Mise à jour : October 2024

Russie

La Fédération de Russie est le plus vaste pays au monde (neuf fuseaux horaires). Elle s’étend sur une superficie de 17 millions de km2 (contre 22 millions durant la période soviétique), divisés en 7 arrondissements fédéraux et 21 régions autonomes. Le pays bénéficie d’importantes ressources minières et énergétiques qui lui ont permis de devenir l’un des principaux exportateurs mondiaux et un acteur influent à l’échelle internationale (blé, engrais, gaz, pétrole, etc.). La puissance économique de la Russie s’accompagne d’une influence politique, qui s’appuie notamment sur son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, mais aussi sur sa technologie militaire, nucléaire et spatiale de pointe.

Bref historique

Au début du 20e siècle, la Russie connaît de violentes crises qui provoquent le soulèvement de sa population. D’importantes grèves, auxquelles s’ajoutent des revers militaires et notamment une importante défaite face au Japon, contraignent le tsar Nicolas II à quitter le pouvoir. La Révolution bolchévique de 1917 va ensuite donner naissance à la République fédérative soviétique de Russie (1918) puis à l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) en 1922. Ce nouvel état des choses va permettre à Lénine d’appliquer les préceptes marxistes, avant de les assouplir avec la Nouvelle politique économique (NEP). Puis, Staline renouera avec un socialisme “pur”, notamment en créant des collectivités communales. L’économie sera alors totalement contrôlée par l’Etat et des millions de citoyens regroupés dans des camps de travail. Mais la rigidité bureaucratique de l’URSS (prix fixés arbitrairement, énormes dépenses en armement, etc.) paralyse son économie et aggrave la situation sociale des Soviétiques (le pays connaîtra une grave famine).

L’URSS occupera néanmoins une place importante sur la scène internationale. En effet, son rôle déterminant lors de la Seconde Guerre mondiale en fera un acteur incontournable qui ne cessera de s’affirmer durant la guerre froide, après sa démonstration de force lors du blocus de Berlin. La période de la guerre froide permettra toutefois à l’URSS de faire progressivement évoluer son économie et son régime politique. En effet, la fin de la période stalinienne rompt avec les politiques précédentes: Khrouchtchev déclare vouloir améliorer le niveau de vie de la population. En revanche, avec son successeur, Léonid Brejnev, le parti communiste dominera à nouveau la vie politique et l’élite bureaucratique s’opposera régulièrement à l’intelligentsia. Mais l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev changera la donne en proposant sa politique de transparence (glasnost) et de restructuration du pays (perestroïka). Malgré cela, l’URSS implosera en 1991.

Dans les années qui suivent, la Russie connaît une grave crise économique en raison de la conversion du pays au libéralisme: son PIB ne reviendra à son niveau de 1990 qu’en 2005. Malgré cette évolution, les inégalités sociales se sont accrues depuis la chute de l’URSS et la pauvreté a gagné du terrain dans le pays. En effet, si le niveau de vie avait augmenté dans les années 2000, il s’est ensuite progressivement dégradé: le taux de pauvreté était en hausse presque constante depuis 2012 et l’inflation augmentait.

La Russie a néanmoins bénéficié de son ouverture à l’économie de marché grâce à l’exportation d’hydrocarbures et au développement du secteur des services marchands, au détriment du secteur industriel. L’économie s’est ainsi organisée autour des matières premières énergétiques, au premier rang desquelles figurent le pétrole brut et le gaz naturel. Le pays a ensuite intégré l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2012 et accru son rôle dans le système de commerce multilatéral.

Politique intérieure

Depuis le début du 21e siècle, la Russie renoue progressivement avec la recentralisation des pouvoirs au nom de la « diagonale du pouvoir » (limitation du pouvoir des élus de province, contrôle des médias, contrôle des oligarques, etc.). Cette nouvelle politique russe s’est inscrite dans la durée, facilitée par les jeux de pouvoir opérés au sein de l’élite politique (notamment entre Dimitri Medvedev et Vladimir Poutine dans les années 2010).

L’opposition a régulièrement dénoncé des fraudes et déstabilisé le pouvoir par différents mouvements de révolte internes, dénonçant notamment sa corruption (ex: Pussy Riot, Alexeï Navalny décédé en 2024) et des valeurs peu en accord avec celles de l’Occident. Ainsi, outre le blocage de plateformes de réseaux sociaux (Meta), l’Occident dénonce un paysage médiatique intérieur russe censuré et très contrôlé (grâce à un réseau d’appareils de lutte contre les menaces, TSPU), certains médias indépendants ayant été contraints de poursuivre leurs activités depuis l’extérieur du pays (ex: Novaïa Gazeta, Meduza, Dojd).

La Russie tente également d'assurer son autonomie stratégique, menant une politique de souveraineté économique et financière depuis 2014: les sanctions occidentales qui s'abattent alors sur le pays en raison de son annexion de la Crimée l'incitent à construire son indépendance (restriction à l’exportation et à l’importation, exclusion du système bancaire international des établissements russes, gel des avoirs de la Banque centrale russe, etc.). Ainsi, en dépit des sanctions ultérieure, l'économie russe fera preuve de résilience en raison de sa politique de dédollarisation ou encore par la faiblesse de sa dette publique (environ 16% du PIB en 2023), qui la rend peu dépendante à l’égard des banques. Cependant, l'économie russe ne s’est pas réellement diversifiée ces dernières années.

Relations extérieures

La Russie occupe une place importante sur la scène internationale, tant d’un point de vue diplomatique que militaire, mais aussi en tant que fournisseur d’énergie.

Une puissance militaire et politique croissante

Dans un monde où la puissance américaine dispose d’un budget militaire considérable et où les menaces sont multiples, la Russie a cherché ces dernières années à développer son armement. Le budget militaire a augmenté dès l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, l’objectif étant de réformer les forces armées et de favoriser la reconstruction militaire.

Le pays a également recours à l’arme informatique pour mener des attaques informationnelles (sharp power) et des opérations d’espionnage, que l’Europe considère comme des ingérences et des actions subversives.

Une expansion stratégique

La Russie cherche à accroître son influence sur les territoires post-soviétiques: en Ukraine, dans le Caucase, mais aussi en Biélorussie. Elle tend ainsi à retrouver son pouvoir sur une région qu’elle ne souhaite pas voir accaparée par le camp euro-atlantique. Ainsi, suite à l’annexion de la Crimée, elle y a installé des unités militaires, accélérant la militarisation de la péninsule.

Mais pour renforcer son autonomie et développer son influence, la Russie mise également sur son intégration au sein des pays d’Afrique subsaharienne. Son influence s’est ainsi renforcée dans la région ces dernières années (ex : Mali). La Russie apporte des technologies utiles à certains pays comme l’Algérie, le Nigeria ou encore l’Égypte (ex: construction d’une centrale nucléaire). Mais c’est surtout à travers les prestations de sécurité que les liens avec l’Afrique se nouent. Les Russes fournissent des forces militaires ainsi que des armes afin de garantir la sécurité de gouvernements, infrastructures ou entreprises. Il s’agit en effet d’acteurs étatiques ou non-étatiques dont l’expertise et la réputation sont appréciées en Afrique, à l’image de la société militaire semi-privée Wagner, principal outil d’influence russe en Afrique (devenu Africa corps).

Mais les Russes cherchent également de nouveaux lieux d’approvisionnement en misant sur l’Arctique, dont ils tendent à faire l’une des principales zones minières et routes maritimes du monde (projet «Arctic 2035»).

Une influence politique internationale croissante

Outre sa participation aux BRICS et à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), la Russie s’est trouvée à plusieurs reprises en position de force sur le terrain militaire autant que diplomatique en jouant un rôle crucial dans certains conflits (ex: Syrie).

La Russie est ainsi devenue un interlocuteur et un médiateur incontournable pour de nombreux dirigeants du monde arabe, marginalisant parfois le rôle des Etats-Unis. Elle a en effet mené politique étrangère active, négociant avec des pays ou des organisations aux visées divergentes (ex: Hezbollah, Israël) afin de préserver ses intérêts et sa souveraineté tout en pacifiant certains conflits au Moyen-Orient. Le pays cherche également à diffuser sa vision du monde, notamment à travers certaines organisations.

Une opposition à l’Occident

A mesure qu’elle retrouvait un rang stratégique sur la scène internationale, la Russie s’est éloignée de l’Occident, avec lequel les relations étaient pourtant bonnes après la chute de l’Union soviétique. En effet, au-delà des valeurs divergentes entre une Russie nationaliste et un Occident longtemps orienté vers le multilatéralisme et la mondialisation, tous deux se sont détournés l’un de l’autre au début de 21e siècle. Ainsi, nombre de divergences sont apparues au fil des années sur de nombreux dossiers (ex : Syrie, Libye), provoquant parfois de vives tensions (ex: affaire Skripal en 2018, menaces nucléaires en 2022-2023).

De plus, l’extension de l’OTAN vers l’Est et l’élargissement de l’Union européenne à d’anciennes républiques socialistes ont été perçus par la Russie comme des menaces à son intégrité. La Russie cherche en effet à ne pas avoir d’ennemi à ses frontières immédiates. Moscou s’est donc évertué à éviter le déploiement du bouclier américain en Europe de l’Est, mais aussi la remise en cause de la neutralité de l’Ukraine (qui profiterait aux Etats-Unis). Le Kremlin refusait par conséquent l’entrée de l’Ukraine dans l’Alliance atlantique, cela étant susceptible de conduire au déploiement d’unités de l’OTAN à ses frontières.

Ainsi, face à l’avancée indirecte du géant américain vers l’est, la Russie a défendu l’avènement d’un monde multipolaire, dans un mouvement de contestation de la Pax Americana (paix sous domination américaine). Elle est devenue un pays moteur dans la désoccidentalisation de la gouvernance mondiale, notamment fondée sur l’influence croissante de l’OCS. Refusant les prétentions hégémoniques occidentales à la perpétuation d’un ordre mondial unipolaire, les relations entre la Russie et le bloc occidental se sont fortement tendues à mesure de l’extension de l’Alliance atlantique. Cette situation a conduit la Russie à mener des actions visant au respect de son espace d’influence, et notamment à reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud, une petite république séparatiste géorgienne pro-russe qui sera l’objet d’un bref affrontement entre la Russie et la Géorgie en 2008. Puis, en 2014, le rattachement de la Crimée à la Russie entraînera l’adoption de nombreuses sanctions occidentales visant la Russie (restriction des échanges économiques).

Rattachée à l’Ukraine en 1954, la Crimée avait le statut d’une République autonome, dotée de son propre Parlement. Ce territoire avait donc organisé, en 2014, un référendum sur son rattachement à la Russie, conduisant à l’annexion de la Crimée par la Russie, qui a ensuite investi dans les infrastructures (écoles, hôpitaux). La Russie tend en effet à replacer dans sa zone d’influence plusieurs régions voisines, à unifier le peuple russe. Après avoir annexé la Crimée — qui avait été rattachée à l’Ukraine en 1954 par Khrouchtchev après avoir été russe depuis 1774 —, la Russie entendait continuer à protéger les russophones. Ce faisant, elle s’est implantée dans certaines régions, où elle a accru son influence militaire autant que sa sphère d’influence politique (référendums sur le rattachement des régions du Donbass).

C’est dans ce contexte qu’en 2022, la guerre en Ukraine regagnait en intensité et distendait encore davantage les liens entre Russes et Occidentaux. En riposte à l’invasion russe, de lourdes sanctions étaient en effet imposées par plusieurs pays occidentaux à la Russie pour limiter ses capacités à financer son effort de guerre et contraindre le pays à se mettre à la table des négociations. Aussi, la Russie était écartée des sommets internationaux.

Dans les années qui suivent Russes et Occidentaux se sont affrontés sur le terrain militaire (ex: sabotage de Nord Stream 2 et celui du pont de Crimée attribués par la Russie aux Américains), mais aussi informationnel.

Le développement d’alliances

Les sanctions internationales ont conduit la Russie à créer ou renforcer ses liens stratégiques avec ses alliés. Certains pays soutiennent ainsi l’effort de guerre russe en renforçant leur coopération militaire avec Moscou, à l’image de la Corée du Nord, de l'Inde (60% du matériel militaire indien est russe) ou de l’Iran, mais aussi de la Chine (bien que ces relations soient opportunistes autant qu’asymétriques). Ces alliances s’inscrivaient dans le cadre de la stratégie russe du «pivot oriental», qui consiste à redéployer la politique étrangère et le commerce extérieur depuis l’Europe vers le Sud (Iran, Pakistan, Inde).

Le pays s’est ainsi tourné vers de nouveaux partenariats stratégiques et notamment vers le Moyen-Orient (pays du Golfe, Algérie). La coopération économique avec la Turquie s’est dans ce cadre approfondie suite aux sanctions occidentales (notamment dans le secteur de l’énergie). A l’inverse, les liens avec la Syrie sont préexistants, notamment liés à son implication dans le conflit au cours des années 2010; aussi la Russie y est-elle déjà très présente. De même, après avoir renforcé sa présence militaire en Libye, la Russie tente de s’y implanter économiquement (ex: secteur pétrolier), soutenue par l’Est libyen, qui souhaite établir avec Moscou un partenariat stratégique favorable à la multiplication des investissements russes (énergie, santé, éducation, etc.).