Entre provocations et sanctions
Après l’annexion de la Crimée, la montée en puissance de Moscou
a suscité de vives réactions occidentales.
Des sanctions ont alors été imposées à Moscou par les Etats-Unis
et l’Union européenne malgré l’importance des relations économiques
entretenues entre la Russie et l’Occident.
De nombreux pays européens refusaient ainsi d’imposer des
sanctions à Moscou, notamment en ciblant certains oligarques. Ainsi
de l’Italie, deuxième exportateur européen vers la Russie, mais
aussi de l’Espagne, qui a signé un accord stratégique global avec
Moscou en 2009.
La dépendance de nombreux pays occidentaux à l’égard du secteur
énergétique russe a elle aussi pesé dans le débat. L’Union dépend
pour 25 % à 30 % des livraisons de Gazprom. Malgré cela, la France
décidait de suspendre sa coopération avec Moscou et la vente des
rafales.
La Russie a augmenté pour la deuxième fois début avril le prix
du gaz vendu à l’Ukraine, lui faisant subir une hausse de 80 %.
Gazprom exigeait également que l’Ukraine rembourse sa dette
gazière. Menaçant de couper le gaz à l’Ukraine, la Russie a été
suspendue du Conseil de l’Europe. Moscou avait néanmoins décidé au
mois de juin de ne plus fournir de gaz à l’Ukraine, avant de
trouver un accord pour la reprise des livraisons de gaz russe à
Kiev début novembre 2014.
La multiplication des sanctions a provoqué une fuite de capitaux
en Russie : par crainte des sanctions, les investisseurs ont retiré
près de 70 milliards de dollars du pays entre janvier et mars.
Fin avril 2014, l’agence de notation Standard & Poor’s avait
ainsi abaissé la note du pays à BBB-. Mais ces sanctions ont été
considérées comme une aubaine pour une partie des Russes, qui
pensent que le pays doit sortir de sa dépendance aux devises et aux
produits importés (70 % des produits consommés), mais aussi à
l’égard de ses exportations de gaz et de pétrole, surtout vers
l’Europe.
Malgré cela, la Russie a poursuivi ses provocations militaires,
tandis que les séparatistes prorusses gagnaient du terrain dans la
partie russophone de l’Ukraine.
La république populaire de Donetsk s’est autoproclamée début
avril et plusieurs villes du sud-est de l’Ukraine ont été mises
sous contrôle de militants prorusses, conduisant ainsi de
nombreuses régions ukrainiennes à échapper à l’autorité de
Kiev.
Kiev a alors cherché à reprendre la main dans la région du
Donbass et à imposer un scrutin présidentiel. De son côté, le
Kremlin cherchait à imposer une fédéralisation de l’Ukraine tout en
évitant un combat armé.
Le 25 mai, les Ukrainiens étaient finalement invités à élire un
nouveau président. C’est ainsi que l’oligarque Petro Porochenko a
accédé au pouvoir. Le nouveau président s’est alors dit prêt à
dialoguer avec la Russie pour mettre fin à des mois de crise.
Allant à l’encontre des volontés de Moscou, le nouveau président
manifestait son intention de se rapprocher de l’Union européenne en
signant un accord de libre-échange, mais aussi de maintenir l’unité
du pays.
Un semblant de désescalade semblait alors s’amorcer : la Russie
retirait ses soldats situés à la frontière de l’Ukraine. Mais
rapidement, les soldats russes étaient redéployés le long de la
frontière orientale de l’Ukraine.
En juillet 2014, l’armée ukrainienne s’est alors lancée dans une
lutte contre l’insurrection armée, à l’est du pays.
Rapidement, l’armée ukrainienne reprenait alors la ville de
Sloviansk, remportant ainsi une première victoire symbolique avant
de se lancer dans la bataille de Donetsk, capitale des séparatistes
prorusses.
Un avion de ligne de la Malaysia Airlines était alors abattu
alors qu’il survolait l’est de l’Ukraine, provoquant de vives
réactions en Occident et révélant les liens entre la Russie et les
séparatistes prorusses. Moscou a cependant toujours nié
l’implication de ses soldats aux côtés des séparatistes prorusses
du Donbass ukrainien.
L’Union européenne a alors pris de nouvelles sanctions dans les
secteurs de la défense, de la finance ou encore de l’énergie.
L’escalade des sanctions occidentales a poussé le Kremlin à
brandir l’arme du gaz et à prendre des mesures contre l’UE : la
Russie a décrété un embargo total sur les produits alimentaires en
provenance de l’Union européenne, des Etats-Unis et de
l’Australie.
Après avoir subi de lourdes sanctions, la Russie a rencontré le
président ukrainien à la fin de l’été, ouvrant ainsi la voie à une
résolution diplomatique de la crise.
Parallèlement, Moscou poursuivait son avancée en Ukraine,
incitant Bruxelles et Washington à imposer de nouvelles
sanctions.
Un cessez-le-feu a finalement été signé le 5 septembre 2014
entre les représentants de Moscou, Kiev et des séparatistes. Et le
mois suivant, le président russe ordonnait le retrait de milliers
de soldats russes stationnés à la frontière ukrainienne.
Malgré le cessez-le-feu, les combats ont, dans une moindre
mesure, perduré, et les provocations ne se sont pas taries.
Fin octobre, des élections législatives étaient organisées,
permettant au nouveau président Petro Porochenko d’obtenir une
majorité solide et renforçant les pro-occidentaux. De leur côté,
les habitants de l’est de l’Ukraine étaient appelés aux urnes pour
élire un conseil populaire et un chef, près de six mois après le
référendum d’autodétermination de mai 2014.
Alexandre Zakhartchenko a alors été élu chef de la République
populaire de Donetsk. La Fédération de Russie a reconnu la validité
du scrutin, jugé illégitime par Kiev, l’Europe et Washington.
Le retour de la Russie
La crise ukrainienne a ravivé le nationalisme russe et restauré
les tensions entre Moscou et Washington plus de vingt ans après la
chute de l’Union soviétique.
Les rapports entre les deux puissances s’étaient pourtant
apaisés avec l’arrivée au pouvoir d’Eltsine ; la Russie était alors
très endettée tandis que les Etats-Unis vivaient dans la prospérité
économique. Lorsque Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir en 1999,
les choses ont évolué. Les premières tensions apparaissent lors de
la guerre du Kosovo, puis en Irak. Puis les « révolutions de
couleur » ont accentué la méfiance de Moscou qui les a considérées
comme pilotées par Washington. Mais c’est en 2008 que la Russie va
s’affirmer, lors de la guerre en Géorgie, alliée des Etats-Unis. Et
progressivement, la Russie va retrouver sa grandeur passée : cours
élevés du gaz et du pétrole, rénovation de l’appareil militaire,
etc.
Après l’annexion de la Crimée, le peuple russe a manifesté son
enthousiasme pour ce coup de force ; 90 % des Russes l’ont approuvé
et la popularité de Vladimir Poutine s’est élevée de 60 % en
janvier à 80 % en mars.
En exerçant une pression constante sans provoquer de riposte
militaire, la Russie cherchait à imposer ses vues sur un territoire
convoité.
La vision russe de la guerre moderne se fonderait en effet sur
l’information et l’action psychologique.
La montée en puissance de la Russie a inquiété les voisins de
l’Ukraine. Alors que la Moldavie craignait une contagion à la
Transnistrie, la Suède développait ses moyens de défense et la
Finlande projetait de signer un accord avec l’OTAN. De la même
façon, la Géorgie signait fin juin 2014 un accord d’association et
de libre-échange avec l’Union européenne ; cela a eu d’importantes
conséquences politiques en Géorgie, menant notamment à la démission
plusieurs ministres pro-occidentaux.
Les sanctions imposées à Moscou ont isolé la Russie et rapproché
un peu plus l’Ukraine du camp occidental. Aux sanctions s’est en
effet ajoutée l’exclusion de la Russie du club des puissants,
devenu le G7.
Cet éloignement de l’Occident a poussé la Russie a renforcer ses
liens avec la Chine pour réduire l’impact des sanctions. En
octobre, les deux pays ont signé des accords de livraison de gaz
russe vers la Chine, mais aussi des accords destinés à accroître le
volume de leurs échanges.