Ainsi, si gouverner serait plus facile dans un cadre
transparent, il parait parfois difficile de concilier les intérêts
généraux avec l’exigence de transparence que semblent souvent
exiger les peuples.
La morale comme fin de la politique
L’évolution des régimes politiques dans le monde laisse penser
que la transparence, si elle constitue « la vertu des belles âmes »
pour Rousseau, n’est pas usitée par nombre de dirigeants. L’Ancien
Régime manifeste notamment l’obscurantisme du pouvoir, caché
derrière l’image de grandeur du politique. Ce n’est qu’avec
l’avènement du système républicain, et la démocratie que la morale
semble devenir une fin de la politique. La massification de
l’enseignement et avec elle l’émergence de la culture du peuple le
conduit à entrer dans la « chose publique », et à exiger des
garanties, alors même que le mandat impératif n’existe pas.
Fin de la politique pour Rousseau, la morale constitue une
source de crédibilité importante aux yeux de la population, qui
l’estime importante. On a en effet pu montrer que ce que les russes
reprochaient à leur gouvernement pendant la guerre froide n’étaient
pas les goulags ou les procès staliniens, mais le mensonge
consistant à faire croire à une vie meilleure, longtemps espérée
par la population d’URSS.
L’Etat, pour Platon, « agit selon le bien ». La volonté de bien
constitue l’un des fondements de l’Etat qui doit effectuer un
certain nombre d’actions positives en faveur se sa population.
Conciliateur des intérêts particuliers et généraux selon Hegel,
l’Etat doit être transparent. Platon réclame ainsi la transparence
dans les affaires politiques, même si la sincérité reste une lourde
tâche en politique.
Le peuple estime généralement, et encore actuellement, que la
politique est bien éloignée des préoccupations populaires. Si les
efforts de décentralisation ont été faits en 1982 puis en 1992,
cela ne limite pas pour autant l’éloignement des politiques, qui
œuvrent parfois davantage pour la promotion économique locale que
pour l’intérêt général de leur population. Par nature immoral, le
politique étant loin des réalités sociales, le pouvoir ne peut être
que tyrannie selon Alain.
Enfin, certaines mesures ont été, de façon ponctuelle, mises en
place afin de développer la transparence dans les affaires
politiques. La Société des Nations tout juste née en 1919 déclare
ainsi que les relations diplomatiques devront être mises au grand
jour, car ces dernières avaient pu être considérées comme source
partielle de la première guerre mondiale.
Vérité et politique
Si pour Jaurès « le courage est de chercher les vérité et de la
dire », il n’est pas toujours opportun de dire la vérité lorsqu’on
exerce des fonctions politiques. Les évènements politiques et
économiques conduisent parfois à user de la « langue de bois » (R.
Aron), à tempérer certains heurts.
L’on peut prôner l’emploi de la ruse en politique, parfois
nécessaire pour parvenir à ses fins. C’est ainsi que Machiavel
considère que le Prince peut mettre en œuvre tous les moyens dont
il dispose dans sa quête du pouvoir. Poursuite concurrentielle du
pouvoir, la campagne politique n’est pour Schumpeter que le seul
objet de la politique, qui n’agit pas selon la volonté de la
population.
Cette conception du politique, manœuvrant pour l’accession au
pouvoir, explique l’usage du mensonge en politique. Lorsque
Ségolène Royal, après sa victoire aux primaires en 2007, déclare «
je n’en tire aucune gloire personnelle », elle fait croire qu’elle
n’œuvre que dans l’intérêt commun.
Aussi, les périodes économiques néfastes obligent à ne pas
expliquer les détails d’une politique économique, qui sans cela
deviendrait souvent inefficace. Certaines anticipations des agents
économiques peuvent conduire à limiter les effets bénéfiques d’une
politique de relance ou à créer ce qu’on appelle une prophétie
autoréalisatrice.
De façon générale la politique utilise l’euphémisme voire le
mensonge, et les périodes électorales sont autant de moments
enclins à la tromperie. Comme l’annonçait Clémenceau, « on ne ment
jamais tant qu’avant les élections ». La population considère
désormais habituelle et quasi naturelle l’utilisation du mensonge
lors des élections puisque cela peut engendrer un accroissement de
l’abstention, les électeurs estimant inutile leur participation à
la chose publique. La perte de crédibilité des électeurs constitue
en effet une partie de l’explication du phénomène
abstentionniste.
Si « Les élections encouragent le charlatanisme » (Ernest
Renan), elles ne doivent pas aller jusqu’à la perte de crédibilité
de leurs électeurs. Les politiques usent ainsi désormais d’autres
méthodes, pratiquant la transparence. De cette façon, on a pu
rendre plus transparente la nomination du président du Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel.