Origine des tensions
L’Iran et l’Arabie saoudite sont deux théocraties qui
s’affrontent depuis des siècles en raison de leurs divergences
religieuses, mais aussi à cause de l’emprise saoudienne sur les
lieux saints de l’Islam. L’Iran est en effet un pays à majorité
chiite, tandis que l’Arabie saoudite est sunnite.
La rivalité sunnite/chiite résulte de la mort
du prophète de l’Islam en 632. En effet, pour choisir son
successeur, certains vont alors se tourner vers des compagnons du
prophète, d’autres vers Ali, cousin du prophète ayant épousé une
fille du prophète. Les partisans d’Ali sont devenus les chiites,
considérés comme les descendants directs du prophète. Ainsi, pour
Téhéran, les pouvoirs spirituel et temporel devrait revenir aux
descendants d’Ali. Or les actuels dirigeants sunnites de l’Arabie
ne sont pas des descendants directs d’Ali, ce qui fait dire à
l’Iran que les dirigeants saoudiens sont des usurpateurs.
La doctrine religieuse de l’Arabie saoudite est le wahhabisme,
une pratique religieuse sur laquelle s’est fondé le pays lorsqu’il
a lutté contre l’Union soviétique dans les années 1980. Mais cette
doctrine a été régulièrement critiquée ces dernières années en
raison de l’influence croissante du terrorisme islamiste, dont
l’idéologie est proche.
Originellement considéré comme une secte, le
wahhabisme est un courant fondamentaliste de l’islam sunnite, perçu
par certains comme un mouvement extrémiste. Il s’agit d’une
prédication religieuse qui dit revenir à l’islam des ancêtres en se
fondant sur une lecture sans interprétation des textes sacrés. Les
wahhabites rejettent donc toute déviance de l’islam
traditionnel.
Certains pays, et notamment l’Iran, ont en effet accusé le pays
de fabriquer des terroristes: pour le ministre iranien des Affaires
étrangères, l’Arabie saoudite a inspiré et financé les mouvements
d’Al-Qaida à l’Etat islamique. L’Arabie saoudite avait fourni 15
des 19 terroristes des attentats du 11-Septembre et diffusé le
salafisme à travers la planète. Malgré cela, l’Arabie saoudite
s’était engagée dans la lutte contre l’Etat islamique, le pays
étant devenu une cible de l’organisation terroriste depuis fin
2014.
Historique des tensions
Les divergences religieuses ont été à l’origine de rivalités. Et
pour cause, lorsque l’ayatollah Khomeyni a pris le pouvoir en 1979,
son projet était d’exporter la révolution islamique chiite dans
tout le monde musulman.
Dans les années 1980, la guerre Iran-Irak
concrétisera l’opposition entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
Face à cette menace, l’Arabie saoudite va tenter d’affaiblir son
rival, notamment sur le terrain de l’énergie: Riyad va augmenter sa
production de pétrole pour faire chuter les prix et ainsi porter
atteinte aux exportations iraniennes. Les deux rivaux
s’affronteront en effet notamment sur le marché du pétrole. Ces
rivalités conduiront à une interruption des relations diplomatiques
en 1988, avant que les années 1990 ne soient celles de
l’apaisement. Mais après la chute de Saddam Hussein en 2003,
l’arrivée au pouvoir d’un chiite suscite des craintes à Riyad, qui
redoute le renforcement de l’influence iranienne. Puis les
“printemps arabes” vont de nouveau opposer les deux pays, qui
s’affronteront par alliés interposés en Syrie, au Yémen et au
Bahreïn.
En Syrie, l’Arabie saoudite a soutenu la
rébellion islamiste luttant contre le président Bachar el-Assad. En
revanche, le Hezbollah libanais, allié à l’Iran, a aidé le régime
syrien et s’est battu contre les rebelles. Après avoir soutenu le
régime syrien de Bachar Al-Assad, issu d’une branche du chiisme,
Téhéran va de nouveau se mesurer à Riyad, cette fois-ci au Yémen en
2015. L’Arabie saoudite s’est alors en effet engagée contre les
milices houthistes du Yémen, soutenues par l’Iran. A travers ce
conflit, la monarchie sunnite luttait indirectement contre l’Iran
chiite.
De, plus, dans les années 2010, face à la menace d’un Iran
renforçant son influence sur la région, l’Arabie saoudite a fait
artificiellement baisser les prix du pétrole afin d’éviter que son
rival ne se reconstitue en tant que puissance financière et que sa
capacité de nuisance ne s’étende sur la région. De plus, l’accord
sur le nucléaire iranien de 2015 a augmenté les craintes de Riyad
d’un accroissement du pouvoir iranien. Et pour cause, en concluant
cet accord sur le nucléaire, le président américain entendait
laisser à l’Iran le rôle de nouveau gendarme régional afin de
rééquilibrer le pouvoir de force avec l’Arabie saoudite, et donc
les rapports entre sunnites et chiites pour stabiliser le
Moyen-Orient, une région rongée par les conflits. Mais les
Etats-Unis de Donald Trump changeront de ligne de conduite,
craignant l’influence croissante de l’Iran.
De même, Israël craint le pouvoir croissant de
l’Iran, notamment en raison du programme de missiles
iraniens.
Et en 2016, les relations diplomatiques étaient de nouveau
rompues. Les relations ont été rompues après le saccage de
l’ambassade du royaume à Téhéran qui résultait de l’exécution par
Riyad de cheikh Nimr al-Nimr, un prêtre chiite influent.
Cette relation tendue avec l’Arabie saoudite s’aggravait en
2017, lorsque la monarchie rompait ses liens avec le Qatar, qui se
rapprochait alors de l’Iran, entendant profiter de l’isolement
qatarien pour accroître son influence sur ce pays. De même, dans le
contexte de la guerre en Syrie et en Irak, une alliance se mettait
en place avec la Turquie pour contrer Riyad. Ainsi, lorsque
l’Arabie saoudite a vu ses installations pétrolières attaquées en
2019, elle a immédiatement dénoncé l’Iran.
Puis, les tensions sont allées croissant lorsqu’en 2018, le
président américain a retiré les États-Unis de l’accord sur le
nucléaire iranien et de nouveau imposé des sanctions à Téhéran.
C’est alors que Washington et Riyad ont accusé l’Iran de livrer des
missiles et des drones aux Houthis au Yémen. Pourtant, Riyad n’a
cessé depuis 2015 d’effectuer des efforts de rapprochement avec
Bagdad. En effet, depuis que Mohammed ben Salman (fils du roi
Salman ben-Abdelaziz Al-Saoud) a acquis du pouvoir, la monarchie
saoudienne a modifié son approche des questions régionales. Le pays
cherche en effet davantage à prendre position sur ces questions.
Ainsi, alors que le pays adoptait traditionnellement une posture
défensive évitant les conflits, il cherche désormais à développer
des relations avec certaines régions du monde (ex: Asie),
bouleversant ainsi sa politique extérieure.