Mise à jour : January 2016

Les libertés fondamentales en France, quels enjeux aujourd’hui ?

La question du respect des libertés fondamentales est récurrente depuis l’avènement de la République française. Nombre de mesures et de projets ont ainsi été remis en cause au nom de la liberté d’expression, de la liberté d’association ou encore la liberté d’aller et de venir.

Mais la question des libertés est d’autant plus prégnante lorsque les circonstances exigent un renforcement des mesures de sécurité. Les dispositifs ainsi mis en place afin de lutter contre la menace terroriste constituent en effet pour certains une menace sur les libertés fondamentales.

Les limites traditionnelles à la liberté

Si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacrait des droits individuels, ceux-ci ont été, selon les périodes, malmenés. Progressivement, d’autres textes sont donc venus renforcer les libertés fondamentales.

Cependant, des limites ont été posées, la liberté s’arrêtant là ou commence celle des autres. Ainsi, de nombreuses dérogations à la liberté ont été instaurées, à l’instar des lois mémorielles, des différentes mesures prises dans le cadre de la lutte antiterroriste, ou encore des décisions de fermeture de sites Internet. Mais c’est surtout la liberté d’expression qui a fait l’objet de nombreuses limitations.

La liberté d’expression, souvent atténuée

Depuis la Révolution française, la liberté d’expression est le corolaire de la République et de la démocratie.

Si la liberté d’expression est un droit fondamental en France, elle est toutefois limitée. Ainsi, la loi peut prévoir des cas dans lesquels sera sanctionné l’abus de cette liberté.

C’est le cas avec la diffamation, l’apologie de crime contre l’humanité ou encore la tenue de propos racistes. Ces limites s’appliquent tant sur Internet que dans un document papier. Aussi la liberté d’expression est-elle intimement liée à la liberté de la presse, à la liberté de communication.

C’est dans ce cadre que, selon les époques, des mesures plus ou moins strictes ont été instituées pour limiter la liberté d’expression.

Si de nombreuses mesures sont venues encadrer la liberté d’expression, notamment dans le secteur audiovisuel ou en faveur de la protection de la jeunesse, Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse

ce sont plus récemment la loi Gayssot de 1990 et la loi de 2014 relative à la lutte contre le terrorisme qui ont fait parler d’elles.

Quelles limitations à la liberté d’expression ?

Les limites apportées à la liberté d’expression sont tantôt perçues comme une censure, tantôt comme une nécessité susceptible de protéger ceux qui en sont les victimes.

Et pour cause, il y a une grande variété de censure, qui touche autant le cinéma qu’Internet ou encore la presse. Dans l’histoire, nombreuses de censures ont ainsi concerné des films ou des programmes télévisuels.

Ont ainsi été interdit les films “Nuit et Brouillard” dans les années 1960, ou “La Dernière tentation du Christ”, film qui provoque alors “une guérilla des fondamentalistes américains et les protestations de l’archevêque de Paris, JeanMarie Lustiger, qui obtient que la subvention de 3 millions de francs allouée au film par le ministre de la culture, Jack Lang, soit retirée.” “Censures, interdits et pressions”, Le Monde, 24 février 2015.

Ainsi, en 2015, l’annonce de la suppression des “Guignols” sur Canal + avait provoqué de vives réactions, certains dénonçant une “attaque contre la liberté de penser”.

De la même façon, en 2015, le chroniqueur d’une radio dénonçait un « boycott punitif » de la part du ministère, allant jusqu’à évoquer des « pressions proches d’une censure » après avoir été remercié après une chronique mettant en cause l’efficacité des forces de sécurité durant les attentats de novembre. http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2015/11/23/rmc-guenole-remercie-pour-une-chronique-contestee-sur-la-gestion-des-attentats_4815715_3236.html

De façon plus générale, certains journalistes dénoncent les pressions, les menaces de suppression de fonds publicitaires, le harcèlement judiciaire qui sont des moyens de censurer la presse. Informer n’est pas un délit, sous la direction de Fabrice Arfi et Paul Moreira, Calmann-Lévy, 2015.

Des limites à la liberté d’expression ont également pu porter sur des injures à l’encontre de personnalités politiques ou à l’encontre des forces de l’ordre. http://www.bastamag.net/Un-dessin-d-enfant-sur-les-violences-policieres-interdit-par-une-municipalite

En 2015, un arrêté municipal avait interdit la tenue d’un concert au motif que : « L’organisateur tient sur ses affiches des propos et des images outrageants à l’égard des forces de l’ordre ». Les affiches reprenaient cependant un dessin d’enfant faisant état dénonçant des faits de violence policière présumés. http://www.bastamag.net/Un-dessin-d-enfant-sur-les-violences-policieres-interdit-par-une-municipalite

De la même façon, les propos racistes, homophobes ou encore antisémites sont régulièrement condamnés. Cela a par exemple été le cas des propos de Jean-Marie Le Pen à propos des Roms http://www.huffingtonpost.fr/2014/11/20/jean-marie-le-pen-condamne-propos-racistes_n_6191410.html, d’Anne-Sophie Leclère comparant Christiane Taubira à un singe http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/16/propos-racistes-contre-taubira-sept-questions-sur-une-condamnation_4458104_4355770.html, ou encore Eric Zemmour sur les propos tenus sur les Noirs et les Arabes http://www.marieclaire.fr/,zemmour-condamne-pour-ses-propos-sur-les-noirs-et-les-arabes,20122,379360.asp.

Accusé d’anti-sémitisme, Dieudonné avait également vu ses spectacles régulièrement interdits. http://www.lefigaro.fr/culture/2015/05/28/03004-20150528ARTFIG00075-dieudonne-interdit-de-spectacle-a-limoges.php

Dans une autre mesure, les propos révisionnistes niant le génocide juif sont sanctionnés depuis des années dans le cadre de la loi Gayssot.

Sur Internet, la liberté d’expression a longtemps été très large. Progressivement, certains propos ont été dénoncés, jugés injurieux, discriminatoires ou encore diffamatoires. Ainsi, malgré le sentiment d’anonymat qui a longtemps prévalu, des condamnations ont été prononcés à l’encontre d’internautes.

De façon plus générale, des modérateurs filtrent certains messages sur les forums de discussions.

De plus, le contrôle des discussions a été renforcé par le monopole de quelques réseaux sociaux, ce qui fait jouer aux géants du Net un rôle considérable sur la liberté d’expression.

“Avec plus d’un milliard d’utilisateurs pour Facebook et plusieurs centaines de millions pour Twitter, les grandes plateformes du Web se retrouvent arbitres de la liberté d’expression, de ce que leurs utilisateurs peuvent écrire ou pas, une position que la plupart des démocraties confient à la justice.” http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/15/harcelement-djihadisme-les-reseaux-sociaux-contraints-a-la-regulation_4593913_4408996.html#vDEGCPfYdMocyQMG.99

Une part importante des messages individuels passant par un petit nombre de réseaux sociaux, il est plus facile d’y exercer un contrôle.

Cet situation a notamment permis à l’Etat français de procéder à des demandes d’effacement de tweets, devenant le numéro un mondial des demandes de suppression de tweets. http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/02/06/la-france-numero-un-mondial-des-demandes-de-suppression-de-tweets_4361715_651865.html

Des limitations limitées

Au-delà des limites apportées de façon coercitive à la liberté d’expression, l’autocensure s’est parfois imposée au gré des évènements.

Ainsi, après les attentats de janvier 2015 à Paris, des œuvres d’art et des évènements culturels étaient censurées durant les semaines qui ont suivi : affiches modifiées, films déprogrammés, expositions annulées, etc. Ces autocensures résultaient d’une volonté d’éviter les tensions, de ne pas heurter le public ou simplement par mesure de sécurité. http://next.liberation.fr/culture/2015/01/29/apres-charlie-hebdo-la-culture-s-autocensure_1191212

Mais l’autocensure se pratique également de façon plus régulière, notamment chez les journalistes. “Crédit Mutuel, Censure, Bolloré, Canal+ et TAFTA | Guerre contre le journalisme”, https://www.youtube.com/watch?v=mp3VZ-k2mhA

Certains ont ainsi remis en cause l’absence de véritable enquête journalistique concernant certaines questions, jugeant par exemple important de connaître le dossier médical des candidats à l’élection présidentielle ou la destination de certaines sommes utilisées par les politiques. Cette absence d’enquête sur des éléments de leur vie privée est ainsi parfois considérée comme une carence qui pourrait entraver le rôle historique de contre-pouvoir accordé à la presse. http://www.liberation.fr/societe/2012/03/30/pudeur-et-autocensure-des-journalistes-francais_806847

Libertés vs sécurité

Pour assurer la sécurité des uns, il est parfois nécessaire de limiter la liberté des autres, incitant certains politiques à affirmer que “la sécurité est la première des libertés”, tandis que pour d’autres, “la première sécurité est la liberté.”

La lutte contre le terrorisme a ainsi privilégié la sécurité, allant parfois jusqu’à limiter certaines libertés.

“les discours publics sur la liberté se transforment en discours sur la peur face à une menace présentée comme omniprésente et hautement imprévisible, contre laquelle il convient d’adopter toute mesure, même restrictive des libertés publiques, pourvu qu’elle soit considérée comme efficace.” “La légitimation des mesures d’exception”, Cultures & Conflits n°61, Antiterrorisme et société, Didier Bigo, Antonia Garcia Castro, Emmanuel-P. Gu, Editions L’Harmattan, 2006, p49.

Le risque d’une menace sur les libertés ?

Aux USA, le Patriot Act a ouvert la voie à des restrictions aux libertés publiques. Malgré des résultats souvent jugés mitigés, la mise en place de mesures similaires était réclamée par certaines voix en France. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/12/le-patriot-act-une-legislation-d-exception-au-bilan-tres-mitige_4554570_4355770.html

Fin 2015, la mise en place de l’état d’urgence au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre portait atteinte aux libertés individuelles et collectives à travers les mesures instaurées : assignation à résidence, interdiction d’associations ou de groupements de fait, limitation à la liberté de manifester, atteinte à la vie privée par la surveillance à l’insu des individus, etc.

Pour certains, “ces législations entraînent une atrophie des libertés et une dilatation de la puissance politique et administrative”. http://www.laviedesidees.fr/Contre-le-terrorisme-la-legislation-d-exception.html

Dérogeant à la Convention européenne des droits de l’homme, l’état d’urgence ouvrait la voie à la limitation de la liberté d’aller et de venir, à la liberté d’expression, à la liberté de réunion ou encore au respect de la vie privée. http://www.numerama.com/magazine/31916-deroger-aux-droits-de-l-homme-voici-comment-ca-peut-etre-legal.html

Les mesures étant généralement effectuées sans le contrôle d’un juge, à l’instar des perquisitions, elles ont parfois été critiquées, tant pour leur insuffisance de résultat que pour les méthodes employées : “portes défoncées, meubles renversés, matelas tailladés ou même ampoules cassées”. La plupart des perquisitions menées dans le mois qui a suivi la mise en oeuvre de l’état d’urgence n’ont en effet ouvert la voie à aucune poursuite judiciaire https://www.mediapart.fr/journal/france/111215/terrorisme-2500-perquisitions-deux-enquetes-ouvertes ; surtout, nombre des personnes visées par les perquisitions évoquent la violence des policiers et l’absence d’éléments susceptibles de jutifier de telles mesures. http://www.liberation.fr/france/2015/12/14/l-etat-d-urgence-un-mois-apres_1419816

Ce constat a été partagé par des personnes assignées à résidence, qu’ils s’agisse d’individus soupçonnés de “radicalisation” ou de militants écologistes.

Les mesures instaurées par l’état d’urgence n’ont en effet pas seulement concerné la lutte contre le terrorisme, ce qui a conduit certains à penser que les autorités profitaient de l’état d’urgence face à la menace terroriste pour réprimer les mouvements sociaux et écologistes. http://www.bastamag.net/Premieres-convocations-policieres-pour-avoir-enfreint-l-interdiction-de

Ainsi, certains ont pu craindre que l’Etat utilise les peurs et l’émotion ressentie au lendemain des catastrophes comme instrument de répression analogue à l’arsenal antiterroriste mis en place après le 11 septembre. Certains avaient pu mettre en évidence “l’exercice d’une politique de la peur” par les Etats-Unis. http://www.liberation.fr/debats/2015/12/01/ne-laissons-pas-a-l-etat-la-politique-de-nos-emotions_1417538

Des atteintes à la vie privée pour assurer la sécurité

Différentes mesures portant atteinte à la vie privée ont progressivement été mises en place pour assurer la sécurité des personnes, à l’instar des programmes illégaux de géolocalisation et de surveillance téléphonique.

La direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), service de renseignements français, avait ainsi livré 70.3 millions de conversations téléphoniques collectées entre décembre 2012 et janvier 2013 à la NSA, services de renseignements américains. http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20150122trib7421adbf8/patriot-act-victoire-du-terrorisme-sur-la-liberte.html

Pour renforcer l’arsenal législatif en matière de renseignement, la loi renseignement avait été adoptée en 2015. Parmi les mesures approuvées, certaines encadraient des pratiques policières déjà mises en œuvre sans contrôle. Et nombre d’entre elles concernent des informations privées : installation de “boites noires”, collecte massive de données, etc.

L’exigence de garantir la sécurité implique ainsi une plus grande transparence. Les personnes suspectées d’avoir commis un crime ou un délit doivent se soumettre aux opérations de prélèvement des empreintes digitales ou génétiques. http://www.justice.gouv.fr/bulletin-officiel/dacg91a.htm

De même, il est interdit de “porter une tenue destinée à dissimuler son visage” dans l’espace public, sous peine d’une amende de 150 euros, ou de 1 500 euros dans le cadre d’une manifestation. http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/04/22/un-artiste-americain-vous-donne-son-visage-pour-echapper-a-la-surveillance-generalisee/

Aussi, des logiciels devraient permettre de détecter des comportements individuels suspects dans les gares via la vidéosurveillance, afin de lutter contre les risques d’attentats, mais également pour identifier les fraudes. Mais ces techniques inquiètent les défenseurs des droits de l’homme et de la vie privée, car ces dispositifs risquant de faire dériver le système vers une “justice préventive”. http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/17/a-la-sncf-des-logiciels-pour-detecter-les-comportements-suspects-par-videosurveillance_4833882_4408996.html

Des essais étaient ainsi effectués dans les gares : le logiciel se fonde sur le haussement de la voix, la température corporelle ou encore des gestes saccadés révélant l’anxiété du sujet. http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/17/a-la-sncf-des-logiciels-pour-detecter-les-comportements-suspects-par-videosurveillance_4833882_4408996.html

Des libertés collectives atténuées

En 2015, la mise en place de l’état d’urgence entravait la liberté de réunion, de manifestation ou encore d’association. Ainsi était notamment prévue la dissolution d’association dont les actions peuvent porter une atteinte grave à l’ordre public. http://libertes.blog.lemonde.fr/2015/11/22/la-loi-sur-letat-durgence-nouvelle-loi-des-suspects/

De même, l’interdiction des manifestations durant l’état d’urgence avait été prolongée afin d’éviter tout rassemblement en marge de la COP21. http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/12/01/interdiction-de-manifester-prolongee-au-bourget-et-sur-les-champs-elysees_4821538_4527432.html

Certains avaient alors dénoncé des contrôles policiers portant sur des banderoles de militants se rendant dans les zones autorisées de la conférence sur le climat. http://www.politis.fr/Climat-coulisses-de-la-conference,33302.html

“Lors des précédentes Conférence climat, dans les enceintes réservées aux associations, on laissait les contradicteurs s’exprimer… Ce n’est plus le cas, la censure de surveillance et de contrôle s’exerce aussi aux dépends des représentants de la société civile.” http://www.politis.fr/Climat-coulisses-de-la-conference,33302.html

Des atteintes à la liberté d’expression

Après les attentats du mois de janvier 2015 à Paris, la France a instauré le délit d’apologie du terrorisme, destiné à lutter contre certains propos.

Cela a entraîné de nombreuses condamnations, mobilisant une justice pénale encouragée par la ministre de la Justice, qui demandait aux procureurs d’agir avec une grande “fermeté”. “Apologie du terrorisme : justice exemplaire ou d’exception ?”, http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/16/apologie-terrorisme-justice-exemplaire-dexception-257145

Certains avaient alors dénoncé des procédures rapides et des “condamnations aveugles et démesurées”. http://www.syndicat-magistrature.org/Apologie-du-terrorisme-Resister-a.html

D’autres ont mis en avant les risques de dérives, les condamnations étant souvent lourdes et les peines risquant de radicaliser davantage les condamnés. “Apologie du terrorisme : justice exemplaire ou d’exception ?”, http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/16/apologie-terrorisme-justice-exemplaire-dexception-257145

De son côté, Amnesty international avait réagit face à la multiplication des arrestations et des poursuites pour apologie du terrorisme, “dont la définition reste vague. Le risque est grand que ces arrestations violent la liberté d’expression.” http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Liberte-expression/Actualites/France-la-liberte-expression-epreuve-13947?prehome=0

Internet et la sécurité

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, plusieurs sites faisant l’apologie du terrorisme ont fait l’objet de mesures de blocage http://www.numerama.com/magazine/33314-36-sites-internet-bloques-en-france-lesquels-et-pourquoi-mystere.html , une tendance qui s’est accélérée. http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/11/19/les-deputes-adoptent-une-mesure-de-blocage-express-de-sites-web_4813604_4408996.html

Cela a fait reculer la liberté d’expression sur Internet en France. http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/internet-la-liberte-d-expression-recule-en-france-28-10-2015-1977346_47.php

Mais d’autres mesures ont également cherché à renforcer la sécurité sur Internet, notamment à travers la mise en place, par le gouvernement en 2015, d’un site internet permettant de “signaler” des “contenus ou de comportements illicites auxquels vous vous seriez retrouvés confrontés au cours de votre utilisation d’Internet”. https://www.internet-signalement.gouv.fr/PortailWeb/planets/Accueil!input.action

De l’exception au risque d’exception permanente

Les menaces sur la sécurité ont imposé la mise en place de mesures fortes, souvent temporaires. Cependant, nombre de personnes s’inquiètent d’une éventuelle prolongation de ces mesures.

Le projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence aurait pour effet de pérenniser dans le droit une nouvelle forme de législation d’exception. “Etat d’urgence, lois d’exceptions et atteintes aux libertés”, https://www.youtube.com/watch?v=7vpQ1z2bgsw

Déjà en 2005, l’instauration de l’état d’urgence avait donné lieu à des mises en garde, certains s’inquiétant du climat sécuritaire qui risquait de s’imposer. http://www.revue-projet.com/articles/2006-2-l-etat-d-urgence-un-etat-vide-de-droit-s/

“Ainsi banalisé – « finalement, l’état d’urgence n’est pas si terrible que cela : on peut faire ses courses de Noël, réveillonner, aller au cinéma,… comme si de rien n’était » –, l’état d’urgence favorise une atmosphère sécuritaire et prépare les esprits à recevoir sans s’en apercevoir, sans impression de rupture toute proposition de République autoritaire et policière.” http://www.revue-projet.com/articles/2006-2-l-etat-d-urgence-un-etat-vide-de-droit-s/

La mise en oeuvre d’une politique de l’exception, fondée sur une “rhétorique du danger permanent”, pourrait expliquer la “suppression de l’Etat de droit”, l’exception devenant routinière.

“L’utilisation de la notion d’état d’exception pour expliquer la suppression de l’Etat de droit [...] s’est accompagnée de l’idée que certaines périodes d’exceptions peuvent se prolonger, devenir routinières, voire normales.” “Liberté et sécurité en Europe : enjeux contemporains”, Cultures & Conflits n°61, Antiterrorisme et société, Didier Bigo, Antonia Garcia Castro, Emmanuel-P. Gu, Editions L’Harmattan, 2006, p129.

L’exception risquerait ainsi de devenir le droit commun, qui pourrait créer un régime dérogatoire au contrôle administratif et ainsi abandonner des libertés fondamentales sans qu’un juge puisse le contrôler. “Etat d’urgence, lois d’exceptions et atteintes aux libertés”, https://www.youtube.com/watch?v=7vpQ1z2bgsw

Aussi le projet de réforme constitutionnelle visant à constitutionnaliser l’état d’urgence ne faisait-il pas l’unanimité http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/etat-d-urgence-reforme-constitutionnelle-loin-faire-l-unanimite-1152084 , certains décidant par exemple de faire une pétition contre “une réforme constitutionnelle imposée sans débat”. http://www.humanite.fr/petition-pour-nous-cest-definitivement-non-594173

Les mesures de sécurité, entre efficacité et restriction des libertés, quels effets ?

Les mesures d’exception, bien que nécessaires, ne permettraient pas de combattre le terrorisme à long terme. http://www.laviedesidees.fr/Le-paradigme-de-l-exception.html

Pour certains, cela aurait au contraire pour conséquence d’attenter seulement davantage aux libertés. En effet, la logique de prévention des attentats terroristes a pour effet d’agir en amont en réprimant l’intention terroriste, ce qui risque de porter atteinte aux droits fondamentaux. “Etat d’urgence, lois d’exceptions et atteintes aux libertés”, https://www.youtube.com/watch?v=7vpQ1z2bgsw

“La loi de 1955 s’appliquait à toute personne « dont l’activité s’avère dangereuse », elle s’applique désormais à toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace ». La formulation est beaucoup plus large et floue car les « raisons sérieuses » ne sont pas spécifiées. En passant de « l’activité » au « comportement » et à la « présomption », la nouvelle loi abandonne la matérialité des faits pour se rapprocher d’un délit d’intention.” http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/21/etat-d-urgence-ou-changement-de-regime_4836088_3232.html#m5uq0BOY5k7Kb4zD.99

Les mesures portant atteinte aux libertés mises en place pour renforcer la sécurité des populations ont ainsi tantôt été saluées, tantôt critiquées. Si certaines estiment en effet qu’elles ont des effets positifs, à l’instar des caméras de surveillance http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/03/23/01016-20090323ARTFIG00238-la-videosurveillance-fait-chuter-la-delinquance-de-rue-.php , d’autres s’insurgent contre des mesures qui n’amélioreraient pas la sécurité.

Ainsi, pour certains, la restriction des libertés et la surveillance de masse n’ont pas réellement d’effets sur les terroristes, qui utilisent par exemple d’autres moyens que le téléphone portable, dont il connaissent la tracabilité. Jérémie Zimmermann http://www.dailymotion.com/video/x2fwbl7_j-zimmermann-1-audition-internet-et-terrorisme-djihadiste-senat-28-01-15_news?start=684

De même le stockage des données personnelles des passagers aériens en Europe (PNR) aurait une efficacité limitée. http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/12/11/le-pnr-un-dispositif-a-l-efficacite-limitee-selon-les-experts_4829617_3214.html

Ainsi, si les mesures mises en place ont permis de déjouer plusieurs attentats en France http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20151222.OBS1817/attentat-dejoue-a-orleans-ce-que-l-on-sait.html , donner davantage de pouvoir à la police ne permettrait pas nécessairement d’éviter les actes terroristes, car “L’hystérie sécuritaire ne protège pas”. “il est impossible de garantir la sécurité totale, et surtout pas en prenant des mesures d’exception attentatoires à la démocratie et aux libertés publiques.” http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/08/jean-pierre-dubois-lhysterie-securitaire-protege-256974

Quels garde-fous ?

Au moment de l’état d’urgence, la protection contre les atteintes au libre exercice des libertés semble difficile. Le contrôle s’effectue en effet au regard de circonstances exceptionnelles, qui justifient parfois les atteintes aux libertés. Ainsi, “Maintenu en théorie, le contrôle devient inopérant en pratique.” http://www.revue-projet.com/articles/2006-2-l-etat-d-urgence-un-etat-vide-de-droit-s/

Pourtant, il existe des moyens de contester les mesures susceptibles de porter atteinte aux libertés fondamentales.

C’est le cas du référé-liberté : en cas de mesure portant atteinte à la liberté d’une personne, le juge administratif peut protéger les libertés fondamentales. http://www.lemondepolitique.fr/cours/droit-des-libertes-fondamentales/protection-des-libertes/protection-juridictionnelle-interne/juge-administratif Et au-delà des garanties apportées par le juge judiciaire, protecteur des libertés fondamentales, le juge constitutionnel peut se prononcer quant à la conformité d’une loi par rapport à la Constitution.

Ainsi, le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative, a examiné leurs recours contre l’assignation à résidence et validé ces mesures de privation de liberté tout en demandant au Conseil constitutionnel d’examiner le régime des assignations. http://www.liberation.fr/france/2015/12/11/le-conseil-d-etat-valide-les-assignations-a-residence-de-sept-ecologistes_1420198

Fin 2015, le Conseil constitutionnel validait finalement les assignations à résidence. http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/12/17/le-conseil-constitutionnel-examine-les-assignations-a-residence_4834254_3224.html