous le développement du travail salarié, des nouvelles technologies ou encore de la précarité, la société contemporaine a progesivement été placée sous le signe du risque “Ulrich eck et la théorie du risque”, http://www.ffsa.fr/webffsa/risques.nsf/b724c3eb326a8defc12572290050915b/84dd4090d2263ce0c12573ec0042ec82/$FILE/Risques_50_0025.htm .

Le risque serait partout, et pour y faire face, les citoyens chercheraient de plus à en plus à assurer leur sécurité. Ainsi les gens se soumetteraient à de nombreuses “normes de précaution” les maintenant dans un cocon rassurant : protection juridiaires, assurances civiles, etc. “Jamais la servitude n’aura été si volontaire”. C’est le règne du “risque zéro”, qui cotoie pourtant une multiplication des pratiques aventureuses, des sports dangereux, les individus ayant besoin de repousser leurs limites physiques et mentales en se mettant en danger “Les risques de l’hypersécurité”, Marianne, 27 février 2015. .

Eliminer le risque est donc devenu un enjeu primordial dans une société qui voit certains de ses citoyens devenir l’auteur de menaces terroristes. Chaque citoyen devient ainsi une menace que les Etats, en s’alliant à d’autres Etats contre les citoyens, tentent de limiter ces dangers “venant de leurs propres tréfonds”. Avec la mondialisation, il existe en effet des menaces transnationales: “en tout voisin se cache peut-être un assasin” Pouvoir et contre-pouvoir à l’ère de la mondialisation, Ulrich Beck, Flammarion, Alto/Aubier 2003, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_2004_num_55_1_1637 .

Outre le terrorisme, on évoque généralement différents sortes de « risques » dont la liste s’est progressivement allongée : racket, mendicité, prostitution, errance de sans-logis ou de sans-papiers, regroupements intempestifs, incivilités, etc.

Cela a donné lieu à des aménagements urbains : bornes anti-”voitures-bêliers”, semi-privatisation des arties communes extérieures des résidences, bancs anti-clochards... http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=80

Le sentiment d’insécurité croissant, le développement de la délinquance, l’embrasement des banlieues puis les actes terroristes ont progressivement amené les pouvoirs publics à répondre par des politiques sécuritaires. On a ainsi assisté à des décennies de surenchère sécuritaire.

Dès 2002, Jacques Chirac, estimant que “plus personne ne se sent à l’abri en France”, proposait la création d’un grand ministère de la Sécurité”. http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20020219.OBS3309/elysee-2002-chirac-surfe-sur-la-peur.html

La biopolitique de Foucault

La biopolitique, c’est “ la maîtrise des populations et de l’homme en tant qu’espèce” ; elle “prend l’homme-espèce comme objet à contrôler et à maîtriser”. Cadre de la biopolitique, le libéralisme implique une intervention très limitée de l’Etat, qui laisse sa place à une raison marchande oppressante. Le gouvernement libéral ne serait donc pas neutre ; au contraire, il manipule, tente de prduire une “stimulus du danger” généralisé, une politique pour “vivre dangereusement.

Pour pallier au danger omniprésent, le libéralisme est « gestionnaire des dangers et des mécanismes de sécurité/liberté, du jeu sécurité/liberté qui doit assurer que les individus ou la collectivité seront le moins possible exposés aux dangers ». AInsi, “L’hygiène, la maladie, la dégénérescence, la sexualité, la littérature policière, un ensemble de secteurs de la vie est soudain strié par une double logique danger/sécurité que le gouvernement libéral s’efforce de maintenir sous tension.” Jérôme Lamy, « Les sources libérales de la biopolitique », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne, 123 | 2014, mis en ligne le 19 mai 2014. URL : http://chrhc.revues.org/3509 ]

Aussi, en se banalisant, le discours sécuritaire a parfois pu exagérer une réalité pour conduire à stigmatiser certaines franges de la population http://corinneleveleuxteixeira.fr/2011/01/comprendre-le-discours-securitaire/ .

En effet, certains ont pu évoquer le déterminisme ethnique, qui risque de conduire à un double déni : celui de voir dans la délinquance l’expression de la relégation sociale et celui de ne pas voir la “coresponsabilité policière dans les tensions sociales et le déclenchement des émeutes” Nicolas Bourgoin, La République contre les libertés - Le virage autoritaire de la gauche libérale (1995-2014), Editions L’Harmattan, 2015, p. 64. .

Les 5 critères de la politique sécuritaire (selon Laurent Mucchielli) :

- déshumanisation (nier les déterminismes sociaux pour préférer des causes ethniques, génétiques ou encore culturelles

- désocialisation (concentration de l’attention sur les populations peu socialisées: sans abris, etc.)

- dramatisation (aggraver la réalité dans les médias)

- criminalisation (augmentation de l’arsenal juridique, renforcement du pouvoir policier)

- disciplinarisation (menace de sanctions)

La politique sécuritaire qui s’est développée en France a créé une nouvelle culture du contrôle issue des Etats-Unis et qui accroit la surveillance des populations Laurent Mucchielli, La frénésie sécuritaire. Retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Sur le vif, Editions La découverte, Paris, 2008. .

De la peur à l’action

La frénésie sécuritaire s’est traduite par une “frénésie législative”, qui loin de rechercher l’efficacité des mesures mises en place, avait davantage une valeur politique. La droite recourait à la thématique sécuritaire dans les années 1970 avant d’être doublée par le Front National, puis rattrapée par la gauche dans les années 1990 http://corinneleveleuxteixeira.fr/2011/01/comprendre-le-discours-securitaire/ .

A partir du milieu des années 1990, un “discours sécuritaire et alarmiste” médiatise les problèmes des banlieues. On utilise alors des “signes extérieurs de scientificité (réthorique savante et outils statistiques comme l’échelle des violences urbaines)” qui renforçent leur légitimité. Ainsi, le discours sécuritaire a progressivement eu raison des clivages partisans et permis la mise en place de politiques sécuritaires à la fin du 20e siècle. Il a également eu des conséquences sur le secteur privé : “de 1998 à 2010, le chiffre d’affaires du secteur de la sécurité privé a progressé de 5,5% par an en volume, contre 3,4% pour l’ensemble des services marchands” Nicolas Bourgoin, La République contre les libertés - Le virage autoritaire de la gauche libérale (1995-2014), Editions L’Harmattan, 2015. .

Les mesures sécuritaires ont alors commencé à toucher tous les secteurs de la vie.

Mesures sécuritaires

Dès la fin du 20e siècle, différentes mesures ont été prises dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, mesures renforcées au fil des ans selon les circonstances : lois Pasqua de 1995, LOPSI en 2002, LOPPSI 2 en 2011, etc. De la création d’un “droit à la sécurité” à la lutte contre le terrorisme après le 11 septembre 2001, en passant par lutte contre les violences urbaines et l’insécurité routière, les loi sécuritaires se sont multipliées http://owni.fr/2011/01/19/lois-securitaires-42-vla-les-flics/ .

Ainsi, en 2001, la politique sécuritaire était renforcée dans de nombreux domaines avec l’adoption de la Loi sur la Sécuité Quotidienne. Parmi les mesures, elle prévoyait notamment l’élargissement des inscriptions dans le fichiers des empreintes génétiques, la facilitation des témoignages anonymes ou encore l’obligation d’immatriculer les véhicules à moteur à deux roues de petite cylindrée.

Puis Internet a fait l’objet d’une étroite surveillance par les services de renseignement grâce aux nombreuses lois adoptées dès les années 2000 : les fournisseurs de services sur Internet ont d’abord été contraints de conserver pendant un an les traces d’achat, les commentaires laissés par les internautes, etc. Toutes les données de connexion doivent ainsi être mis à la disposition de la police, de l’URSSAF, des douanes ou encore de l’administration fiscale. De plus, les enquêteurs peuvent s’introduire dans le dominicile d’une personne à son insu et si besoin, de nuit, pour installer un “mouchard” sur son ordinateur et ainsi d’enregistrer les frappes au clavier et effectuer des captures d’écran (Loi du 14 mars 2011).

Ces mesures ont été renforcées après les attentats terroristes que la France a connu, notamment grâce à la loi de programmation militaire en 2014 puis à la loi de renseignement de 2015, après les attentats contre Charlie Hebdo.

Aussi, un fichier d’identité biométrique portant sur la quasi-totalité de la population française a été créé. Cependant, certains ont mis en avant le fait que les pouvoirs publics ont brandi la menace de l’usurpations d’identité, allant jusqu’à gonfler les chiffres, pour faire accepter le fichier d’identité biométrique. En réalité, il s’agissait avant tout de favoriser les industriels du secteur regroupés au sein du groupement professionnel des indusries de composants et de systèmes électroniques (Gixel). Ce Gixel avait d’ailleurs proposé en 2004 de “faire accepter la biométrie” en éduquant les enfants “dès l’école manternelle” Jean-Marc Manach, “We are the (digital) champions”, Manière de voir, n°133, février-mars 2014. .

L’Etat a également décidé, dans le cadre de la lutte antiterroriste, de limiter les paiements en espèces à 1000 euros (une pièce d’identité doit être présentée pour toute opération de change supérieue à 1000 euros) http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/03/18/terrorisme-le-gouvernement-s-attaque-aux-paiements-en-liquide_4595828_3224.html .

Un Etat de contrôle ?

Tous délinquants ?

En étendant à l’ensemble des citoyens les techniques d’identification et de surveillance autrefois réservées aux délinquants, les différences entre le public et le privé se sont diluées.

En induisant une confusion entre le registre légal, la jsutice, et le registre extralégal, la discipline, les sociétés “disciplinaires” parviennent “à rendre naturel et légitime le pouvoir de punir, à abaisser du moins le seuil de tolérance à la pénalité” Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, Paris, 1975, p. 354-355. .

Les vigiles sont désormais partout : parkings, magasins, gares, universités, musées, bibliothèques municipales… Peu à peu, chacun s’habitue à leur présence autant qu’à celle des nombreuses caméra de surveillance qui se sont généralisées les grandes villes. De la même façon, l’usage des empreintes digitales, autrefois circonscrit au secteur de la justice, s’est largement répandu.

Une frontière floue distingue ainsi la surveillance militaire de la surveillance civile : les entreprises de sécurité dispatchent leur personnel indifféremment entre la surveillance de locaux, le métier de garde du corps ou celui d’officier de sécurité des armées officielles.

Désormais, la formule “pour raisons de sécurité” aurait autorité patout et constituerait “ une technique de gouvernement normale et permanente”. Chaque citoyen est identifié par des critères biologiques (ADN), une méthode autrefois réservée aux criminels, et potentiellement dangereux Giorgio Agamben, “Comment l’obsession sécuritaire fait muter la démocratie”, Manière de voir, janvier 2014. .

En généralisant ces pratiques, l’Etat a progressivement créé une relation nouvelle entre le pouvoir et les gouvernés, relations de plus en plus assymétrique : tout citoyen est désormais considéré comme un délinquant potentiel, rendant nécessaire son fichage et son contrôle. Le but est donc de contrôler, plus que de discipliner le citoyen ; nous ne serions donc pas dans un Etat de discipline, mais dans un « Etat de contrôle » pour reprendre la formule de Gilles Deleuze. En effet, la discipline exigerait une participation de l’individu, qui devrait s’auto-contraindre ; or désormais, l’individu n’est qu’une mine d’informations que l’on relève à son insu, sans aucune participation de sa part.

Tous fichés ?

De nombreux fichiers de police ont été créés depuis la fin du 20e siècle (Cristina(centralisation du renseignement intér pour la sécurité du territoire et les intérets nationaux), Edvirsp, Gevi, Gesterext (gestion du terrorisme et des extrémismes violents”, Fnad (fichier des non-admis), Eloi, Visabio... La terrorisation démocratique, Claude Guillon, Libertalia, 2009.

De plus, de nombreux Etats utilisent différentes technologies permettant une meilleure connaissance de leur population.

Biométrie, empreintes génétiques, prélèvement d’ADN

Les passeports biométriques ont permis aux Etats d’obtenir les empreintes de huit doigts et d’intégrer “le visage numérisé formaté pour intégrer les systèmes de reconnaissance faciale”. Les empreintes génétiques constituent également des données importantes pour les Etats. Ainsi, le FNAEG, fichier des empreintes génétiques destiné à la conservation des empreintes des condamnés, le FNAEG “est devenu un outil recensant toute manifestation de dissidence, de contestation et de désobéissance civile. “ De même, l’utilisation de la comparaison d’adn, notamment considérée comme un moyen de faciliter le regroupement familial des immigrés a été vantée comme une nécessité. Or pour certains, l’enjeu est moins de limiter l’immigration que de familiariser la société avec ce nouveau mode de fichage, en commençant par les gens “différents”. http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=80 .

Les données du passeport sont ensuite conservées par le ministère de l’Intérieur pendant quinze ans dans une base de données centralisée http://www.cnil.fr/documentation/fiches-pratiques/fiche/article/le-passeport-biometrique-en-pratique/ .

De la même façon, certains ont mis en avant ce qu’ils considèrent comme une forme de formatage au biométrique dès le plus jeunes âge. Progressivement, les esprits adhèrent à ces nouvelles technologies, ce qui accompagne l’avancée des mesures de sécurité qui les utilisent. En anticipant ainsi les craintes, les avantages de ces technologies sont mis en avant “Vigipirate, un état d’exception permanent”, Du grain à moudre, France Culture, 23 février 2015. .

Mais la société toute entière s’habitue aux nouvelles technologies, utiles pour assurer le confort de chacun autant que sa sécurité et celle de ses proches. Cette tendance est accentuée par les discours politiques qui insistent depuis longtemps sur la dimension de confort afin de mieux faire légitimer et accepter les technologies d’identification par les opinions publiques Piazza P., «Septembre 1921 : la première «carte d’identité des Français» et ses enjeux», Genèses, n°54, 2004, référence citée dans “Technologie et sécurité”, Aye Ceyhan, Cultures & Conflits n°64 - hiver 2006 .

Tous surveillés ?

Le sentiment d’insécurité permanente s’est accentué avec le plan Vigipirate, devenu un état d’exception permanent “Vigipirate, un état d’exception permanent”, Du grain à moudre, France Culture, 23 février 2015. .

Puis la présence des militaires à Paris, exception après les attentats contre Charlie Hebdo, est devenue quasi normale, bien que le plan Vigipirate ait été conçu comme une réponse exceptionnelle à des menaces temporaires http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/04/01/a-paris-les-militaires-sont-ils-devenus-des-voisins-comme-les-autres_4606977_3224.html .

Dans cet état de tension permanent, la présence des soldats dans la capitale est devenue la norme, faisant d’eux des voisins à l’égard desquels il faut être reconnaissant http://www.voisinssolidaires.fr/actualites-voisins/evenements-de-lassociation-vigipirate-des-gestes-de-voisinages-pour-nos-soldats-0 .

“Une société sécuritaire, c’est une société dans laquelle la répression pénale est utilisée comme moyen unique de résoudre les problèmes sociaux, éducatifs, sanitaires, ou plutôt d’éviter qu’ils ne soient posés.” http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=80

Au-delà de ces dispositifs de surveillance, plusieurs catégories de population sont relativement “surveillées” : chômeurs, élèves, patients, etc.

Les élèves sont surveillés en permanence : dans certains lycées, caméras de surveillance et enregistrement des absenses sont de rigueur. Les parents peuvent recevoir des sms chargés de leur signaler le retard de leur enfant à l’école, ou encore savoir combien de fois il a déjeuné à l’école grâce à la validation de sa carte repas Cécile Marin, “Au lycée, vigilance ou paranoïa ?”, Manière de voir, février 2014. .

Aussi, les allées et venues des enfants sont contrôlés par leurs parents inquiets grâce au GPS http://techno.lapresse.ca/nouvelles/200707/04/01-10659-un-pas-vers-une-societe-orwellienne.php .

Les chômeurs aussi sont surveillés, Pôle emploi ayant progressivement renforcé son contrôle pour lutter contre la fraude. Grâce à l’interconnexion des données, l’agence sait avec certitude si la personne a retrouvé un emploi et ne se fie plus aux déclarations verbales de l’intéressé. Elle envisageait également mettre en plaace des processus de détection automatique des profils de chômeurs les plus susceptibles de frauder. Et cela pourait être complété par un pistage des internautes via leur adresse IP “Pôle emploi renforce le contrôle de chômeurs”, Le Monde, 28 janvier 2014. .

De leur côté, les patients voient leur dossier médical partagé rassembler leurs données médicales Jean-Marc Manach, “We are the (digital) champions”, Manière de voir, 2014. .

Tous acteurs de la sécurité ?

Une part croissante de la population a un besoin, un désir de sécurité. Le contrôle n’est plus imposé, c’est même une demande sociale qui s’est étendu à toutes les strates de la société, qui s’est habituée aux pratiques sécuritaires comme dans les aéroports ou les musées.

Ainsi, chacun accepte que l’Etat puisse le soupçonner, le ficher et le contrôler. Beaucoup accueillent favorablement la vidéosurveillance ou encore les contrôles à l’entrée de certains lieux, considérant que cela leur apporte une certaine sécurité http://www.franceculture.fr/2014-06-13-la-societe-de-surveillance-de-foucault .

Cette tendance permet à chaque citoyen de venir acteur de sa propre sécurité comme de la sécurité globale.

Déjà le gouvernement français, à travers le plan Vigipirate, s’était donné pour objetif de “développer et maintenir une culture de vigilance de l’ensemble des acteurs de la Nation” http://www.risques.gouv.fr/menaces-terroristes/le-plan-vigipirate .

Accompagnant ce glissement vers plus de sécurité, la loi LOPPSI 2 de 2011 remplaçait le terme de “vidéosurveillance” par “vidéoprotection”, laissant davantage penser que les mesures sécuritaires ne sont pas mises en place pour surveiller le citoyen mais bien pour assurer sa protection https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_14_mars_2011_d%27orientation_et_de_programmation_pour_la_performance_de_la_s%C3%A9curit%C3%A9_int%C3%A9rieure#Critiques .

Devenir acteur de sa sécurité se concrétise notamment un meilleur contrôle de tous par tous, exercé par différents projets.

Ainsi, à la Nouvelle Orléans aux Etats-Unis, le projet Nola permet à chaque citoyen d’être acteur de sa sécurité. Chacun peut ainsi poser des caméras où ils souhaite dans la ville et collaborer avec la police en lui fournissant les bandes vidéos. Les images peuvent être ensuite utilisées devant une cour de justice “Un oeil sur vous : citoyens sous suveillance”, Arte, 2014. .

En France, au début des années 2000, le logiciel SIGNA obligeait les directeurs d’établissements scolaires à signaler toute dégradation, vols, violences, etc. Enseignants et directeurs étaient ainsi tenus de collaborer avec les pouvoirs publics voire à livrer les enfants de sans-papiers http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=80 .

Dans un autre registre et des années plus tard, le gouvernement français a mis en place une plateforme de signalement des djihadistes http://www.interieur.gouv.fr/Dispositif-de-lutte-contre-les-filieres-djihadistes/Assistance-aux-familles-et-prevention-de-la-radicalisation-violente/Votre-signalement .

Les géants du Net (Facebook, Google ou Twitter) sont également invités à signaler les comportements jugés suspects sur Internet, au risque de les transformer en auxiliaires de police http://www.silicon.fr/loi-antiterroriste-france-bricole-patriot-act-pauvre-111237.html .

Les messages «Attentifs ensemble» rappelle sans cesse aux usagers du métro parisien qu’ils doivent signaler tout objet suspect http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/04/01/a-paris-les-militaires-sont-ils-devenus-des-voisins-comme-les-autres_4606977_3224.html .

“Non seulement l’humain est surveillé à tous les échelons, mais chacun devient son propre surveillant. Au panoptique de Bentham, devrait ainsi succéder le pansensitif : une surveillance qui s’établit à toutes les échelles.” http://www.franceculture.fr/2014-06-13-la-societe-de-surveillance-de-foucault

Mais pour certains, cela fait assumer les politiques de sécurité aux citoyens, qui participent à la défense, notamment par la délation. Cela entraine une logique de solidarité autant que de défiance “Vigipirate, un état d’exception permanent”, Du grain à moudre, France Culture, 23 février 2015. .