Méditerranée

La Méditerranée s’étend sur 4000 km d’Ouest en Est ; elle l’une des zones les plus conflictuelles au monde. Minée par les conflits, la région multiplie en effet les pôles de déstabilisation, secoués par l’implication de nombreuses puissances dans les rivalités régionales. Le monde arabe demeure une région du monde instable, une situation qui a pu être favorisée par son histoire.

Les difficultés du Moyen-Orient résulteraient notamment des accords Sykes-Picot de 1916, conclus entre la Grande-Bretagne et la France (mais également la Russie), afin que ces puissances se partagent les restes de l’Empire Ottoman. Ces territoires ont ainsi été répartis en zones d’influences britanniques et françaises, et les frontières fixées par les traités de Sèvres (1920) et le traité de Lausanne (1923), sans tenir compte de la géographie et des populations. C’est dans ce contexte que des foyers de violence émergent dans la région, d’abord avec le terrorisme arabe des années 1930, puis avec le terrorisme sioniste des années 1940, avant que l’établissement de l’Etat d’Israël ne mette véritablement le feu aux poudres.

Situation politique

Terrain de jeu d’importants mouvements terroristes islamistes, la région est également secouée par des conflits politiques. En 2011 en effet, plusieurs pays d’Afrique du Nord étaient secoués par les Printemps arabes, de vastes manifestations réclamant dans leurs pays respectifs des transitions démocratiques ainsi que des réformes sociales et économiques.

Depuis lors, les soulèvements ont cependant laissé la place à des contre-révolutions et à des constats d’échecs. En Egypte, après la parenthèse islamiste des Frères musulmans, issue des premières élections libres de l’histoire du pays, la population a assisté au retour de l’armée au pouvoir. En Libye et en Syrie, comme au Yémen, de longues guerres civiles ont amené le chaos, tandis que le Sahel sombrait dans le terrorisme islamiste: la grave déstabilisation de la Libye s’est diffusée à la bande sahélo-saharienne et a provoqué une crise migratoire en Méditerranée.

En Tunisie, seul pays à avoir mené une transition démocratique, la population dénonçait encore la persistance d’une mafia au pouvoir dans les années 2020, mais aussi la dégradation de la situation économique et sociale. Cela a également le cas en Algérie, où le mouvement de contestation (le Hirak) réclamait à la même période la mise en place d’un État de droit, d’une véritable démocratie respectueuse des libertés et la fin de la corruption. Dans les pays du Golfe, le climat politique a évolué à mesure qu’arrivait au pouvoir une nouvelle génération de dirigeants: au Qatar (Tamim Ben Hamad Al Thani), à Oman (Haitham Ben Tareq Al Saïd) et aux Emirats arabes unis (Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane), en Arabie saoudite (Mohammed Ben Salman en 2017). Ces pays ont alors multiplié les initiatives visant leur développement économique et devenaient des acteurs diplomatiques importants.

Les Etats du Golfe sont voisins du golfe Persique, un espace maritime riche en ressources gazières et pétrolières (la moitié des réserves mondiales) qui abrite le passage stratégique du détroit d’Ormuz. Grâce à ces richesses, qu’ils se sont réellement appropriées après les indépendances, les pays du Golfe sont devenus des «États rentiers». Ainsi la maîtrise des prix du marché mondial est-elle devenue cruciale pour ces pays qui dépendent économiquement du pétrole (qui représente 70 à 90% de leurs recettes publiques). Pour coopérer en la matière, les pays du Golfe continuent à œuvrer au sein de l’Organisation des Pays exportateurs de Pétrole (OPEP), créée en 1960. Cependant, les nouvelles générations de dirigeants du Golfe cherchent à réduire la dépendance de leurs pays aux revenus pétroliers et à trouver d’autres sources de revenus. Et pour cause, le réchauffement climatique et l’épuisement annoncé des réserves a changé la donne. Les Etats du Golfe aspirent donc à se moderniser, à amorcer une transition vers d’autres secteurs économiques et à assainir leurs finances publiques («Vision 2030» de l’Arabie saoudite, «Vision 2040» d’Oman, plan «Koweït 2035»). Dans le cadre de cette transition économique, en 2018, l’Arabie saoudite instaurait la TVA, à l’instar du Koweït ou encore des Emirats arabes unis, bouleversant des pays connaissant très peu la notion même d’impôt. Mais plus globalement, la tertiarisation, l’exploitation de l’énergie solaire ou des ressources gazières (Qatar), le développement d’un programme nucléaire (Abu Dabi) ou encore le renforcement du tourisme constituent autant de possibilités de développement. D’autres vont plus loin en proposant des projets de smart cities ultra-connectées quand d’autres encore optent pour une modernisation culturelle (ex: au Qatar, ensuite lentement devancé par les stratégies culturelles des Émirats). Ces différents programmes réformateurs induisent toutefois paradoxalement une consommation accrue en pétrole chez les pays du Golfe. Aussi, ces processus de modernisation se heurtent à la pression du conservatisme et des traditions nationales portées par des lobbies rigoristes et tribaux.

Les liens entre les pays du monde arabe se sont raffermis ces dernières années. Outre les accords d’Abraham, qui avaient permis le rapprochement de l’État hébreu avec les pays du Golfe, ces derniers avaient également mis fin aux tensions interétatiques lors d’un «sommet de la réconciliation» en 2021. De même, en 2022, les contacts reprenaient entre la Turquie et l’Arabie saoudite, qui l’année suivante renouait elle-même avec son grand rival régional, l’Iran. De son côté, la Syrie participait de nouveau, à partir de 2023, aux réunions de la Ligue arabe.

Des foyers de tensions persistants

Le Moyen-Orient a été rongé par une forte instabilité politique. Outre la Syrie et la Libye, qui ont basculé dans des guerres civiles, le Yémen s’est depuis 2014 enlisé dans un violent conflit entretenu par les rivalités entre le royaume saoudien et la république islamique d’Iran. Le Soudan a également basculé dans la guerre en 2023, en raison de rivalités politiques. La région est également marquée par des faiblesses économiques structurelles, dont le Liban est un symbole. Ces multiples difficultés ont favorisé la montée en puissance du djihadisme dans de nombreux pays, à commencer par l’Irak et la Syrie. Si l’Etat islamique ne contrôle plus les territoires qu’il avait réussi à occuper au sommet de son expansion, l’organisation demeure une menace au Moyen-Orient (ex: cellules dormantes clandestines).

Par ailleurs, des rivalités persistent au sein du monde arabe, entre un monde sunnite et un monde chiite.

Les relations difficiles entre l’Iran et ses voisins sunnites demeurent un sujet de tensions dans la région. En effet, certains voient ce pays à majorité chiite comme une menace, dans une région plutôt sunnite (Arabie saoudite (monarchie wahhabite), Emirats arabes unis (EAU), Qatar, Oman, Yémen, Koweït, le Bahreïn (monarchie sunnite pour une majorité de chiites)). Cette rivalité sunnite/chiite trouve sa source dans l’Histoire : à la mort du prophète de l’Islam en 632, certains croyants vont alors se tourner vers des compagnons du prophète en y voyant son successeur, d’autres vers Ali, cousin du prophète ayant épousé une fille du prophète. Les partisans d’Ali sont devenus les chiites, considérés comme les descendants directs du prophète.

Les pays arabes sont également divisés depuis des décennies sur la question israélienne. Si certains pays ont reconnu l’Etat hébreu quand d’autres remettaient en cause son existence, la majorité est demeurée silencieuse après l’offensive israélienne contre Gaza en 2023. Or la région a été bouleversée par l’attaque du 7 octobre 2023, menée par le Hamas contre Israël. Cet évènement a conduit à la riposte israélienne contre le mouvement palestinien, puis à l’élargissement du conflit dans le nord du Liban ou encore en mer Rouge.

Ainsi, avec la guerre à Gaza, la normalisation attendue entre Tel-Aviv et Riyad, qui aurait pu naître des accords d’Abraham, apparaissait désormais improbable. Aussi le monde arabe ne dérogeait-il pas à l’adage attribué au penseur Ibn Khaldoun pour évoquer les tensions et conflits qui malmènent le Maghreb et le Proche-Orient depuis la seconde moitié du 20e siècle: «Les Arabes se sont entendus pour ne jamais s’entendre. »