Mise à jour : October 2024

Amérique latine

Après des années d’instabilité et de conflits, l’Amérique latine s’est dotée de régimes démocratiques au cours du 20e siècle et a connu un réel essor économique lui permettant de peser sur la scène internationale, forte de ses 650 millions d’habitants.

Dans les années 2000, la région a vu arriver au pouvoir des partis aux idéologies de gauche. Bénéficiant des fruits de leurs ressources énergétiques, ces gouvernements étaient parvenus à réduire les inégalités sociales et la pauvreté. Dans le même temps, ils sont devenus, avec l’Asie, le moteur de la croissance mondiale. Les disparités sont cependant importantes, le Brésil et le Mexique représentant à eux seuls 60% du PIB du continent. Le continent est également marqué par la fragilité structurelle de l’emploi: plus de la moitié des emplois dépend du secteur informel, ce qui affecte les économies étatiques.

L’Amérique du Sud fait également face à de nouveaux défis, et notamment à la hausse continue des flux migratoires internes au continent, une source de déstabilisation qui s’ajoute aux phénomènes climatiques extrêmes ainsi qu’à l’explosion de la production et des trafics de stupéfiants. Le continent sud-américain est traversé par différents flux de migrants. Aux vagues migratoires vénézuéliennes des années 2017-2020 se sont ajoutées celles qui partent des Caraïbes en passant par l’Amérique centrale pour atteindre les États-Unis ou encore celles qui rejoignent le sud (Chili, Pérou). Ces migrations bouleversent les économies des pays, à l’image des migrants vénézuéliens en Colombie, au Panama et dans les pays andins.

Une fracture idéologique ?

Après avoir connu un essor fulgurant au début des années 2010, l’Amérique latine a plongé dans une crise politique, mais aussi économique (croissance en berne, accroissement de l’inflation, du chômage et de la pauvreté). La politique des présidents de la gauche latino-américaine a été minée par la crise économique de 2008. A cela se sont ajoutés d’importants scandales de corruption qui ont ébranlé la vie politique brésilienne, vénézuélienne, mais aussi chilienne, péruvienne et équatorienne. C’est alors qu’une nouvelle génération de dirigeants a succédé à l’ancienne salve de présidents de gauche. Après l’arrivée au pouvoir du président ultralibéral Bolsonaro au Brésil, l’Argentine a porté au pouvoir en 2023 un président prônant l’intégrité de l’Etat et l’efficacité économique, Javier Milei. C’est dans ce contexte que l’Occident dénonçait peu à peu la montée de l’autoritarisme dans la région.

Le continent sud-américain a régulièrement accusé l’Occident de s’être impliqué dans diverses révoltes populaires visant à renverser des gouvernements jugés radicaux. Le 20e siècle a en effet connu de célèbres renversements : après avoir tenté de mener une réforme agraire favorable au peuple, Jacobo Árbenz au Guatemala était renversé par un coup d’État organisé par la CIA en 1954 ; au Chili, en 1973, le président socialiste Salvador Allende était renversé par le général des armées, Augusto Pinochet, appuyé par la CIA. De même, le régime castriste fera l’objet de multiples tentatives de renversement. Les accusations mutuelles de complot sont encore fréquentes (ex: lors de la révolte au Nicaragua en 2018, de la contestation menée par des indigènes en Equateur en 2022, etc.). De même, au Nicaragua, Daniel Ortega, au pouvoir depuis 2006, a été accusé de mener une violente répression des manifestations en 2018 et de fraudes électorales en 2021. A Cuba, ou demeure un parti unique, le manque de liberté de la presse est encore critiqué autant que la répression des protestations (ex: en 2021). Au Guatemala, les accusations de corruption et de fraude ont marqué les élections de 2023 et la presse s’est vue muselée, dans un pays où la pauvreté affecte plus de la moitié de la population.

Toutefois, certains pays ont connu l’arrivée ou le retour de pouvoirs de gauche (au Pérou en 2021, en Colombie en 2022, au Mexique et au Venezuela en 2024). Ainsi s’est constituée une ligne de fracture idéologique : entre les pro-occidentaux et les partisans d’une restructuration de l’ordre mondial, l’affrontement qui se joue sur le continent sud-américain atténue sa convergence au risque d’entraver la résolution des défis communs qui s’y jouent (économique, sécurité, etc.).

Une insécurité persistante

Minée par de profondes inégalités, avec d’extrêmes écarts de richesse et une protection sociale limitée, l’Amérique latine est gangrénée par le fléau de l’insécurité.

La période coloniale a créé de grandes inégalités, avec la constitution de grandes propriétés terriennes, qui se sont perpétuées aux 19e et 20e siècles ; c’est là que l’on trouve l’origine des inégalités structurelles de l’Amérique latine. Par la suite, les Etats, structurellement faibles, n’ont pas pu mettre en place de réelle politique de redistribution fiable sur le long terme.

La hausse de la violence liée au narcotrafic a de surcroît augmenté depuis quelques années: alors que les cartels de Jalisco et de Sinaloa au Mexique ont étendu leur emprise en Amérique centrale et sur la façade pacifique de l’Amérique du Sud (exportation vers l’Amérique du Nord), l’Equateur est devenu un lieu central d’exportation de la cocaïne produite au Pérou, en Bolivie, en Colombie et à la frontière amazonienne du Brésil pour rejoindre l’Occident. Aussi le pays est-il contaminé par la violence qui en découle et affecte une partie de la zone andine. Cette expansion du trafic de drogue a contribué au développement de liens entre cartels. Or cette situation entrave le développement de l’Amérique du Sud, les trafiquants de drogue et les organisations criminelles affectant les structures étatiques et sociales de pays où règne déjà une forme de désillusion populaire à l’égard des pouvoirs publics.

Cela explique que certains Etats se soient attelés à la reconquête des espaces publics, à l’image du Salvador, parvenu à éradiquer les «maras» Entreprenant en 2022 de s’engager dans une “guerre totale” contre les maras, qui sévissaient depuis les années 2000, le président Nayib Bukele a réussi à faire chuter la violence dans le pays. Si pour cela, de nombreuses libertés humaines ont été bafouées, cette politique devait permettre de rétablir la stabilité économique du Salvador et son attractivité. De même, en 2024, l’Equateur décrétait l’ «état de conflit armé interne» en raison des fortes violences liées au trafic de drogue.

Relations extérieures

L’Amérique latine est l’un des lieux où s’exercent les rivalités entre Chinois et Américains. En effet, alors que l’influence américaine y est traditionnelle, elle s’est vue contrariée par une Chine qui a prêté des milliards de dollars à certains Etats latino-américains. La place croissante de la Chine dans l’économie sud-américaine contraste avec l’absence, pour les Américains, d’allié solide sur le sous-continent. Manquant d’autonomie et d’influence sur la scène internationale, l’Amérique latine adopte une stratégie diplomatique liée au jeu de ces puissants Etats, optant pour une posture de « non-alignement actif » (Jorge Heine), tout comme elle l’avait notamment fait au Chili au 20e siècle (politique anti-impérialiste de Salvador Allende).