Birmanie

Après dix ans de démocratie, le pouvoir birman était renversé en février 2021, et la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi, arrêtée; l’état d’urgence était alors décrété pour une durée d’un an. Depuis, le pays s’enfonce dans une des crises les plus graves de son histoire.

Territoire et population

Le territoire birman est structuré autour d’une vaste plaine centrale où vit une grande partie de la population et qu’entourent des chaînes de montagnes. La Birmanie, ou Myanmar, reconnaît 135 ethnies différentes (Bamars, Kachins, Karen, Shans, etc.). L’ethnie majoritaire des Bamar («Birmans ethniques») vit dans les plaines centrales tandis que les minorités ethniques habitent les périphéries montagneuses. Ces divisions ont été entretenues par le colonisateur britannique, les Birmans ethniques étant écartés du pouvoir et administrés par la couronne britannique. Les minorités conservaient quant à elles leur système traditionnel.

Ces répartitions géographiques expliquent l’administration territoriale particulière fondée sur l’existence de 7 Régions (majoritairement peuplées de Birmans) et de 7 Etats, situés en périphérie. Le pays bénéficie de nombreuses ressources naturelles qui intéressent les investisseurs étrangers comme la Chine; 80% de la production birmane de jade est ainsi par exemple exportée vers la Chine. Mais c’est aussi la position géostratégique du pays, situé entre l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est et donnant accès à l’océan Indien, qui attire; l’Asie du Sud-Est est en effet cruciale pour les échanges mondiaux.

Contexte historique

Annexée à l’Empire des Indes en 1886, puis occupée par les Japonais, la Birmanie devenait indépendante en 1948. Puis, le pays va connaître une guerre civile et des insurrections qui conduiront en 1962 le général Ne Win à prendre le pouvoir par un coup d’Etat.

En 1988, une révolte populaire tentera de mettre fin à ce régime. Mais des militaires prendront alors le pouvoir, en autorisant toutefois la créations de partis politiques. Cela va permettre à l’opposition de faire entendre sa voix, mais les relations avec la junte militaire demeureront très difficiles. La Ligue nationale pour la démocratie cherchera en vain à instaurer un régime démocratique durant des années, tandis que sa dirigeante, Aung San Suu Kyi, sera régulièrement assignée à résidence. Mais au début des années 2010, des centaines de prisonniers politiques vont être libérés et la Ligue nationale pour la démocratie va pouvoir participer aux élections. Un processus de transitition institutionnelle va alors permettre au parti d’Aung San Suu Kyi de remporter les élections législatives de 2015.

La démocratisation du pays n’empêchera pas la liberté d’expression de fortement décliner en Birmanie, ni à la minorité musulmane des Rohingyas de subir une violente répression de la part de l’ethnie dominante de la région dans laquelle ils vivent (Rakhines bouddhistes de l’Arakan). Déterminée à protéger l’identité bouddhiste, cette ethnie va mener en 2017 une répression militaire qui conduira environ 750 000 Rohingyas à fuir les exactions, les destructions de villages, les viols et les exécutions extrajudiciaires pour se réfugier au Bangladesh.

Les Rohingyas, musulmans arrivés comme main d’œuvre avec les Britanniques dans le pays, ont été accusés de collaboration au moment de la décolonisation. Puis, malgré une certaine intégration, la crainte des Birmans (très nationalistes) d’une trop grande progression des musulmans a conduit à leur persécution dès la seconde moitiée du 20e siècle, après que le général Ne Win ait imposé le bouddhisme comme religion d’Etat.
Ainsi, alors que diverses confessions cohabitaient dans le pays (les musulmans représentent moins de 5% de la population birmane), des campagnes de propagande puis des opérations de purification ont été menée, notamment en 1978 et 1992, conduisant à la fuite d’environ 200 000 Rohingyas au Bangladesh. Pour justifier ces opérations, le pouvoir en place se fonde sur l’histoire: les Rohingyas ne font pas partie des «races nationales», c’est-à-dire présentes sur le territoire avant 1823, date de l’arrivée des colons britanniques. Dénués donc de la nationalité birmane, accordée à d’autres ethnies, ils constituent pourtant la minorité ethnique de confession musulmane la plus importante du pays.

La campagne de nettoyage ethnique contre les Rohingyas sera mise en cause devant la Cour internationale de Justice en 2019. Aung San Suu Kyi défendra alors l’armée birmane contre les accusations de génocide. Malgré cela, le parti d’Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991, sera de nouveau plébiscitée lors des élections législatives de 2020.

Cependant, le chef des forces armées va contester les résultats du scrutin, dont il réclamera un recomptage sous peine d’une intervention de l’armée. Face aux irrégularités qu’ils constatent alors, les militaires décident, le 1er février 2021, d’arrêter Aung San Suu Kyi et le président Win Myint. L’état d’urgence est annoncé pour un an et les militaires promettent de nouvelles élections ainsi qu’un transfert de pouvoir garantissant la «stabilité» de l’Etat. La reprise du pouvoir par l’armée mettait ainsi un terme aux avancées démocratiques saluées par l’Occident.

Situation récente

Face au putsch militaire, Aung San Suu Kyi a exhorté la population à se révolter. Ainsi, un mouvement de désobéissance civile s’est élevé et plusieurs groupes ethniques ont repris les armes pour participer à la contestation. A cela se sont ajoutées des grèves mais aussi des campagnes de boycott de produits dont les profits allaient à la junte ainsi que la recrudescence des affrontements entre armée et factions ethniques rebelles. Outre la répression menée par l’armée birmane (placement en détention, tortures, etc.), qui a causé des centaines de morts, cela a paralysé l’économie. En effet, cela a entrainé une hausse du prix des denrées alimentaires et de l’essence ainsi qu’une limitation du retrait des liquidités dans les banques. En outre, les mesures prises pour endiguer la pandémie ont fait perdre leur emploi à des millions de Birmans. La pauvreté a donc explosé et beaucoup ont désormais des difficultés à se nourrir. De son côté, Aung San Suu Kyi se voyait accusée de sédition, de corruption et de divers autres chefs d’accusation (violation de secret d’état, incitation à des troubles public, etc.).