De latentes tensions
Plusieurs guerres indo-pakistanaises ont eu lieu: en 1947, en
1965 puis en 1971. Depuis lors, les relations ne se sont jamais
réellement apaisées. Pourtant, un dialogue entre les deux pays
avait été ouvert au début des années 2000.
Après 2003, le tremblement de terre qui a
touché le Cachemire pakistanais avait déclenché un élan de
solidarité indien qui avait permis une détente entre les deux
pays.
De même, Narendra Modi, à travers une diplomatie active, avait
restauré les échanges avec son voisin. Si cette initiative avait
obtenu les faveurs des autorités civiles pakistanaises, elle avait
en revanche été malmenée par les services secrets pakistanais, qui
ont organisé des attentats en Inde afin de saboter le
processus.
Les tensions se sont encore ravivées entre les deux pays dans
les années 2020-2021, l’Inde accusant le Pakistan de soutenir les
terroristes, notamment en servant de base arrière aux Taliban en
espérant qu’ils frappent ses voisins. Le pays l’accuse également de
persécuter les minorités religieuses (sikhs, hindoues et
chrétiennes), après en avoir fait de même contre la population du
Bangladesh.
De son côté, le Pakistan accusait son voisin de fascisme,
dénonçant notamment les violations des droits humains dans la
région du Cachemire, où la politique menée par le gouvernement Modi
est très critiquée. Cette région cristallise en effet les tensions
entre les deux pays depuis des décennies.
La question du Cachemire
Au cœur d’une longue discorde, le Cachemire est une région
enclavée entre trois chaînes de montagnes himalayennes. Il s’agit
d’un territoire majoritairement musulman (80% de mu- sulmans)
divisé entre l’Inde (45 % du territoire), le Pakistan (35 % du
territoire) et la Chine. L’absence de frontière reconnue par l’Inde
et le Pakistan a entraîné la constitution d’une “ligne de contrôle”
qui sépare les deux pays. En effet, après l’indépendance du
Cachemire, le rattachement de la population nouvellement
indépendante à l’Inde ou au Pakistan a fait l’objet de
confrontations parfois armées.
En 1947, la partition de l’Empire britannique
des Indes a donné naissance à deux États souverains: l’Inde,
majoritairement hindoue, et le Pakistan, musulman. Cette année-là,
le Cachemire a choisi d’être rattaché à l’Inde après avoir subi des
attaques de tribus venues du Pakistan.
L’armée indienne a alors lutté contre le
Pakistan, jusqu’au cessez-le-feu de 1949, qui a mis fin à guerre
indo-pakistanaise de 1948. Les armées se sont alors retirées,
laissant un Cachemire divisé (Jammu-et-Cachemire indien et
Azad-Cachemire pakistanais). Depuis, Inde et le Pakistan se sont
affrontés en 1965 et 1971, sans que ne cessent réellement les
luttes lors de combats sporadiques. Ce climat tendu a été renforcé
par l’émergence d’une insurrection séparatiste dans le Cachemire
indien dénonçant la corruption politique et des fraudes électorales
massives à la fin des années 1980. Ce mouvement s’est radicalisé et
a conduit l’Inde à y envoyer l’armée, accusant son voisin
pakistanais d’approvisionner et de soutenir la guérilla.
Cela a fait du Cachemire un point chaud et
l’une des régions les plus militarisées au monde. Il s’agit d’un
territoire d’autant plus important que l’Inde et le Pakistan (aidé
par la Chine) sont devenues des puissances nucléaires à partir de
1998. Même si la survenue d’une guerre nucléaire apparait peu
probable, le nucléaire tactique constitue en effet un moyen de
pression pour les deux protagonistes.
Les tensions se sont régulièrement ravivées, notamment en 2001,
lorsqu’une attaque menée par des groupes terroristes pakistanais
avait visé le Parlement. De même, des violences avaient éclaté en
2016, après que le Pakistan ait ouvertement déclaré son soutien aux
forces indépendantistes du Cachemire indien. L’arrivée au pouvoir
des nationalistes hindous en 2014 avait déjà accentué les tensions
entre les deux pays.
Et en 2019, la décision du gouvernement Modi de révoquer le
statut spécial d’autonomie constitutionnelle dont jouissait le
Cachemire depuis l’indépendance a entraîné une recrudescence des
tensions. Cette décision remettant en cause la semi-autonomie de la
région a en effet été fortement critiquée par l’opposition et les
Cachemiriens.
Fin 2020, la population avait affirmé son
soutien à une coalition militant pour le retour du statut spécial
autonome, l’Alliance du Peuple.
De nombreux attentats ont alors eu lieu et les tensions entre
les deux puissances se sont encore ravivées malgré que les deux
pays se soient engagés à privilégier la voie diplomatique depuis un
accord de cessez-le-feu signé en 2021.
En effet, l’Inde continue de défendre son intention de réunir «
l’Inde intégrale », nourrie par un nationalisme alimenté par des
fondamentalistes hindous à l’influence croissante depuis les années
1990. Le pays considère ainsi le Cachemire comme une partie
inaliénable du territoire indien et réclame l’évacuation des zones
illégalement occupées par le Pakistan depuis la guerre de
1947-1948. Ce maintien de troupes dans une partie du Cachemire
justifie par ailleurs le refus de l’Inde d’organiser un référendum
d’autodétermination au Cachemire, comme le prévoyait une résolution
de l’ONU.
De son côté, le Pakistan estime que le Cachemire aurait dû lui
échoir en 1947 et que cette partition inachevée entrave le contrôle
stratégique dont il estime bénéficier sur les hauteurs de l’Ouest
himalayen (et de ses ressources hydrographiques).