Deux régimes opposés
La Corée du Nord est un régime communiste longtemps resté isolé
du reste du monde et opposé au monde occidental, qui considère le
pays instable et imprévisible. Cela a conduit à de vives tensions
avec les Etats-Unis, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Kim
Jong-un en 2011. Le pays maintient en effet une forte idéologie qui
défend en priorité l’indépendance du pays et la lutte contre
l’impérialisme occidental. Au contraire, la Corée du Sud est
devenue l’une des plus grandes puissances économiques du monde et
bénéficie d’un rôle important sur la scène internationale.
Démocratique, le pays bénéficie du traditionnel soutien américain
(environ 30 000 militaires américains stationnent encore sur son
territoire) et entretient d’importants liens avec le monde
occidental, mais aussi avec l’Afrique, pour les richesses agricoles
qu’elle détient.
Cependant, la Corée du Nord tente progressivement de sortir de
son état autarcique, notamment en faisant appel à des investisseurs
étrangers (construction de logements, de parcs d’attractions,
etc.). De plus, le pays affiche sa volonté d’améliorer les
conditions de vie de sa population, annonçant ainsi une timide
transition vers un nouveau système économique (limitation des
effets de la planification par exemple en laissant les entreprises
déterminer leurs prix, développement d’une économie parallèle qui
accroît les contacts avec l’extérieur etc.). Afin d’améliorer
l’image du pays à l’étranger, et pour afficher aux yeux du monde
son avancée vers la modernité, le régime nord-coréen souhaitait
utiliser les réseaux sociaux, ce que refusaient toutefois Twitter
et Youtube.
Et pour cause, la population nord-coréenne souffre depuis
longtemps des difficultés économiques causées par sa politique de
planification et les sanctions économiques imposées par l’ONU.
Malgré certaines difficultés, notamment liées
aux sanctions internationales qui lui sont imposées, la Corée du
Nord ne connaît plus de famines telles que le pays les a subies
durant la fin des années 1990.
De même, en dépit de son développement économique, la Corée du
Sud fait aujourd’hui face à une croissance en berne. Les
licenciements se sont accélérés, les salaires sont bas et les
conditions de vie restent difficiles. Le chômage et les inégalités
se sont également accrus. En outre, la vie politique a été secouée
en 2017: acculée par un scandale d’Etat et après d’importantes
manifestations réclamant sa démission, la présidente Park Geun-hye
était destituée.
En dépit de politiques divergentes, Corée du
Sud et Corée du Nord ont appliqué des mesures semblables aux
démocraties occidentales pour lutter contre le SARS-CoV-2. Des
restrictions strictes ont ainsi été imposées aux deux
populations.
Des rapports conflictuels
Durant la guerre froide, l’instauration de deux régimes opposés
au sein des deux Corées était liée au soutien obtenu par chacun des
deux blocs. Ainsi, les rapports entre les deux Corées ont longtemps
été fonction de l’évolution des relations diplomatiques entre les
Etats-Unis et la Russie. Mais en 1998, la «politique du rayon de
soleil» faisait prendre un nouveau tournant à la relation Nord-Sud
en misant sur une coexistence pacifique. Cette même année, une zone
touristique nord-coréenne était ouverte aux Sud-coréens. Et afin de
poursuivre le processus d’apaisement, les relations économiques
entre les deux Corées se sont développées.
Au début du 21e siècle, la Corée du Sud a ainsi tenté de nouer
des relations plus cordiales avec son voisin. Des pourparlers
étaient alors menés sous l’égide de la Chine à partir de 2003.
Pourtant, dès la fin des années 2000 et suite à différents
incidents militaires, les relations entre les deux Corées se sont à
nouveau tendues. En 2008, la zone touristique était fermée et le
développement de la zone économique conjointe a fortement ralenti.
Le ton s’est également durci entre les deux Corées après le
bombardement par Pyongyang de l’île sud-coréenne de Yeonpyeong en
2010. Les tensions se sont à nouveau accentuées lorsque Pyongyang a
décidé de fermer la zone industrielle de Kaesong, dans laquelle
travaillent des milliers d’ouvriers du Nord. Et après l’essai
nucléaire nord-coréen fin 2015, Séoul et Pyongyang ont cessé tout
dialogue. Alors qu’une escalade de tensions entre les deux pays
ravivait la rivalité, des tirs de missile et des essais nucléaires
nord-coréens en 2016-2017 accentuaient encore la scission. Cela
donnait également lieu à d’importantes sanctions internationales,
notamment économiques, à l’encontre de la Corée du Nord. C’est dans
ce contexte et pour répondre à la menace nord-coréenne qu’en 2017,
Washington déployait le bouclier THAAD en Corée du Sud.
Mais malgré ce climat tendu, chaque camp s’était ensuite engagé
à ouvrir le dialogue. C’est dans ce contexte qu’en 2018, les Jeux
olympiques ont été l’occasion de faire venir de hauts dignitaires
nord-coréens en Corée du Sud, une première depuis la fin de la
guerre de Corée en 1953. Cette année a également ouvert la voie à
des négociations relatives aux processus de dénucléarisation.
Depuis 2017, la Corée du Nord favorise ainsi la «détente» avec
son voisin car elle considère avoir d’ores et déjà constitué une
force nucléaire minimale et que l’heure est désormais au
développement économique, toutefois entravé par le maintien des
sanctions par Washington. Mais en dépit de cette volonté et des
multiples avancées récentes dans le dialogue intercoréen, les
réalisations concrètes peinaient à se faire jour. En outre, les
espoirs de paix se sont atténués en 2019 avec l’échec du sommet de
Hanoï.
Les tensions sur la péninsule coréenne connaissaient même un
nouveau regain en 2020: de multiples coups de feu étaient échangés
au niveau de la Zone démilitarisée (DMZ) qui divise la péninsule.
Puis, et en sus d’attaques verbales, la Corée du Nord décidait de
couper toutes les lignes de communication avec le Sud car ce
dernier laisse des militants des droits de l’homme lancer
par-dessus la frontière des prospectus critiquant le régime
nord-coréen. Par la suite, les Nord-coréens détruisaient le bureau
de liaison de Kaesong, signifiant ainsi l’érection de son voisin du
Sud au rang d’ennemi, bien loin de celui de partenaire.
Cette nouvelle politique offensive, soutenue par la sœur de plus
en plus présente de Kim Jong-un, balayait les espoirs suscités par
le sommet Nord-Sud de 2018 et la détente qui avait suivi. La Corée
du Nord poursuivait en effet ses démonstrations de force, comme
elle le faisait par exemple en dévoilant un missile
intercontinental géant lors d’un défilé en 2020 ou en effectuant un
tir d’essai d’un missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) ou
des tirs d’essai d’un nouveau «missile de croisière longue portée»
en 2021.
Kim Jong-un refuse en effet d’abandonner ses armes nucléaires,
qui constituent un arsenal vital et stratégique pour le pays. Or
les États-Unis réclament la dénucléarisation complète avant toute
normalisation des relations bilatérales et toute levée des
sanctions. De son côté, face à l’absence de concession américaine,
la Corée du Nord poursuivait son programme nucléaire et balistique
et ne mettait pas en place de mesures concrètes de dénucléarisation
(ex: démantèlement d’infrastructures nucléaires). Cette posture
défensive s’est renforcée avec les rapprochements qui ont eu lieu
entre la Corée du Sud et les Etats-Unis.
Les deux pays ont mené d’importants exercices
militaires conjoints annuels, que le régime nord-coréen a considéré
comme une préparation à l’invasion de son territoire. Aussi, ils
s’accordent sur la participation de la Corée du Sud aux frais de
déploiement des forces américaines sur son sol jusqu’en 2025
(Special Measures Agreement (SMA)). Ces liens entre les deux pays
expliquent que les Coréens du Nord considèrent le Sud comme des
pions des Etats-Unis.
Malgré cela, le gouvernement sud-coréen poursuivait sa stratégie
visant la réunification et la mise en place de relations
intercoréennes pacifiques susceptibles de conduire à la création
d’une nouvelle communauté économique dans la péninsule.
Face aux menaces de la Corée du Nord, les
Sud-coréens ont traditionnellement adopté une certaine retenue,
cherchant à favoriser l’approche diplomatique et l’apaisement, dans
le respect des sanctions internationales prises contre son voisin.
De plus, la population sud-coréenne ne craint pas la Corée du Nord,
considérant qu’elle n’usera pas de ses capacités nucléaires puisque
cela provoquerait des représailles massives signifiant son
anéantissement.
La Corée du Sud avait ainsi réouvert le parc industriel
intercoréen de Kaesong et reprenait les liaisons routières ou
ferroviaires dans le cadre de sa vision d’une «nouvelle carte
économique de la péninsule coréenne». Le pays est toutefois entravé
dans son action par le refus américain de lever partiellement les
sanctions, qui réduisent ses marges de manœuvre.
Et en 2021, la restauration de la liaison transfrontalière après
des mois d’interruption signait le rétablissement des relations
intercoréennes. Les lignes de communication directes entre les deux
Corées ont ensuite été rétablies. Puis, la sœur de Kim Jong-un a
affirmé que la Corée du Nord pourrait envisager un sommet
intercoréen, voire déclarer officiellement la fin de la guerre de
Corée, un conflit en effet toujours actif depuis 1953 car ayant
pris fin sans traité de paix. Toutefois, la Corée du Nord
soumettait ces avancées à la fin de la «politique hostile» menée
par son voisin à son égard.
Le dirigeant nord-coréen pointait quant à lui du doigt la
responsabilité des États-Unis dans les tensions qui se jouent sur
la péninsule coréenne. Il rappelait également que le développement
militaire de son pays ne visait pas le Sud, refusant tout nouveau
conflit sur la péninsule. Ainsi, la Corée du Nord poursuivait ses
tirs de missiles.