Les bases du traité de Rome
Le traité de Rome instaure la Communauté économique européenne,
et dans ce cadre, les bases d’une union et d’une libéralisation qui
sera progressive.
L’union douanière
Définie à l’article 23 du traité CE (définition issue de celle
du GATT), l’union douanière est un espace géographique composé de
plusieurs Etats qui s’engagent :
- à faire disparaître les droits de douane et les obstacles aux
échanges
- à adopter un tarif douanier commun
Cet espace géographique ne correspond pas strictement au
territoire de l’Union européenne : la Nouvelle-Calédonie, la
Polynésie ou encore Mayotte ne font pas partie de l’union douanière
même si elles disposent d’un régime qui s’en approche. En revanche,
Monaco et la République de San Marin, bien que situés en dehors de
l’Union européenne, font partie de l’Union douanière.
La réalisation de l’union douanière était prévue au plus tard
pour le 1er janvier 1970 ; elle a finalement eu
lieu en 1968. Les échanges devaient se faire sans obstacle au sein
de la Communauté. Les entraves commerciales et réglementaires
devaient avoir disparu pour que les marchandises puissent librement
circuler.
La libre circulation
Le Traité de Rome met en place la libre circulation des
marchandises, des personnes, des services et des capitaux. C’est
sur cette base que l’Union européenne s’avance vers la
libéralisation économique.
Libre circulation des marchandises
Une marchandise est « tout produit appréciable en argent et
susceptible de former l’objet d’une transaction commerciale »
(CJCE, 1986, Commission/Italie) ; pour la déterminer, sa
valeur vénale est prise en compte. Les marchandises peuvent venir
d’un autre Etat membre, ou des pays tiers (dès lors qu’elles sont
entrées légalement sur le marché).
La libre circulation des marchandises a pu être effective grâce
à l’union douanière. Les droits de douanes ayant disparu en 1968,
les marchandises ont pu circuler très librement. Mais cette liberté
n’est pas totale. Certaines entraves sont mises en place par les
Etats afin de protéger leur commerce national (normes d’hygiène,
protection des consommateurs…). L’arrêt de la CJCE, Cassis de
Dijon, de 1979, dégage ces exceptions à la libre-circulation
des marchandises ; elles doivent être justifiées par l’intérêt
général (par exemple, la protection de la santé publique). Mais ces
exceptions ne doivent pas dissimuler une restriction déguisée au
commerce entre les Etats membres, ne doivent pas être
discriminatoires, doivent être strictement nécessaires (selon le
principe de proportionnalité), et se trouver dans le cadre d’une
harmonisation communautaire incomplète (si elle est complète, on ne
peut pas faire d’exception car tous les Etats doivent se
conformer).
La Commission a donc du lutter contre les obstacles à la
libre-circulation définis par les Etats, notamment en matière de
marchés publics. Pour cela, l’Union européenne a mis en place des
normes communes à respecter ; dans le cadre des exigences en
matière de santé et de sécurité, des « normes
européennes » ont ainsi vu le jour. Mais les disparités
perdurent au sein de l’Union car les modalités de circulation de
marchandises diffèrent encore parfois d’un Etat à un autre. Le coût
de la main d’œuvre et par exemple différent, ce qui perturbe les
échanges.
Libre circulation des personnes
Les ressortissants de l’Union européenne peuvent librement
circuler sur le territoire de l’Union. Certains non ressortissants
peuvent néanmoins bénéficier du droit communautaire (notamment
lorsque leur Etat a signé un accord international).
Pour que les personnes puissent librement circuler dans l'Union
européenne, des dispositifs particuliers ont du être instaurés
(notamment en matière d'équivalence des diplômes). Dans certains
cas, leur mise en place a été difficile ; ainsi de la liberté
d’établissement des professions libérales (ex : pour les
architectes). Aussi, leur mise en place a été longue car la
Commission fixait ces règles secteur par secteur ; elle a donc
ensuite décidé d’établir une équivalence générale des diplômes,
sans harmoniser au préalable les filières de formation. Ainsi, si
d’importantes différences entres Etats sont constatées, l’Etat
d’accueil peut demander à ce qu'une épreuve d’aptitude soit
effectuée, ou requérir une expérience professionnelle.
En créant « l’espace Schengen », les accords de Schengen de 1985
ont permis la suppression des contrôles aux frontières. Mais à
cette époque, seuls cinq Etats sont concernés, et la convention
d’application n’est intervenue que cinq ans plus tard. Le Système
d’Information Schengen a néanmoins permis l’application par la
grande majorité des Etats du dispositif Schengen depuis 1995. Les
frontières internes à l'Union sont désormais totalement ouvertes
aux ressortissants des Etats membres ; les frontières extérieures
font en revanche l’objet d’un contrôle renforcé.
Libre circulation des services
La liberté des services repose sur la combinaison de :
- La liberté de prestation des services (possibilité pour un
prestataire d’offrir ses services dans un autres pays que le
sien)
- La liberté d’établissement dans un autre pays que le sien.
Cette liberté rejoint celle des personnes car il s’agit notamment
de la reconnaissance mutuelle des diplômes, qui pour certaines
professions libérales a été difficilement établie).
Mais les mesures permettant cette liberté sont difficiles à
mettre en œuvre en raison des disparités entre Etats. Chacun d’eux
fixe en effet pour son territoire ses propres règles et dispose de
sa propre législation. Les difficultés se sont ainsi notamment
posées dans le secteur de l’énergie, les Etats disposant de
monopoles et de normes protectionnistes. La Directive sur les
Services d’Investissement de 1993 a donc permis d'unifier le marché
européen dans le secteur des valeurs mobilières ; les Sociétés
de bourse, les sociétés de portefeuille ainsi que les
établissements de crédits ont ainsi été concernés. De même, les
compagnies d’assurances peuvent désormais mener leurs activités sur
tout le territoire de l’Union grâce au « passeport
européen », qui permet de reconnaître l’agrément délivré par
l’Etat membre de l’établissement. Enfin, les services postaux sont
ouverts depuis 2004 à toute entreprise (par autorisation ou simple
déclaration), et de nombreux autres secteurs ont été ouverts à la
concurrence (ex : chemins de fer).
Libre circulation des capitaux
Le grand marché européen, pour être compétitif, doit reposer sur
une circulation fluide des capitaux. Cette mise en œuvre a été
facilitée par la montée en puissance des marchés financiers
mondiaux, mais également par l’arrivée de la monnaie unique.
Des directives d’harmonisation ont ainsi été mises en place dans
les années 1980, afin de parvenir à une libéralisation totale des
mouvements de capitaux en 1990. Il s’agit pour les particuliers de
pouvoir obtenir des placements plus intéressants d’une part, et
pour les entreprises, de pouvoir acquérir et fusionner plus
facilement avec d’autres entreprises.
Renforcement des libertés
Ces libertés ont été confirmées par les textes ultérieurs.
L’Acte Unique Européen de 1986 approfondit les objectifs fixés en
1957, en s'engageant vers le marché unique, qui permet
l'épanouissement de ces libertés. Pour y parvenir, des normes
communautaire fondées sur l’harmonisation des règles nationales ont
dû être édictées, et des instruments communs nécessaires à l’accès
des produits sur le marché ont dû être mis en place.
Mais malgré toutes ces avancées, les écarts entre pays restent
parfois considérables. Les retards dans la mise en oeuvre de
certaines mesures ainsi que les élargissements successifs ont
freiné le processus d'harmonisation. Ainsi, certains Etats membres
ont des économies très différentes (ex : Roumanie et
Allemagne).