Corées

En 1945, la Corée était divisée en deux zones, séparées par le 38e parallèle, ligne de démarcation entre les troupes soviétiques au Nord et américaines au Sud. Depuis l’instauration de deux régimes totalement opposés, la Corée du Sud et la Corée du Nord entretiennent des relations difficiles. Aujourd’hui, les deux Corées ne se distinguent plus uniquement par leur vision politique et idéologique opposée, mais par leur situation économique et sociale. Alors que Séoul aspire à devenir une puissance régionale, son voisin ne parvient pas à s’extraire de sa posture défensive à l’égard des Etats-Unis.

Deux régimes opposés

La Corée du Nord est un régime communiste longtemps resté isolé du reste du monde et opposé au monde occidental, qui considère le pays instable et imprévisible. Cela a conduit à de vives tensions avec les Etats-Unis, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un en 2011. Le pays maintient en effet une forte idéologie qui défend en priorité l’indépendance du pays et la lutte contre l’impérialisme occidental. Au contraire, la Corée du Sud est devenue l’une des plus grandes puissances économiques du monde et bénéficie d’un rôle important sur la scène internationale. Démocratique, le pays bénéficie du traditionnel soutien américain (environ 30 000 militaires américains stationnent encore sur son territoire) et entretient d’importants liens avec le monde occidental, mais aussi avec l’Afrique, pour les richesses agricoles qu’elle détient.

Cependant, la Corée du Nord tente progressivement de sortir de son état autarcique, notamment en faisant appel à des investisseurs étrangers (construction de logements, de parcs d’attractions, etc.). De plus, le pays affiche sa volonté d’améliorer les conditions de vie de sa population, annonçant ainsi une timide transition vers un nouveau système économique (limitation des effets de la planification par exemple en laissant les entreprises déterminer leurs prix, développement d’une économie parallèle qui accroît les contacts avec l’extérieur etc.). Afin d’améliorer l’image du pays à l’étranger, et pour afficher aux yeux du monde son avancée vers la modernité, le régime nord-coréen souhaitait utiliser les réseaux sociaux, ce que refusaient toutefois Twitter et Youtube.

Et pour cause, la population nord-coréenne souffre depuis longtemps des difficultés économiques causées par sa politique de planification et les sanctions économiques imposées par l’ONU.

Malgré certaines difficultés, notamment liées aux sanctions internationales qui lui sont imposées, la Corée du Nord ne connaît plus de famines telles que le pays les a subies durant la fin des années 1990.

De même, en dépit de son développement économique, la Corée du Sud fait aujourd’hui face à une croissance en berne. Les licenciements se sont accélérés, les salaires sont bas et les conditions de vie restent difficiles. Le chômage et les inégalités se sont également accrus. En outre, la vie politique a été secouée en 2017: acculée par un scandale d’Etat et après d’importantes manifestations réclamant sa démission, la présidente Park Geun-hye était destituée.

En dépit de politiques divergentes, Corée du Sud et Corée du Nord ont appliqué des mesures semblables aux démocraties occidentales pour lutter contre le SARS-CoV-2. Des restrictions strictes ont ainsi été imposées aux deux populations.

Des rapports conflictuels

Durant la guerre froide, l’instauration de deux régimes opposés au sein des deux Corées était liée au soutien obtenu par chacun des deux blocs. Ainsi, les rapports entre les deux Corées ont longtemps été fonction de l’évolution des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et la Russie. Mais en 1998, la «politique du rayon de soleil» faisait prendre un nouveau tournant à la relation Nord-Sud en misant sur une coexistence pacifique. Cette même année, une zone touristique nord-coréenne était ouverte aux Sud-coréens. Et afin de poursuivre le processus d’apaisement, les relations économiques entre les deux Corées se sont développées.

Au début du 21e siècle, la Corée du Sud a ainsi tenté de nouer des relations plus cordiales avec son voisin. Des pourparlers étaient alors menés sous l’égide de la Chine à partir de 2003. Pourtant, dès la fin des années 2000 et suite à différents incidents militaires, les relations entre les deux Corées se sont à nouveau tendues. En 2008, la zone touristique était fermée et le développement de la zone économique conjointe a fortement ralenti. Le ton s’est également durci entre les deux Corées après le bombardement par Pyongyang de l’île sud-coréenne de Yeonpyeong en 2010. Les tensions se sont à nouveau accentuées lorsque Pyongyang a décidé de fermer la zone industrielle de Kaesong, dans laquelle travaillent des milliers d’ouvriers du Nord. Et après l’essai nucléaire nord-coréen fin 2015, Séoul et Pyongyang ont cessé tout dialogue. Alors qu’une escalade de tensions entre les deux pays ravivait la rivalité, des tirs de missile et des essais nucléaires nord-coréens en 2016-2017 accentuaient encore la scission. Cela donnait également lieu à d’importantes sanctions internationales, notamment économiques, à l’encontre de la Corée du Nord. C’est dans ce contexte et pour répondre à la menace nord-coréenne qu’en 2017, Washington déployait le bouclier THAAD en Corée du Sud.

Mais malgré ce climat tendu, chaque camp s’était ensuite engagé à ouvrir le dialogue. C’est dans ce contexte qu’en 2018, les Jeux olympiques ont été l’occasion de faire venir de hauts dignitaires nord-coréens en Corée du Sud, une première depuis la fin de la guerre de Corée en 1953. Cette année a également ouvert la voie à des négociations relatives aux processus de dénucléarisation.

Depuis 2017, la Corée du Nord favorise ainsi la «détente» avec son voisin car elle considère avoir d’ores et déjà constitué une force nucléaire minimale et que l’heure est désormais au développement économique, toutefois entravé par le maintien des sanctions par Washington. Mais en dépit de cette volonté et des multiples avancées récentes dans le dialogue intercoréen, les réalisations concrètes peinaient à se faire jour. En outre, les espoirs de paix se sont atténués en 2019 avec l’échec du sommet de Hanoï.

Les tensions sur la péninsule coréenne connaissaient même un nouveau regain en 2020: de multiples coups de feu étaient échangés au niveau de la Zone démilitarisée (DMZ) qui divise la péninsule. Puis, et en sus d’attaques verbales, la Corée du Nord décidait de couper toutes les lignes de communication avec le Sud car ce dernier laisse des militants des droits de l’homme lancer par-dessus la frontière des prospectus critiquant le régime nord-coréen. Par la suite, les Nord-coréens détruisaient le bureau de liaison de Kaesong, signifiant ainsi l’érection de son voisin du Sud au rang d’ennemi, bien loin de celui de partenaire.

Cette nouvelle politique offensive, soutenue par la sœur de plus en plus présente de Kim Jong-un, balayait les espoirs suscités par le sommet Nord-Sud de 2018 et la détente qui avait suivi. La Corée du Nord poursuivait en effet ses démonstrations de force, comme elle le faisait par exemple en dévoilant un missile intercontinental géant lors d’un défilé en 2020 ou en effectuant un tir d’essai d’un missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) ou des tirs d’essai d’un nouveau «missile de croisière longue portée» en 2021.

Kim Jong-un refuse en effet d’abandonner ses armes nucléaires, qui constituent un arsenal vital et stratégique pour le pays. Or les États-Unis réclament la dénucléarisation complète avant toute normalisation des relations bilatérales et toute levée des sanctions. De son côté, face à l’absence de concession américaine, la Corée du Nord poursuivait son programme nucléaire et balistique et ne mettait pas en place de mesures concrètes de dénucléarisation (ex: démantèlement d’infrastructures nucléaires). Cette posture défensive s’est renforcée avec les rapprochements qui ont eu lieu entre la Corée du Sud et les Etats-Unis.

Les deux pays ont mené d’importants exercices militaires conjoints annuels, que le régime nord-coréen a considéré comme une préparation à l’invasion de son territoire. Aussi, ils s’accordent sur la participation de la Corée du Sud aux frais de déploiement des forces américaines sur son sol jusqu’en 2025 (Special Measures Agreement (SMA)). Ces liens entre les deux pays expliquent que les Coréens du Nord considèrent le Sud comme des pions des Etats-Unis.

Malgré cela, le gouvernement sud-coréen poursuivait sa stratégie visant la réunification et la mise en place de relations intercoréennes pacifiques susceptibles de conduire à la création d’une nouvelle communauté économique dans la péninsule.

Face aux menaces de la Corée du Nord, les Sud-coréens ont traditionnellement adopté une certaine retenue, cherchant à favoriser l’approche diplomatique et l’apaisement, dans le respect des sanctions internationales prises contre son voisin. De plus, la population sud-coréenne ne craint pas la Corée du Nord, considérant qu’elle n’usera pas de ses capacités nucléaires puisque cela provoquerait des représailles massives signifiant son anéantissement.

La Corée du Sud avait ainsi réouvert le parc industriel intercoréen de Kaesong et reprenait les liaisons routières ou ferroviaires dans le cadre de sa vision d’une «nouvelle carte économique de la péninsule coréenne». Le pays est toutefois entravé dans son action par le refus américain de lever partiellement les sanctions, qui réduisent ses marges de manœuvre.

Et en 2021, la restauration de la liaison transfrontalière après des mois d’interruption signait le rétablissement des relations intercoréennes. Les lignes de communication directes entre les deux Corées ont ensuite été rétablies. Puis, la sœur de Kim Jong-un a affirmé que la Corée du Nord pourrait envisager un sommet intercoréen, voire déclarer officiellement la fin de la guerre de Corée, un conflit en effet toujours actif depuis 1953 car ayant pris fin sans traité de paix. Toutefois, la Corée du Nord soumettait ces avancées à la fin de la «politique hostile» menée par son voisin à son égard.

Le dirigeant nord-coréen pointait quant à lui du doigt la responsabilité des États-Unis dans les tensions qui se jouent sur la péninsule coréenne. Il rappelait également que le développement militaire de son pays ne visait pas le Sud, refusant tout nouveau conflit sur la péninsule. Ainsi, la Corée du Nord poursuivait ses tirs de missiles.