Thomas Hobbes écrit à l’époque où la guerre civile
anglaise sévit et oppose violemment le Parlement au roi.
C’est afin d’échapper à ce contexte guerrier qu’il s’exile en
France, qui elle aussi connait un état instable ; la France connait
la Fronde. De ce contexte, Hobbes préfère sauver l’autorité royale
afin de restaurer la sécurité ; afin de légitimer le pouvoir royal,
il commence son argumentaire en considérant l’homme à l’état de
nature.
Etat de nature
L’homme n’est selon Hobbes pas naturellement
sociable. La volonté de se rapprocher de ses semblables ne
vient que d’un désir artificiel de se réunir pour y trouver un
intérêt.
Isolé donc, l’homme n’agit à l’état de nature qu’en fonction de
ses propres intérêts. Les hommes sont égaux ; si
tous sont méchants par nature, ils diffèrent par
leurs capacités, en étant plus ou moins forts et plus ou moins
intelligent, mais sont finalement égaux car tous compensent leurs
insuffisances (l’homme faible compense par son intelligence).
Poussés par la réalisation continue de leurs désirs personnels,
les hommes sont amenés à agir sans contrainte extérieure, sans
contrainte légale ou humaine. Ils peuvent agir par tous
moyens pour se défendre, se qui peut conduire les hommes à
s’entretuer. Les divergences entre les désirs de chaque homme
entrainent des conflits permanents, et donc des rivalités violentes
que rien ne peut arrêter. Les hommes se battent non seulement pour
leurs passions, mais également pour leur sécurité. Les hommes sont
donc constamment menacés par la violence éventuelle des autres et
craignent pour leur conservation. La vie n’est alors qu’une lutte
pour la conservation de soi et une guerre permanente. Les hommes
étant principalement régis par trois types de comportements que
sont la défiance, la rivalité et la gloire, il n’existe à l’état de
nature que des phénomènes de domination constante. La peur
de mort violente qui hante Hobbes toute sa vie le conduit
à penser que cet état de guerre, état de nature, doit laisser place
à un état sécuritaire. Ainsi, cet état de guerre de tous contre
doit prendre fin pour assurer la sécurité de tous.
Afin que le pouvoir des uns s’arrête là où commence le pouvoir
des autres, des règles doivent être établies, le droit naturel
n’empêche en effet pas d’entraver les droits des autres. Il faut
limiter le droit de conservation qui à l’état de nature est absolu
et illimité. Mais il faut également ériger certains hommes en juges
et fonder les lois civiles afin d’avoir un tiers impartial
susceptible de limiter le droit de chacun et d’assurer la sécurité
de tous par le respect des lois.
Contrat
Hobbes considère que les hommes ont de façon autonome consenti à
donner leurs droits absolus à l’état de nature à une tierce
personne ; les droits de chacun sont donc ainsi limités,
l’individualité s’effaçant bientôt totalement. On remet ainsi par
contrat la puissance suprême à un Léviathan,
chargé d’assurer la sécurité de tous. Un contrat artificiel doit en
effet permettre d’éviter les dérives des pouvoirs de chacun ; c’est
donc de façon totalement réfléchie que les hommes créent le
Léviathan, c'est-à-dire l’Etat, la puissance publique. Tous les
hommes renoncent donc ensemble à leur liberté, afin d’assurer leur
protection par une puissance supérieure commune. Ce renoncement
doit être collégial ; la soumission de quelques uns conduirait à
leur massacre par les autres.
La soumission des hommes à une telle entité est un moindre mal
nécessaire pour garantir la sécurité. Les hommes dans leur ensemble
permettent de former une unité politique fondée sur la soumission
de tous à un seul. L’ancienne égalité naturelle se substitue ainsi
à l’égalité civile. Mais il n’existe pas de
relation directe entre le souverain et les individus ; seul le
Léviathan, personne artificielle, peut parler en leur nom, sa
volonté étant la leur. Le souverain décide ainsi par exemple de la
religion du pays, et des orientations civiles à donner à la
société.
Mais la mise en place de cette autorité absolue, qui dispose de
tous pouvoirs nécessaires au maintien de la sécurité, entraine
l’assentiment des hommes à un régime absolutiste, qui dispose de la
souveraineté absolue. Hobbes marque ainsi une
rupture avec les anciennes conceptions contractualistes de la
société en considérant que la société s’est formée par le pacte et
non avant lui.
La soumission au Léviathan
Les hommes ont conclu un pacte entre eux, et non avec le
souverain ; il s’agit en effet d’un contrat « de chacun
avec chacun ». Ce dernier n’est donc soumis à aucun
contrat qui le contraindrait à respecter les volontés du peuple.
Les hommes ne peuvent par conséquent pas se révolter contre une
autorité qui violerait ses droits. Hobbes considère ainsi que les
hommes doivent donner leur entière confiance au souverain, ce qui
peut être sujet à questionnement dans le sens où il n’a pas
confiance dans les hommes, qui eux doivent conclure un contrat pour
éviter d’abuser de leur pouvoir.
Si Hobbes fonde les droits subjectifs en faisant de l’homme un
sujet de droit, il retire ensuite à l’homme tout individualisme dès
lors que le Léviathan est mis en place. C’est bien « à partir des
individus, à leur image, qu’on fabriquera l’individu artificiel, le
monstre Léviathan qui écrase les vrais individus »
; l’individualisme qui semblait avoir été le fondement des droits
subjectifs disparait dès lors que la puissance commune est
instituée. Les libertés de l’état de nature semblent donc
disparaitre dans l’état civil. Hobbes ne souhaite pas donner à
l’individu une place qui lui apporterait un pouvoir trop grand par
rapport au souverain, ce pouvoir pouvant permettre de le
renverser.
Les particularismes qui s’exprimaient à l’état de nature
s’envolent en effet car les hommes doivent se soumettre à
l’autorité suprême. Néanmoins, le droit subjectif permet de fonder
le droit sur l’individu lui-même, ce qui est une évolution par
rapport au droit ancien qui ne régit que la société dans son
ensemble.