Mise à jour : May 2014

Une Crimée russe ?

Le 16 mars 2014, un référendum était organisé pour déterminer le sort de la Crimée, et son rattachement éventuel à la Russie. A une écrasante majorité (96,6 % des votants), le rattachement de la péninsule à la Russie a été approuvé.

De la crise ukrainienne au référendum

Après la victoire des opposants au régime de Viktor Ianoukovitch, les russophones se sont élevés contre le gouvernement de transition, accroissant ainsi les tensions dans la République autonome de Crimée, majoritairement prorusse et qui rejette la tutelle de Kiev.

La Crimée a été rattachée à l’Ukraine en 1954 par Nikita Krouchtchev. Elle est une région essentielle pour la Russie qui y a établi le port d’attache de sa flotte de la mer Noire à Sébastopol.

Le Parlement russe a autorisé une intervention militaire en Ukraine, qui considère cela comme une déclaration de guerre. Les réactions occidentales ont été immédiates : la France, comme la Grande-Bretagne, a décidé de suspendre sa participation aux réunions préparatoires du G8 de Sotchi prévu en juin. Le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a affirmé que la Russie « menaçait la paix et la sécurité en Europe » et devait « cesser ses activités militaires et ses menaces sur l’Ukraine ».

La Russie a en effet pris le contrôle de la Crimée alors que les Occidentaux multipliaient les menaces de sanctions économiques pour faire pression sur Moscou. Cela a provoqué un vent de panique sur les marchés russes et fait plonger la Bourse de Moscou. Washington a ainsi suspendu tous les liens militaires avec la Russie, qui s’était cependant dit prête à envisager une médiation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

La Chine a affiché son soutien à la Russie, les deux pays étant déjà alliés sur plusieurs dossiers diplomatiques face aux Occidentaux. Ils avaient ainsi bloqué plusieurs projets de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant le régime syrien. La Chine a pourtant désavoué l’intervention de la Russie en Crimée au Conseil de sécurité de l’ONU, sans toutefois la condamner.

Début mars, l’UE a décidé d’octroyer 11 milliards d’euros à l’Ukraine pour lui venir en aide dans sa réforme économique. Mais entre-temps, le Parlement autonome de Crimée menaçait de faire éclater l’Ukraine en organisant un référendum sur le rattachement de la péninsule à la Russie.

La tenue du référendum, pourtant controversée par le Occidentaux, n’a pas donné lieu à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie ayant mis son véto et la Chine s’étant abstenue.

En guise de riposte, Gazprom a menacé l’Ukraine début mars de cesser ses livraisons, ce qui pourrait aussi avoir des conséquences sur les Européens : 15% de leur gaz passe par le gazoduc Brotherhood qui traverse l’Ukraine. Les conséquences risqueraient d’être plus importantes pour la Slovaquie et la Hongrie. Et les 8 et 9 mars, les forces russes présentes en Crimée se sont emparées de plusieurs bases militaires ukrainiennes, ce qui leur permet de contrôler onze postes-frontières.

Cette politique d’expansion repose sur une vision géopolitique selon laquelle la puissance d’un Etat est fonction de la grandeur de son territoire. Ainsi, le régime russe cherche à maintenir des troupes d’occupation sur différents territoires ; c’est le cas en Abkhazie et en Ossétie du sud, désormais en proie à de nombreux trafics (armes, drogues…).

Le 11 mars, le Parlement de Crimée a déclarée indépendante la péninsule, étape préalable au référendum.

Kiev se tourne vers les oligarques pour faire rempart à Moscou. Ces hommes d’influence, une douzaine de personnes qui contrôlent 50 % des richesses du pays, ont en effet tout intérêt à conserver une certaine indépendance vis-à-vis de la Russie de Poutine.

De son côté, la Russie a préparé l’"annexion" de la Crimée. Les députés de la Douma avaient ainsi prévu d’examiner fin mars une loi qui permettra à la Fédération d’intégrer un territoire étranger en cas de défaillance de l’Etat dont il dépend. La perte de l’Ukraine donnerait en effet un coup fatal au projet d’Union eurasienne chère à Vladimir Poutine et qui doit voir le jour en 2015.

Face à la Russie, les Etats-Unis se déclaraient présente aux côtés de l’Ukraine pour assurer « son intégrité territoriale et sa souveraineté ». De plus, les Occidentaux ont multiplié les mises en garde contre Moscou.

Bruxelles avait décidé de mettre en œuvre des mesures de riposte : interruption des négociations sur l’assouplissement du régime général, suspension des discussions d’un accord global sur les relations UE-Russie, etc. L’UE prévoit également un gel d’avoirs et des restrictions de déplacement pour certains dignitaires russes.

Après le référendum

Le taux de participation des électeurs inscrits a été de 83 %. Pourtant, les controverses liées à la tenue du référendum ont continué de peser sur ses résultats. Les Etats-Unis et l’Europe ont rejeté le vote « contraire à la Constitution ukrainienne » et organisé « sous des menaces de violences ».

L’Union européenne a ainsi adopté des sanctions (restrictions de visas et gels d’avoirs) contre une vingtaine de personnalités russes et ukrainiennes jugées responsables de l’annexion de la Crimée par la Russie. De la même façon, les Etats-Unis visent plusieurs responsables russes, susceptibles d’être sanctionnés par des gels d’avoirs.

Les sanctions mises en place par les Occidentaux pourraient avoir d’importantes conséquences en Russie, pays très dépendant de ses exportations d’hydrocarbures et des flux de capitaux étrangers ; à l’inverse, les pays dépendants du pétrole pourraient se ravitailler dans les pays de l’OPEP, là où les capacités de production sont excédentaires. De plus, la crise diplomatique a fait perdre au rouble 10 % de sa valeur depuis début 2014, ce qui pourrait être néfaste pour les grandes sociétés russes endettées, dont les dettes sont contractées en devise.