Libye

Après 2011, la Libye s’est enlisée dans un conflit dévastateur. Après la mort du colonel Kadhafi, diverses scissions politiques ont rongé le pays tandis que des milices locales commençaient à y installer une violence endémique. Des milices armées islamistes se sont en effet implantées dans les institutions et ont accentué la division du pays, scindé entre les anciennes autorités qui siègent à Tripoli (gouvernement et ancien Congrès général national) et les nouvelles, réfugiées à Tobrouk, dans l’Est. Et si le cessez-le-feu de 2020 a conduit à l’arrêt des combats et à une relative stabilisation de la situation qui a permis la mise en place d’un gouvernement de transition, la Libye demeure dans l’instabilité politique et l’insécurité.

Récent historique

En 2014-2015, la Libye sombrait dans une violence extrême et l’Etat islamique s’emparait de la ville de Syrte. La ville a ensuite été la cible des frappes américaine et libyenne, qui ont permis d’y déloger l’organisation djihadiste quelques mois après son installation. Puis, sous l’égide de l’ONU, des accords entre les représentants du Congrès général national (CGN) et ceux de la Chambre des représentants étaient signés pour former le Gouvernement d’union nationale (GNA) en 2016. Mais rapidement, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, soutenu par l’ONU, va se heurter au refus de la Chambre des représentants de valider ces accords. Le général Haftar, qui tient en partie l’est du pays, s’érigera alors progressivement comme opposant au GNA. Il prendra alors le contrôle de ports pétroliers de l’Est libyen. Ainsi, le pays va se voir déchiré par une guerre civile dévastatrice entre le GNA du président Fayez el-Sarraj, et l’Armée Nationale Libyenne (ANL) du maréchal Haftar. L’implication de forces étrangères La Libye est le théâtre de rivalités étrangères, à commencer par celles qui ont opposé la Russie à la Turquie, deux pays soutenant des camps opposés: les Russes se sont rangés du côté de l’ANL tandis que les Turcs soutiennaient le GNA, reconnu par la «communauté internationale». Mais le conflit libyen a également impliqué d’autres puissances étrangères, à l’instar des Etats-Unis, qui en 2016 participaient à la lutte contre l’Etat islamique. En outre, le GNA bénéficiait du soutien du Qatar, et de l’appui discret de l’Italie et de l’Allemagne. De son côté, et outre la Russie, le camp opposé était soutenu par l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite (un front anti-Frères musulmans). Ces pays ont envoyé nombre d’armes et de militaires en Libye, des mercenaires très actifs dans le conflit libyen. Ces rebelles ont profité du chaos étatique pour faire du Sud libyen la base arrière des rebellions tchadienne et soudanaise (qui se livraient également au mercenariat pour le compte de l’un des pouvoirs libyens) mais aussi le refuge d’organisations terroristes et de divers trafiquants.

Les nombreux mercenaires et milices sont constitués de forces étrangères composées de militaires turcs et de mercenaires syriens envoyés par la Turquie, qui avait transféré en Libye des combattants de l’ex-Armée libre syrienne pour soutenir le gouvernement de Fayez El Sarraj. Ils sont également composés de Soudanais et de Tchadiens soutenus par les Émirats arabes Unis et intervenant au côté du maréchal Khalifa Haftar, mais aussi de miliciens russes du groupe Wagner. Ces combattants étrangers seraient plus de 20 000 sur le territoire libyen. Parmi eux, les rebelles du FACT (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) s’y sont développés et ont nourri des alliances avec les merenaires du groupe Wagner.

Vers une normalisation ?

En janvier 2020, un cessez-le-feu était déclaré sous la pression de Moscou et d’Ankara. Cependant, la situation n’évoluait pas et en dépit de cet accord, le pays restait en proie à de vives violences. Le GNA reprenait quelques mois plus tard le contrôle de l’ensemble du nord-ouest de la Libye en faisant reculer les forces du maréchal Haftar. Cependant, Russes et Turques s’évertuant alors à trouver une issue politique au conflit militaire, il n’y avait plus d’échanges de tirs, plus de front actif dès l’été de cette même année. N’ayant plus d’intérêt à poursuivre la guerre et préférant s’enraciner dans le pays (ex: via la reconstruction), Russes et Turques ont ainsi ouvert la voie au cessez-le-feu global et permanent d’octobre 2020 entre le camp de Benghazi et celui de Tripoli. Cela annonçait l’arrêt des combats et la fin des ingérences étrangères. Mais si déjà les mercenaires russes avaient évacué le front de Tripoli, le retrait des militaires étrangers devait s’avérer difficile, la réelle volonté de limiter ces ingérences étant limitée. Toutefois, des négociations visant à l’obtention d’avancées politiques se sont poursuivies et des élections présidentielles au suffrage direct, puis des élections législatives, devaient être organisées fin 2021. En outre, un nouveau gouvernement unique était mis en place, sous l’égide de l’ONU. Cela réveillait l’espoir d’une paix durable, d’une unification des autorités libyennes rivales Est/Ouest et d’une reconstruction du pays.

Pour ce faire, le Premier ministre libyen s’est lancé dans le renforcement des liens économiques avec la Turquie, notamment dans le domaine des hydrocarbures, et les pays du Golfe, invités à investir en Libye. Les Émirats, tout comme la Turquie, ont ainsi obtenu un quota important dans la reconstruction du pays.
C’est dans ce contexte que le Forum de dialogue politique libyen, un comité politique créé par l’ONU, avait été créé pour passer outre les institutions libyennes. Mais des divisions y sont également apparues et des désaccords avec les parlementaires se sont fait jour à propos des modalités des scrutins à venir. De plus, un certain nombre des structures tribales des berbères, toubous et touaregs ont été totalement exclues du forum. Cettte situation maintenait le pays dans l’impasse et entravait l’unification des institutions, et notamment celle de l’armée.
Lors de sa mise en route, le Forum de dialogue politique libyen était critiqué pour ses participants, nombre d’entre eux étant membres ou affiliés aux Frères musulmans. Les partisans de l’ancien dirigeant Mouammar Kadhafi avaient ainsi refusé d’y participer.
Aussi le chemin vers la paix demeurait-il long malgré l’arrivée du nouvel exécutif unifié, qui peinait également à changer la situation sécuritaire du pays. La Libye reste en effet en proie aux exactions et les atteintes aux droits de l’homme, les enlèvements et les détentions arbitraires continuent. Refuge d’organisations terroristes et de divers trafiquants, le Sud du pays échappe encore à l’autorité d’un État plongé dans le chaos où les groupes armés tchadiens et soudanais continuent d’opérer. Cette situation difficile pour les Libyens avait conduit certains d’entre eux à manifester régulièrement afin d’obtenir de meilleures conditions de vie. L’insécurité généralisée a en effet des conséquences directes sur la vie quotidienne, notamment lorsque des groupes armées font irruption dans des centres d’approvisionnement en eau, causant ainsi des pénuries d’eau potable. Toutefois, des avancées vers une stabilisation du pays. Outre l’établissement d’un plan de retrait des combattants étrangers sur le sol libyen établi par les militaires libyens de l’Est et de l’Ouest en 2021, la Libye améliorait sa situation sécuritaire et avançait dans l’unification des institutions. La bonne tenue des élections de 2021-2022, ainsi que le retrait des forces étrangères et des mercenaires, s’avéraient donc cruciaux pour l’avenir du pays. La communauté internationale s’impliquait en ce sens, tout comme l’Union africaine ou encore certains pays voisins. L’Egypte œuvrait ainsi pour la réussite des élections, mais aussi dans l’intention de contrer l’influence de la Turquie et des islamistes en Libye.

Ainsi la Libye devait-elle s’orienter vers un processus politique mené par les Libyens, sous l’égide des Nations Unies.