Elections européennes
Du 22 au 25 mai 2014, les électeurs européens des 28 pays membres de l’Union européenne, devront élire leurs représentants au Parlement européen. Mais à un moment où l’Europe est affaiblie par de lourdes crises économiques, financières et sociales, la campagne électorale semble marquée par l’euroscepticisme.
Le Parlement européen est composé de 751 sièges. Le nombre de députés par Etat est fonction de la population des Etats, mais chaque pays doit bénéficier d’au moins 6 députés. L’Allemagne élit ainsi 96 députés contre 74 pour la France. Le vote doit également permettre de déterminer le président de la Commission européenne, par négociation entre les dirigeants des Vingt Huit et le Parlement.
Critiquée, l’Union européenne fait face à un déficit démocratique dans de nombreux Etats membres, dans un climat marqué par les politiques de rigueur et l’influence dénoncée de la « troïka ».
Vers une crise de confiance
Les citoyens européens sont de plus en plus nombreux à se détourner de l’Union européenne, souvent considérée comme incapable de résoudre les problèmes de chômage, d’insuffisance de croissance, etc. L’Union européenne, souvent jugée responsable de l’austérité, n’est en effet pas parvenue à endiguer la crise de la dette, ni à limiter le chômage massif des jeunes dans de nombreux Etats membres.
Ainsi, 39 % des eurocitoyens déclarent désormais faire confiance au Parlement européen ; et ce rejet est exacerbé dans certains Etats membres, comme en Espagne. En France, la distance entre la population et le Parlement européen ne date pas d’hier : depuis 1979, le taux d’abstention est passé de 39 % à plus de 59 %.
De nombreux citoyens européens ont le sentiment de ne pas peser sur les décisions de l’Union. Ce sentiment est accentué par le poids des lobbies (entreprises, banques, consultant en relations publiques…) qui influencent les choix de Bruxelles.
Avec la crise ukrainienne, le lobby du gaz de schiste avait ainsi mis en avant la nécessité de s’affranchir de la dépendance à l’égard du gaz russe ; cet argument avait été repris par Barack Obama en mars 2014. Ce lobbying est facilité par les liens entre le privé et le public, certains hauts fonctionnaires apportant leur expérience aux principaux lobbies.
Montée des populismes
Partout sur le Vieux Continent les partis antieuropéens nationalistes ont pris de l’ampleur dans une Europe qui abolirait progressivement toute souveraineté nationale. L’influence croissante des « populistes » s’explique en effet notamment par le rejet de la puissance européenne sur fond de repli identitaire.
La crise économique, puis la récession et l’envolée du chômage ont profondément modifié l’image de l’Europe, désormais perçue comme l’instigatrice de la rigueur. Ce sentiment a été accentué par l’influence croissante de la « troïka » (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission européenne), chargée de faire respecter les exigences des différents plans de rigueur imposés aux Etats surendettés.
Face à une Europe impopulaire, les critiques se sont alors élevés pour dénoncer des mesures antisociales et leurs effets néfastes sur l’économie. De nombreux partis politiques ont ainsi remis en cause la libre-circulation des personnes ou encore les perspectives annoncées par le traité de libre-échange que l’UE devrait signer avec les Etats-Unis.
Le Front national s’est allié à Geert Wilders, chef du parti nationaliste néerlandais, le parti pour la liberté (PVV). Il s’est également allié avec les partis d’extrême droite autrichiens (parti de la liberté, FPO), belge (Vlaams Beland), italiens (Ligue du Nord), slovaque (Parti national slovaque), suédois (Démocrates suédois). Néanmoins, le parti britannique europsceptique United Kingdom Independance Party (UKIP) n’a pas souhaité s’allier au Front national en raison de son passé controversé et rejetant l’extrême nationalisme ; le parti se concentre davantage sur l’idée d’indépendance britannique face à une influence européenne grandissante.
Au Royaume-Uni, la campagne du parti populiste UKIP s’est axée sur l’indépendance nationale avec quelques messages clairs : les immigrés européens prennent les emplois des Britanniques et le Royaume-Uni est dirigé par l’Union européenne.
Plus encore dans ce mouvement, les europsceptiques refusent l’idée de fédéralisme européen, rejettent l’idée d'un Etat européen centralisé. Et les échecs de la zone euro confortent cette position, qui joue un rôle croissant chez les électeurs européens. Dans certains pays européens en revanche, le populisme anti-européen occupe une place mineure dans le paysage politique. En Allemagne, le parti anti-euro représente seulement 5 % de l’électorat, et en Belgique, on considère qu’il n’existe pas réellement de courant antieuropéen.
Le difficile rebond des européistes
Face à la monté de l’euroscepticisme, certains partis politiques tentent de rétablir la confiance en l’Europe. Portés par une timide reprise de l’économie de la zone euro, ils veulent montrer que les efforts des Européens n’ont pas été vains.
Mais en France, le rejet de l’Europe est ancien, à l'image du « non » au traité constitutionnel, en 2005. Nombreux sont les Français qui ont en effet le sentiment d’une politique nationale dirigée par l’Europe.
A ces critiques, les europhiles répondent que la construction d’une véritable identité européenne permettrait de déléguer plus clairement des pouvoirs à l’UE, sans que cela soit perçu comme une perte de souveraineté. Ainsi, en désignant pour la première fois une personnalité chargée de prendre la tête de la Commission, les élections de 2014 devraient en partie pallier au manque d’incarnation de l’Union européenne.
Mais la défiance des opinions publiques, sur fond de chômage et d’austérité, semble écarter toute possibilité d’avancée en matière d’intégration politique. Aucun parti ne s’engage en effet pour le fédéralisme, à un moment où les effets de la crise sont tels que peu d’Européens sont convaincus des bienfaits du renforcement des acquis de l’Union.
La plupart des partis politiques restent cependant attachés à l’Union européenne et des mouvements proeuropéens émergents, à l’image du 4 Freedoms Party britannique. De la même façon, au Luxembourg, le parti eurosceptique a une influence très minime dans la vie politique du pays.
A l’opposé de cette défiance croissante des citoyens européens et de la montée de certains nationalismes, l’attractivité de l’Union européenne perdure dans certains pays. Les révoltes portées par les Ukrainiens début 2014 contre le refus de Viktor Ianoukovitch de signer l’accord de partenariat avec l’UE ont été révélatrices de cet attrait persistant.
De la même façon, en Yougoslavie, les manifestations contre la corruption menées début 2014 étaient dirigées vers l’Union européenne ; les manifestants réclament davantage de démocratie égalitaire, reprochant à l’Union européenne de ne pas suffisamment pression sur les dirigeants bosniens.
Certains Etats cultivent donc encore un certain enthousiasme pour l’Union européenne, à l’image de la Pologne ou des pays baltes, là où l’économie fonctionne bien. Dans les années 1990 déjà, l’entrée dans l’Union était synonyme de prospérité pour les anciens pays de l’Est.
Mais l’idée européenne, née dans un contexte historique particulier, se serait aujourd’hui délitée. Le besoin d’Europe ne serait plus aussi évident.
Le premier ministre britannique David Cameron a promis de soumettre à un référendum l’appartenance du Royaume-Uni d’ici à la fin 2017.