En 22 ans d’indépendance, le pays n’avait jamais connu une telle
violence, ni après la chute de l’Union soviétique, ni lors de la «
révolution orange » en 2004.
Aux prémices de la révolte
Les manifestants se sont élevés contre le refus du président
ukrainien de signer un accord d’association avec l’Union européenne
pour préférer un rapprochement avec la Russie en novembre 2013.
L’Ukraine s’était engagée dès 2012 à signer un accord
d’association avec Bruxelles, avant de se rétracter pour accepter
le plan global de 11 milliards d’euros proposé par Vladimir Poutine
en décembre 2013. Bien que cet accord n’ait eu pour seul but que de
faciliter le commerce et les échanges avec l’Union, ce revirement
vers Moscou a été perçu comme un rejet des valeurs européennes par
une partie de la population ukrainienne ; pourtant, cet accord
n’était pas un préalable à l’adhésion de l’Ukraine à l’UE.
Des manifestations aux violences meurtrières
Le mouvement, originellement pro-européen, est rapidement devenu
anti-Ianoukovitch. Les mesures de répressions mises en place par
les autorités ukrainiennes avaient accru le sentiment
d’illégitimité du pouvoir. Face à cette violence d’Etat, les
manifestants ont ainsi rapidement dénoncé la corruption,
l’injustice et le train de vie du gouvernement.
Très vite, les manifestants ont « compris que c’était la fin de
la démocratie », pour reprendre les termes d’Olga Pavlovkaya,
journaliste de la chaîne 1+1. Parmi les opposants au régime, une
fraction faisait partie de l’extrême droite, néonazie, réunie au
sein du parti Svoboda.
La contestation s’est rapidement renforcée, avant de se
transformer en affrontements meurtriers. La population ukrainienne
s’est ainsi progressivement opposée, de plus en plus violemment,
aux policiers et militaires de leur propre pays. Ces heurts
sanglants ont provoqué la mort de près de 100 personnes. Pour
justifier cette violente répression, les forces de l’ordre
parlaient d’ « opération antiterroriste », de lutte contre des «
rebelles ». La révolte, dont les autorités publiques ne sont pas
parvenues à s’extirper, avait ainsi placé l’Ukraine « au bord de la
guerre civile », pour reprendre les termes de Leonid Kravtchouk,
premier président de l’Ukraine indépendante.
Les réactions étrangères
Les révoltes qui ont été menées en Ukraine ont provoqué de vives
réactions de la communauté internationale.
D’un côté, l’Ukraine a été soutenue par la Russie. Pour
maintenir l’Ukraine dans son giron, Moscou l’a épaulé tout au long
des évènements, après lui avoir prêté pas moins de 15 milliards de
dollars.
Le régime ukrainien devait en effet constituer l’une des pièces
maîtresse de l’Union eurasienne prônée par Vladimir Poutine. La
Russie imagine ainsi une Ukraine « fédérative » pour donner
davantage d’autonomie aux régions d’Ukraine, alors divisées en
régions russophones de l’est (qui entreraient dans l’Union
douanière rassemblant la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan),
et en régions de l’ouest (qui adhéreraient au partenariat avec
l’Union européenne).
Opposée à tout rapprochement de l’Ukraine avec l’Occident, la
Russie a dénoncé une manipulation des manifestations par les
Occidentaux et leur ingérence dans les affaires de l’Ukraine.
D’un autre côté, les mesures de répression mises en œuvre par
l’Ukraine ont été contestées par plusieurs pays occidentaux.
Les manifestants ont pourtant longtemps attendu un véritable
engagement de l’Europe. C’est en effet le refus d’une alliance avec
l’Union pour se tourner vers la Russie qui a tout déclenché en
novembre 2013. Mais l’Europe s’est peu engagée dans le conflit,
hésitant entre une réaction de fermeté à l’égard du régime, comme
l’ont fait les Etats-Unis, et la poursuite du dialogue. Certains
Européens craignaient en effet que l’Ukraine ne suive la voie de la
Biélorussie.
L’Union européenne a malgré tout dénoncé la violence de la
répression. Bien que l’Union dispose de moyens limités pour influer
sur le régime, certains chefs d’Etat européens prônaient la mise en
place de sanctions. Bruxelles avait ainsi décidé de mettre en place
une interdiction des visas et un gel des avoirs aux « responsables
des violences », tout en conservant le dialogue avec l’Ukraine.
Le renouveau
Fin février 2014, après des heurts d’une extrême violence, la
police et l’armée ukrainienne se sont retirées.
La signature d'un accord de sortie, conclu entre l’opposition et
la présidence le 21 février, devait ainsi permettre de ramener le
calme. Le compris politique, proposait une élection présidentielle
anticipée, la restauration de la Constitution de 2004 (qui limite
les pouvoirs présidentiels), la création d’un gouvernement d’union
nationale, et l’absence d’instauration de l’état d’urgence. Mais
les manifestants, déterminés à voir M. Ianoukovitch quitter le
pouvoir, n’étaient plus enclins à accepter un compromis.
Les évènements se sont donc accélérés le 22 février, lorsque les
députés ont destitué le président Viktor Ianoukovitch et fixé au 25
mai la tenue de la prochaine élection présidentielle.
Le retour de l’opposante Ioulia Timochenko, tout juste libérée
de prison, a célébré la victoire de la place Maïdan.
Et après ?
La plupart des Ukrainiens de l’Est, russophones, ne parlent pas
de libération, mais de « coup d’Etat » provoqué par des rebelles
qui menacent la paix. Certaines de ces régions, proches de la
frontière russe, vivent grâce à la Russie. A l’inverse, certains
oligarques, à l’image de Viktor Pintchouk, ont salué la chute du
président Ianoukovitch.
De leurs côtés, l’Union européenne et les Etats-Unis cherchent à
élaborer un plan d’urgence pour maintenir l’unité du pays. Pour
éviter le défaut de paiement, il faudra convaincre le Fonds
monétaire international de débloquer un prêt important pour éponger
les 12 milliards de dette que l’Ukraine doit en 2014.