De la crise ukrainienne au référendum
Après la victoire des opposants au régime de Viktor
Ianoukovitch, les russophones se sont élevés contre le gouvernement
de transition, accroissant ainsi les tensions dans la République
autonome de Crimée, majoritairement prorusse et qui rejette la
tutelle de Kiev.
La Crimée a été rattachée à l’Ukraine en 1954
par Nikita Krouchtchev. Elle est une région essentielle pour la
Russie qui y a établi le port d’attache de sa flotte de la mer
Noire à Sébastopol.
Le Parlement russe a autorisé une intervention militaire en
Ukraine, qui considère cela comme une déclaration de guerre. Les
réactions occidentales ont été immédiates : la France, comme la
Grande-Bretagne, a décidé de suspendre sa participation aux
réunions préparatoires du G8 de Sotchi prévu en juin. Le secrétaire
général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a affirmé que la Russie «
menaçait la paix et la sécurité en Europe » et devait « cesser ses
activités militaires et ses menaces sur l’Ukraine ».
La Russie a en effet pris le contrôle de la Crimée alors que les
Occidentaux multipliaient les menaces de sanctions économiques pour
faire pression sur Moscou. Cela a provoqué un vent de panique sur
les marchés russes et fait plonger la Bourse de Moscou. Washington
a ainsi suspendu tous les liens militaires avec la Russie, qui
s’était cependant dit prête à envisager une médiation de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
(OSCE).
La Chine a affiché son soutien à la Russie,
les deux pays étant déjà alliés sur plusieurs dossiers
diplomatiques face aux Occidentaux. Ils avaient ainsi bloqué
plusieurs projets de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU
condamnant le régime syrien. La Chine a pourtant désavoué
l’intervention de la Russie en Crimée au Conseil de sécurité de
l’ONU, sans toutefois la condamner.
Début mars, l’UE a décidé d’octroyer 11 milliards d’euros à
l’Ukraine pour lui venir en aide dans sa réforme économique. Mais
entre-temps, le Parlement autonome de Crimée menaçait de faire
éclater l’Ukraine en organisant un référendum sur le rattachement
de la péninsule à la Russie.
La tenue du référendum, pourtant controversée
par le Occidentaux, n’a pas donné lieu à une résolution du Conseil
de sécurité de l’ONU, la Russie ayant mis son véto et la Chine
s’étant abstenue.
En guise de riposte, Gazprom a menacé l’Ukraine début mars de
cesser ses livraisons, ce qui pourrait aussi avoir des conséquences
sur les Européens : 15% de leur gaz passe par le gazoduc
Brotherhood qui traverse l’Ukraine. Les conséquences risqueraient
d’être plus importantes pour la Slovaquie et la Hongrie. Et les 8
et 9 mars, les forces russes présentes en Crimée se sont emparées
de plusieurs bases militaires ukrainiennes, ce qui leur permet de
contrôler onze postes-frontières.
Cette politique d’expansion repose sur une
vision géopolitique selon laquelle la puissance d’un Etat est
fonction de la grandeur de son territoire. Ainsi, le régime russe
cherche à maintenir des troupes d’occupation sur différents
territoires ; c’est le cas en Abkhazie et en Ossétie du sud,
désormais en proie à de nombreux trafics (armes, drogues…).
Le 11 mars, le Parlement de Crimée a déclarée indépendante la
péninsule, étape préalable au référendum.
Kiev se tourne vers les oligarques pour faire
rempart à Moscou. Ces hommes d’influence, une douzaine de personnes
qui contrôlent 50 % des richesses du pays, ont en effet tout
intérêt à conserver une certaine indépendance vis-à-vis de la
Russie de Poutine.
De son côté, la Russie a préparé l’"annexion" de la Crimée. Les
députés de la Douma avaient ainsi prévu d’examiner fin mars une loi
qui permettra à la Fédération d’intégrer un territoire étranger en
cas de défaillance de l’Etat dont il dépend. La perte de l’Ukraine
donnerait en effet un coup fatal au projet d’Union eurasienne chère
à Vladimir Poutine et qui doit voir le jour en 2015.
Face à la Russie, les Etats-Unis se déclaraient présente aux
côtés de l’Ukraine pour assurer « son intégrité territoriale et sa
souveraineté ». De plus, les Occidentaux ont multiplié les mises en
garde contre Moscou.
Bruxelles avait décidé de mettre en œuvre des mesures de riposte
: interruption des négociations sur l’assouplissement du régime
général, suspension des discussions d’un accord global sur les
relations UE-Russie, etc. L’UE prévoit également un gel d’avoirs et
des restrictions de déplacement pour certains dignitaires
russes.
Après le référendum
Le taux de participation des électeurs inscrits a été de 83 %.
Pourtant, les controverses liées à la tenue du référendum ont
continué de peser sur ses résultats. Les Etats-Unis et l’Europe ont
rejeté le vote « contraire à la Constitution ukrainienne » et
organisé « sous des menaces de violences ».
L’Union européenne a ainsi adopté des sanctions (restrictions de
visas et gels d’avoirs) contre une vingtaine de personnalités
russes et ukrainiennes jugées responsables de l’annexion de la
Crimée par la Russie. De la même façon, les Etats-Unis visent
plusieurs responsables russes, susceptibles d’être sanctionnés par
des gels d’avoirs.
Les sanctions mises en place par les
Occidentaux pourraient avoir d’importantes conséquences en Russie,
pays très dépendant de ses exportations d’hydrocarbures et des flux
de capitaux étrangers ; à l’inverse, les pays dépendants du pétrole
pourraient se ravitailler dans les pays de l’OPEP, là où les
capacités de production sont excédentaires. De plus, la crise
diplomatique a fait perdre au rouble 10 % de sa valeur depuis début
2014, ce qui pourrait être néfaste pour les grandes sociétés russes
endettées, dont les dettes sont contractées en devise.