Pour appréhender cette notion, il fallait commencer par
comprendre l'ordre social et ses fondements. Pour cela, il faut
analyser le passage de l'état de nature à l'état social ;
longtemps étudiée, la question de cette transition trouve des
réponses dans les conceptions de Hobbes ou de Locke, qui
considèrent qu'elle résulte d'un contrat fondé sur la concordance
d'intérêts communs. Les rapports sociaux se fondent en priorité sur
des valeurs et des normes, qui sont intégrées par les individus et
conditionnent leurs actions. Ajoutés les uns aux autres, ces petits
mécanismes fondent ensemble le système social.
Le système est perçu dans sa globalité par Parsons, qui élabore
une conception systémique et fonctionnaliste de la société.
Pour qu'une société stable puisse exister, elle doit répondre à
plusieurs fonctions ; elle doit tout d'abord s'adapter à
l'environnement pour assurer la vie de la société ; elle doit
ensuite viser la poursuite d'objectifs ; puis elle doit
favoriser l'intégration des membres du groupe et enfin respecter et
maintenir les modèles et les normes en place.
Conception systémique de la société
Parsons se focalise sur le système social, qu'il appréhende de
manière systémique. La société serait composée d'éléments en
interaction perpétuelle ; ainsi les individus, le milieu et
l'environnement seraient toujours en relation.
Au sein de ce système, il existe un contrôle social fondé sur
l'information et les symboles. Une partie de la population est
placée au sommet de la hiérachie sociale et contrôle le reste de la
population.
Parsons définit donc le système social comme un ensemble
comprenant d'éléments en relation dynamique, animés par le biais
d'actions visant à atteindre un optimum de satisfaction. Ce système
regroupe donc trois notions : la personnalité, la culture et la
société. La personnalité est ce qui importe le plus car il guide la
conduite des actions individuelles. La notion d'action est au coeur
d'une construction intentionnelle, le produit d'un certain nombre
de ressources personnelles. Les individus font donc des choix pour
arriver à un but fixé, par divers moyens, matériels ou non. Ces
choix, même s'ils sont individuels, présupposent l'influence d'un
environnement, qui comporte des valeurs, des coutumes, des
moeurs.
En comparaison à la biologie, Parsons établit un lien entre le
fonctionnement de l'organisme et celui de société. Dans le corps
humain, les organes dépendent de l'action des uns et des autres;
chaque organe est donc étudié en fonction de l'organisme dans son
ensemble. Dans le cas de la société, on peut également superposer
le système global et les différents sous-systèmes, qui fonctionnent
tous de manière interdépendante.
Le premier sous-système est la communauté sociétale : il doit
permettre l'intégration sociale grâce à la connaissance de valeurs
et de normes qui fondent les droits et les obligations présentes
dans la société. A côté, le sous-système reposant sur le maintien
des modèles culturels forme les valeurs destinées à construire les
orientations culturelles, qui rassemblent un ensemble de valeurs
communes aux individus.
Systèmes et sous-systèmes
Les sous-systèmes en tant qu'entités inférieures au sein de la
société doivent se compléter. Ils amènent l'harmonie, et
l'équilibre au sein de l'entité globale ; chaque acteur ayant
intégré les normes et les valeurs de cette entité, ils contribuent
à la détermination des conduites. Le comportement sera ainsi
déterminé par cette intégration qui sous-tend le « système
d'action ». Il existe ainsi cinq principes inhérents au
système d'action appelées « variables de
configuration » :
- Affectivité et la neutralité affective : l'acteur se soumet à
ses propres sentiments, ou à l'inverse, les supprime
entièrement.
- Orientation vers la collectivité et vers soi : une action peut
se produire en fonction de buts communs, ou à l'inverse en fonction
des but totalement personnels.
- Particularisme ou universalisme des jugements de l'acteur
relatifs à son environnement.
- Diffusion ou spécificité de la personnalité suivant l'analyse
globale ou spécifique.
Ces principes intégrés aux sous-systèmes leurs permettent, à
travers une conception supérieure, de caractériser l'ordre social.
Ainsi les sous-systèmes se recoupent en quatre types :
- Sous-système économique : nécessaire pour s'adapter
- Sous-système politique : il définira les objectifs
- Sous-système culturel : il maintiendra les valeurs et les
normes
- Sous-système social : il conduira à l'intégration
sociale
Ces sous-systèmes occupent une place importante dans le
processus de socialisation. En effet au sein d'un groupe, pour être
accepté, il ne faut pas perdre de vue les normes et valeurs
sociales qui sont intégrées et retranscrites sous la forme
d'action ; ainsi, chaque action est un sous-système, et chaque
sous-système assure la communication entre les acteurs.
Robert Bales avait dans cette même optique montré que quatre
problèmes devaient être résolus au sein d'un groupe : la
réponse aux contraintes externes, assumer les tâches communes,
exprimer les ressentiments en fonction des autres et garantir la
continuité des normes et valeurs qui conduisent à une meilleure
solidarité et conduite du groupe.
Chacun des sous-systèmes énoncés précédemment intègrent quatre
fonctions, connues sous l'appellation AGIL. Celles-ci se révèlent
nécessaire à tout accomplissement, à toute action :
- Système économique : adaptation aux conditions
environnementales, grâce aux ressources qui y sont puisées pour
survivre (organisme).
- Système politique : réalisation d'objectifs collectifs
(Goal atainment), orientation vers la réalisation de buts
particuliers (personnalité).
- Système sociétale : intégration dans le système de ses
parties pour les équilibrer.
- Système culturel : latence, maintien des modèles
culturels, et reproduction des valeurs des sous-systèmes, pour
donner des motivations à l'action.
Chaque société pourrait selon lui se comprendre selon ce modèle.
Si toutes les sociétés peuvent se comprendre à l'aide de ce modèle,
chacune d'elles a subi un processus de différentiation suivant les
évolutions culturelles, historiques, ou encore religieuses. La
notion de modernité repose donc sur l'évolution de chaque
sous-système.
La société américaine selon Parsons
En prenant l'exemple de la société américaine contemporaine dans
laquelle il évolue, Parsons va étudier les valeurs et les actions
individuelles dans un contexte marqué par des facteurs sociaux
particuliers : recherche d'un emploi stable, besoin de trouver une
place où s'installer, et réussir professionnellement.Pour décrire
la société américaine, il élabore un modèle issu de la théorie des
systèmes. Puis il énonce les différentes institutions sociales
américaines que forment la famille, la justice, ou encore la
police ; ces institutions ne sont pas fermées, mais laissent
au contraire une marge de manoeuvre importante aux acteurs, qui
disposent de choix.
La famille américaine repose selon lui sur trois caractères
distincts :
- Il s'agit d'un système ouvert car les mariages sont moins liés
aux intérêts familiaux, qu'aux sentiments.
- Multilinéaire puisque les membres de la famille
s'équivalent.
- Conjugal car au sein d'une habitation ne résident que les époux
et leurs enfants directs.
Cela étant, cette structure amène à comprendre la plus grande
dépendance actuelle des enfants vis-à-vis de leurs parents,
l'émancipation étant plus difficile.
Parsons va établir un lien entre la parenté et l'exercice
professionnel. Ce dernier est perçu aux Etats-Unis comme symbole
d'accomplissement personnel et de réussite valorisante fondée sur
l'honneur. On porte un meilleur regard sur celui qui met en avant
ses succès personnels, que sur celui qui fonde sa réussite sur ses
liens de parenté. Mais dans ce système, il critique la place de la
femme, perçue comme une simple ménagère alors que son époux occupe
une place importante dans la société (il exerce un métier
déterminant pour le revenu du ménage.
La société industrielle américaine se focaliserait donc sur
l'universalisme et l'accomplissement de soi.
Cette analyse lui permet d'appréhender la relation particulière
médecin-patient qu'il souhaiterait réformer, rejetant ainsi
certains principes anciens qu'il considère dépassés. L'individu ne
doit plus lutter seul face à sa maladie et se soumettre à un
spécialiste qui ne lui parle pas de manière concrète de son
mal.